Que ce soit Joe Biden ou Donald Trump qui siège à la Maison-Blanche, le résultat sera le même pour l’UE. Les États-Unis se désintéressent peu à peu du Vieux Continent. Aux Européens de prendre, enfin, leur destin en main.

Depuis 1945, le scénario était bien rodé. L’Europe était habituée à vivre sous le parapluie américain qui prenait en charge sa sécurité grâce à l’Otan, organisation certes multilatérale, mais financée à 72% par l’oncle Sam. Une aubaine pour les pays d’Europe occidentale qui ont pu se concentrer sur l’économie. Géant commercial, nain militaire : l’UE avait trouvé un créneau semblant lui convenir.

Mais en 2016, Donald Trump a tout chamboulé. Hors de question pour lui de "voir des Mercedes à New York" mais "aucune Chevrolet en Allemagne". Inconcevable également de devoir payer pour la sécurité des autres. Pendant quatre années, le républicain a multiplié les formules chocs. Selon lui, l’Union européenne est un "ennemi" notamment "à cause de ce qu’ils nous font dans le commerce". Au-delà de la parole, le milliardaire a aussi agi. C’est ainsi que, fin juillet 2020, il a annoncé le retrait de 12 000 soldats américains d’Allemagne sur les 34 500 stationnés en justifiant ce choix de la manière suivante : "On en a marre d’être des pigeons. Nous réduisons nos forces parce qu’ils ne paient pas, c’est très simple. Si l’Allemagne commençait à payer sa facture, je réfléchirais".

Timide réaction européenne

Les Européens ont donc commencé à agir depuis 2017. Sur le plan de la Défense, l’UE a lancé la coopération structurée permanente (CSP) afin de se doter d’un complexe militaro-industriel et d’une agilité opérationnelle. Les accords bilatéraux franco-allemands en matière militaire se sont également accélérés ces dernières années, le plus emblématique étant le projet Scaf destiné à concevoir un avion de combat dont le prototype devrait voler en 2026. Sur le plan commercial, reconnaissons à la commission Von der Leyen le mérite du volontarisme notamment avec la nomination du "super commissaire" Thierry Breton en charge de la politique industrielle, du marché intérieur, du numérique, de la défense et de l’espace. Une offensive de souveraineté faite sous la contrainte avec, dans les esprits de certains un vœu : le départ de Donald Trump et le retour à la normale.

L’isolationnisme américain survivra à Trump

Hélas, il y a fort à parier qu’il n’en sera rien. Barack Obama avait déjà délaissé le vieux monde pour se tourner vers la zone Asie Pacifique, son successeur n’a fait que confirmer la tendance. Une victoire de Joe Biden, ancien-vice-président de Barack Obama, ne sera pas une rupture. Certes, les échanges seront bien plus policés qu’avec le truculent milliardaire. Mais le but restera le même : défendre les intérêts nationaux en se montrant inflexible face aux velléités protectionnistes communautaires et à la montée en puissance de la Chine. Quitte, pour cela, à continuer de délaisser l’Europe.

Lucas Jakubowicz

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