Malgré de nombreuses réformes, les comptes de la Sécurité sociale sont toujours dans le rouge et les prestations continuent de se dégrader. Une bonne dose de libéralisme pourrait soulager tout le monde.
« Notre modèle social a vécu, il n’est plus adapté.?» En septembre?2014, dans les pages du Parisien, Pierre Gattaz livre un verdict sans appel. Si le président du Medef concentre ses critiques sur le marché du travail, l’avenir de la Sécurité sociale, mise en place en 1945, l’inquiète tout autant. Censé protéger les citoyens français, ce système est devenu un facteur de rigidité et un fardeau financier.

Faillite
En 2014, la dette à amortir s’élève à 129,8?milliards d’euros. Elle devrait continuer à croître au fil des découverts récurrents. Flirtant avec les dix milliards d’euros en 2014, le déficit devrait être ramené à deux milliards d’euros en 2017 selon la Sécurité sociale. Un objectif qui sera difficile à atteindre au regard de ses prévisions : 1,7?% de croissance en 2015 et 2?% en 2016 et 2017.

Côté recettes, la situation est d’autant plus préoccupante qu’il est impossible d’augmenter les prélèvements tant ils sont déjà élevés : les contributions des salariés et des employeurs représentaient, au 1er janvier 2014, respectivement 15,8?% et 30,6?% du salaire brut. Quant aux dépenses, l’État tente de contenir l’envolée sur les deux branches les plus déficitaires : l’assurance-maladie, qui représente 47,3?% des dépenses, et les retraites, qui arrivent en deuxième position avec 33?%. Mais les mesures mises en place n’ont eu que peu d’impact: depuis 2010, les coûts de l’assurance-maladie augmentent d’environ 2,5?% par an. Quant aux montants consacrés aux retraites, ils sont passés de 11,7?% du PIB en 2000 à 13,6?% en 2011.

Inégalités
La gestion de cet organisme tentaculaire est également problématique. Pour la seule assurance-maladie, 86 opérateurs gèrent quatorze régimes obligatoires. Un rapport réalisé par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) concluait qu’une simplification de ce système pourrait générer des économies d’environ 1,7?milliard d’euros par an d’ici à 2020.

En plus d’être coûteux, le système d’assurance-maladie montre de vraies limites en matière d’égalité de traitements. «?Les deux déciles au-dessus des revenus limites pour avoir droit à la CMU dépensent en moyenne 8?% de leur revenu dans des complémentaires, contre seulement 2,9?% pour les deux déciles les plus riches?», constate Brigitte Dormont, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine et membre du Conseil d’analyse économique. En moyenne, un Français dépense, en plus de ses cotisations, 590?euros par an en frais de santé. Mais, pour les 1?% des assurés qui dépensent le plus, le reste à charge s’élève à 5 000?euros.

Assurance-maladie : ouverture à la concurrence
Selon Pascal Salin, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine, cette situation est caractéristique des institutions publiques monopolistiques : «?N’étant pas soumis à la concurrence et ne dépendant pas de propriétaires privés responsables, la Sécurité sociale peut se permettre de s’endetter indéfiniment.?» La solution ? «?Instaurer la concurrence dans le domaine de l’assurance-maladie?». Un avis que Jean de Kervasdoué, économiste à la CPAM, ne partage pas : «?Les bienfaits de la libre concurrence ne s’appliquent pas au marché de la santé du fait de l’asymétrie d’informations entre les malades et les médecins d’une part et les assureurs d’autre part. Les Américains consacrent 17?% de leur PIB aux dépenses de santé tandis que les Japonais, avec un système essentiellement public, ne sont qu’à 8,5?%. Or, ces derniers vivent cinq ans de plus que les Américains.

Cette libéralisation du marché de la santé doit donc se faire de manière encadrée afin de limiter les dérives. Pour Brigitte Dormont, «?cela passe par la mise en place d’un contrat de base standardisé comprenant un panier de biens unique et décidé en amont par l’ensemble des prestataires publics. De cette façon, la concurrence ne s’effectuera plus sur les prestations proposées mais sur le prix.?» Bien sûr, les acteurs du marché pourront proposer des contrats supplémentaires aux personnes souhaitant s’assurer par rapport à des services particuliers. Outre une baisse des prix, la privatisation de l’assurance-maladie permettrait à l’État d’économiser environ six milliards d’euros. Montant qu’il est obligé d’injecter tous les ans.

Retraites : vive la capitalisation
88?% des revenus des retraités sont issus du système par répartition. Un chiffre qui démontre à lui seul une extrême dépendance vis-à-vis d’un système au bord de la faillite. Pour l’instant, les gouvernements s’entêtent à repousser l’âge de départ minimum en retraite sans jamais remettre en cause le modèle en lui-même. Or, pour éviter l’érosion du pouvoir d’achat des retraités et assurer le maintien du financement de l’assurance-vieillesse, il est nécessaire d’équilibrer «?répartition?» et «?capitalisation?». Partir avec une retraite à taux plein est déjà illusoire pour la génération entrée sur le marché du travail dans les années 2000. La Commission européenne souhaite que cette distribution représente 30?% des revenus des retraites à horizon 2030.

Un besoin d’autant plus pressant que l’on idéalise le modèle français : « On considère que le système de solidarité intergénérationnelle est le plus juste et le plus équitable. Cela constitue une illusion d’optique qui pénalise les classes moyennes et modestes?», prévient Philippe Crevel, directeur du Cercle des épargnants. Pour le gouvernement, les économies se chiffrent à près de quatre milliards d’euros par an. Pour diversifier les sources de revenus, les experts proposent la création d’un produit collectif, pouvant être appelé «?compte personnel retraite?», dont les droits seraient attachés à l’individu et le suivraient tout au long de sa carrière.

Les fonds de pension constituent une autre piste de réflexion pour offrir des revenus supplémentaires. Afin de coller aux spécificités françaises, un système de cogestion avec les syndicats pourrait être institué, comme c’est déjà le cas pour l’épargne salariale. Selon l’Institut de recherches économiques et fiscales, si des fonds de pension participaient à des investissements à hauteur d’un milliard d’euros par an, cela représenterait la création de 88 000 emplois à horizon 2017, soit une baisse de plus de 2?% du chômage. La privatisation de la Sécurité sociale permettrait également aux entreprises d’économiser 23?% sur leur masse salariale. Un atout de taille alors que le gouvernement tente d’améliorer la compétitivité.
Aurélien Florin et Vincent Paes


CE QU'IL FAUT RETENIR :


> Des économies de l'ordre de dix milliards d'euros pour l'État.
> Une baisse des prix des prestations médicales grâce à l'ouverture à la concurrence.
> Une augmentation du pouvoir d'achat des retraités rendue possible par la capitalisation.
> Une amélioration de la compétitivité des entreprises avec la création de fonds de pension et la baisse des contributions sociales.

31 % La contribution des employeurs à la sécurité sociale, en pourcentage du salaire brut.

Cet article fait partie du dossier Dix ans pour changer la France.

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