Le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu va entrer en vigueur en 2019 et ne concerne que certaines catégories de revenus imposables (salaires, pensions de retraites, revenus fonciers). En sont exclus les revenus de capitaux mobiliers, les plus-values de cession mobilières et immobilières et certains gains d’actionnariats salariés. L’entrée en vigueur de cette mesure marquera la fin du décalage d’un an entre la perception des revenus et le paiement de l’impôt.

Par Jean-François Fliti, associé fondateur, Allure Finance

 

Le principal avantage de la mesure consiste en la contemporanéité de l’impôt avec le versement des revenus. Le contribuable aura ainsi une meilleure visibilité de son revenu disponible, au regard notamment de la variation de ses revenus. En 2018, les contribuables paieront donc l’impôt sur leurs revenus de 2017, c’est-à-dire selon le principe du décalage d’un an en vigueur jusqu’ici. En 2019 en revanche, l’impôt sera prélevé en « temps réel ». Autrement dit, l’impôt de 2019 portera sur les revenus de 2019.

Qu’adviendra-t-il alors des revenus de 2018 ? Ils seront tout simplement exonérés d’impôt pour certaines catégories de revenus, afin d’éviter une double imposition en 2019. C’est la raison pour laquelle 2018 fera figure d’année « blanche » ou « grise » sur le plan fiscal. Concrètement, en 2019, les Français recevront un crédit d’impôt (baptisé CIMR) qui annulera l’impôt dû au titre des revenus de 2018. Bien entendu, certains pourraient être tentés de différer des rémunérations pour profiter de cette opportunité. Mais afin de faire face aux abus, l’exécutif a prévu des limites afin de décourager toute volonté de différer ou d’anticiper la perception de revenus par rapport à leur date normale d’échéance.

Une exonération limitée aux revenus récurrents

Dans les grands principes, l’exonération ne portera que sur les revenus dits récurrents. Toutes les rémunérations considérées comme exceptionnelles seront quant à elles imposées.

Ce sera par exemple le cas des indemnités de rupture de contrat de travail, indemnités versées à l’occasion de la cessation de fonction de mandataire social, indemnité de cession de valeur de clientèle, des prestations de retraite servies en capital ou des sommes issues de l’intéressement et de la participation si elles ne sont pas affectées à un plan d’épargne entreprise, primes de transferts pour les joueurs professionnels…

Le cas des dirigeants

Un dispositif spécifique a été prévu pour les dirigeants. Si leurs revenus de 2018 excèdent la moyenne des revenus des trois années précédentes, alors l’excédent reçu en 2018 sera imposable. Il existe fort heureusement la possibilité de démontrer que le montant du bénéfice déclaré n’a pas été artificiellement augmenté et correspond soit à une hausse continue des revenus soit a été généré du fait d’un surcroit d’activité.

Le cas des salariés des particuliers

Le prélèvement de l’impôt à la source sera décalé d’un an pour les salariés des particuliers, qui déclarent via le Cesu et Pajeemploi. Il entrera en vigueur en 2020. En pratique, ces personnes bénéficieront d’un report d’imposition. Elles paieront en 2020 leur impôt par prélèvement à la source sur les revenus perçus la même année. Puis, de septembre à novembre 2020, avec un paiement étalé sur trois mois, elles paieront leur impôt sur les revenus de 2019.

À l’exception des revenus fonciers, les revenus du patrimoine resteront en dehors du prélèvement à la source

Le cas des revenus fonciers

Les revenus du patrimoine resteront en dehors du prélèvement à la source. Dès lors les dividendes, intérêts et plus-values encaissés en 2018 seront imposables. Seule exception : les revenus fonciers. Réaliser des travaux cette année peut ainsi avoir des conséquences très variables. Selon la situation patrimoniale des propriétaires, un audit sera nécessaire. Habituellement, l’imputation sur le revenu global crée un gain fiscal à hauteur du taux marginal du contribuable à hauteur de 10 700 euros. Mais le CIMR ne s’applique qu’aux revenus non exceptionnels (revenus fonciers courants). En présence de revenus exceptionnels perçus en 2018 (dividendes) ou suivant le volume des travaux, l’imputation du déficit aura un impact total ou partiel. Pour éviter le report des travaux sur 2019, signalons que le législateur a prévu une mesure anti-optimisation limitant leur déductibilité (la déduction en 2019 est égale à la moyenne des dépenses réalisées en 2018 et 2019) sauf pour certains travaux décidés d’office par le syndic, d’urgence, ou réalisés à la suite d’une acquisition de 2019.

Réductions et crédits d’impôt 2018

Les particuliers obtenant des réductions et crédits d’impôt en 2018 pourront les faire appliquer en 2019. Ici, le décalage d’un an restera en effet la norme. Ces crédits seront remboursés en une fois en août 2019. Un acompte sera même versé plus tôt s’il s’agit de garde d’enfant ou de services à domicile. Cet acompte sera payé au premier trimestre 2019, le versement du solde étant prévu en août.

Défiscalisation : quid du Pinel et autres réductions d’impôt ?

L’année blanche n’a pas d’impact sur les différents dispositifs d’investissement locatif, à l’image du Pinel. Comme pour toutes les réductions d’impôt, le décalage d’un an est conservé : la réduction d’impôt dont un contribuable bénéficie au titre de 2018 viendra réduire le solde de l’impôt à payer à l’été 2019. En l’absence de revenus exceptionnels en 2018, cette réduction ne sera pas perdue et fera exceptionnellement l’objet d’une restitution.

Comment réduire sa fiscalité en 2018

Il sera essentiel de distinguer deux types d’investissement : ceux ouvrant droit à une réduction d’impôt (investissement IR-PME, FIP, FCPI, Duflot…) et ceux ayant pour objectif de diminuer le revenu brut global (Perp, loi monuments historiques…). Concernant la première catégorie : en présence des seuls revenus ordinaires de 2018, le montant correspondant à la réduction d’impôt sera remboursé ; en présence de revenus exceptionnels, la réduction d’impôt s’imputera sur l’impôt maintenu et l’excèdent sera remboursé. Concernant la seconde catégorie, il va falloir analyser la proportion des revenus exceptionnels par rapport aux revenus ordinaires. Ce n’est que si les premiers sont très importants ou beaucoup plus importants que les seconds que cette catégorie d’investissement vaudra la peine qu’on s’y attache. Un second critère vient complexifier l’analyse : il s’agit du mode d’imposition des revenus exceptionnels. En effet, rappelons que les investissements visant à diminuer le revenu global ne s’imputent pas sur les revenus soumis à un taux forfaitaire notamment le PFU de 30 %. En synthèse, si des versements sur un Perp en 2018 peuvent avoir un intérêt fiscal en présence de dividendes importants (revenus exceptionnels) et en présence de salaires, encore faut-il qu’ils ne soient pas taxés au PFU, mais au barème progressif.

En pratique, le redevable aura à choisir entre trois taux, le taux « personnalisé » qui est un taux unique pour le foyer fiscal et qui est communiqué par l’administration. Son application peut présenter des difficultés en cas de fortes disparités de revenus entre les membres du foyer. Le deuxième taux est un « taux individualisé » qui permet de prélever le même montant au global mais une répartition de l’imposition s’opère entre les deux époux. Le dernier est le « taux neutre », il sera calculé sur la base du montant de rémunération versé par l’employeur ou si l’administration n’est pas en mesure de communiquer un taux au collecteur par exemple en début d’activité ainsi qu’aux personnes encore à la charge de leurs parents. Un complément sera à verser notamment en cas de revenus du patrimoine.

 

À propos de l’auteur :

Multi-family office atypique et indépendant, Allure Finance accompagne aussi bien les personnes physiques que les sociétés dans leurs projets d’investissement. Associé fondateur de la société de conseil, Jean-François Fliti revient sur sa vision du marché et du métier.

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