Par Jean L’Homme, avocat, et Louis des Cars, avocat associé. Altana
 À l’heure où l’on s’interroge sur la position des nouvelles autorités de l’État à l’égard des partenariats public-privé (PPP), un premier constat, encourageant, s’impose : l’État et ses établissements, mais aussi les collectivités territoriales de toutes obédiences - fait notable - se sont appropriés l’outil du «?contrat global?» pour la conception-construction, la rénovation et la gestion de leurs infrastructures économiques et sociales (transports, éclairage public, bâtiments publics, réseaux d’initiative publique à haut débit, performance énergétique, etc.).

À l’heure où l’on s’interroge sur la position des nouvelles autorités de l’État à l’égard des partenariats public-privé (PPP), un premier constat, encourageant, s’impose : l’État et ses établissements, mais aussi les collectivités territoriales de toutes obédiences - fait notable - se sont appropriés l’outil du «?contrat global?» pour la conception-construction, la rénovation et la gestion de leurs infrastructures économiques et sociales (transports, éclairage public, bâtiments publics, réseaux d’initiative publique à haut débit, performance énergétique, etc.). C’est sans doute qu’à l’instar de la Communauté urbaine de Lille, du Département de Seine-Saint-Denis, ou encore de celui des Hautes-Pyrénées, ces collectivités ont compris que cet outil permettait de faciliter et accélérer les investissements en infrastructures - en ces temps de resserrement du crédit bancaire…
Pourtant, faut-il le rappeler, le contrat de partenariat reste un contrat «?sur critères?» (vérifiés par une stricte «?évaluation préalable?»), dérogatoire du droit commun de la commande publique (dont il représente moins de 5?%), limité également dans son objet : il ne permet en principe pas d’externaliser la gestion d’un service public mais simplement, en vertu de l’Ordonnance du 17?juin 2004, «?l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public?» - ou encore : «?des (…) services concourant à l'exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée?». Casse-tête pour les juristes confrontés à certains projets en «?zone grise conceptuelle?» (par exemple pour des équipements culturels ou sportifs), et, plus grave, source d’accroissement des risques de recours contentieux (1), cette interdiction (comme ce principe «?dérogatoire?») pose surtout la question de son fondement. (2)

Faut-il, pour desserrer ces freins, démontrer l’efficacité de cet outil en établissant sa supériorité (ou, suivant les termes de l’Ordonnance du 17?juin 2004, son «?bilan favorable?») sur la gestion publique - en régie ? La Cour des comptes, au terme de son étude récente des projets pénitentiaires (3), conclut ainsi que : «?L’efficacité de la solution PPP apparaît (…) indéniable (…) L’instruction a permis de vérifier que le recours au secteur privé donne des résultats satisfaisants qu’il s’agisse des constructions comme de la gestion et de l’exploitation des prisons?» Mais elle poursuit : «?Néanmoins, cette performance ne semble pas hors de portée du secteur public?», en déplorant en définitive «?l’insuffisance des outils de mesure et de comparaison des coûts des gestions pénitentiaires publiques et privées?».
Qu’en dire ? En vérité, les comparaisons auxquelles se livre la Cour, à la recherche (parfois fastidieuse) de la «?supériorité?» ou non de la gestion privée sur la gestion publique, sont assez peu convaincantes ; en sorte qu’on peut sans doute s’interroger sur la pertinence de la question… Car les modes d’organisation, et le contenu même, des services publics (ou des services y «?concourant?») se développent dans un environnement complexe et évolutif, et s’il est plus que jamais nécessaire d’y appliquer la culture d’«?évaluation?» établie par l’Ordonnance du 17?juin 2004, n’est-ce pas illusoire d’y chercher la démonstration que la performance du partenaire privé est ou non «?hors de portée du secteur public?» ? Outre qu’elle suppose des situations strictement comparables, rares en pratique, cette démonstration repose surtout sur une évaluation des risques - dont l’exacte mesure financière exige à tout le moins un recul dont nous ne disposons pas !
Et la Cour a raison en définitive d’écrire que «?si les évaluations préalables menées par l’APIJ [l’Agence publique pour l’immobilier de la justice] et validées par la mission d’appui aux partenariats public-privé (MAPPP) sont sérieuses, elles traduisent aussi la volonté de privilégier le choix PPP?». La Révision générale des politiques publiques (RGPP), elle-même en voie de révision (…), repose en effet sur certains postulats quant aux missions de l’État, et l’externalisation, notamment à travers les «?contrats globaux?», de services précédemment fournis en régie constitue sans doute un choix volontariste - induit au demeurant par la crise des finances publiques européennes.
Dans cette perspective, l’approche pertinente, moins conceptuelle que pragmatique, consiste, par une réévaluation régulière des expériences menées et un débat public éclairé et transparent, à identifier et approfondir les questions du périmètre, des procédures (concrètes) d’attribution, et du cahier des charges de ces «?contrats globaux?» - et à perfectionner cet outil pour qu’il contribue plus efficacement à la réalisation des investissements d’utilité publique décidés par les pouvoirs publics.

On peut, à cet égard, esquisser quelques pistes (non exhaustives !). Ainsi, la question du financement requiert un effort urgent et concerté. Or, l’élaboration d’un cadre technique et opérationnel favorisant l’accès des projets/PPP, suivant des modalités simplifiées, aux financements dits «?de marchés?» (obligataires) en est (presque) au point mort (4) ; ce tandis que le président de la Fédération bancaire française va répétant que l’entrée en vigueur de Bâle III conduit inéluctablement à la transformation du modèle européen d’octroi des financements (bancaires) vers le modèle américain, caractérisé par plus de désintermédiation et d’appel aux marchés.
De même, il conviendrait de réfléchir (sans tabous !) aux conditions nécessaires à une structuration intelligente et optimisée des engagements et financements publics, permettant (tout en veillant, comme le recommande la Cour, à assurer la «?soutenabilité budgétaire?» des projets) d’en minimiser l’impact sur la dette publique - en respectant strictement les règles de comptabilisation de celle-ci, récemment durcies sous l’impulsion d’Eurostat et de l’Insee.

Enfin, outre la résolution de diverses problématiques parfaitement solubles techniquement et pourtant persistantes (par exemple celle de la conclusion des opérations de couverture nonobstant l’existence de recours contre le contrat), il paraît indispensable de fixer pour ces contrats de longue durée un dispositif réglementaire et contractuel approprié pour mieux appréhender et gérer dans le temps l’évolutivité des besoins et services et la nécessaire modularité des ouvrages et équipements publics.


1 On notera toutefois, au passage, que la jurisprudence récente s’efforce de réduire les risques et implications des recours contentieux, notamment en ce qui concerne le formalisme des procédures de passation.
2 J-S Oriou et M. Perritaz, Pour une gestion du service public par le titulaire d'un contrat de partenariat - AJ Collectivités territoriales 2012 p.?90.
3 Cour des comptes, Les partenariats public-privé pénitentiaires, oct. 2011.
4 Les travaux du «?groupe Madelin?», au demeurant limités dans leur objet, semblent s’éterniser…



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