Le CSA fait face à des attaques nombreuses depuis son refus de voir LCI passer du côté des chaînes gratuites de la TNT.
Politique ? Partiale ? Excessive ? Il apparaît que cette décision est pourtant bien conforme aux nouveaux pouvoirs acquis par l’autorité en 2013. La question qu’il convient de poser est la suivante : quelle régulation de l’audiovisuel voulons-nous, une régulation des contenus ou une régulation économique ? Et ce n’est pas au CSA qu’elle s’adresse, mais bien au législateur qui seul définit les règles que l’autorité administrative doit appliquer. S’il est clair que la décision s’inscrit dans le cadre de ses prérogatives, les évolutions qu’elle manifeste, peuvent être questionnées. En effet, elle traduit la prépondérance nouvelle prise par les impératifs économiques dans les décisions de l’autorité administrative. Elle met en balance pluralisme éditorial et équilibre économique. Le cœur de l’argumentation est là : « Les effets sur la qualité et la diversité des programmes […] n’est pas de nature à venir compenser l’atteinte à la viabilité économique et financière des quatre* chaînes concernées » (§32).

Une décision partiale ? L’accusation est formulée par Éric Ciotti sur Twitter. « Des motivations politiciennes d'une institution très proche du pouvoir expliquent sans doute cela », écrit le député. Si c’était le cas, l’institution aurait failli à son devoir d’indépendance. Le résultat de son travail ne correspond d’ailleurs pas aux attentes supposées de l’exécutif, plutôt favorable à TF1, puisqu’il conforte les chaînes gratuites existantes BFMTV et I>Télé. Le lobbying de la première chaîne européenne non plus n’a pas été efficace. L’obtention d’une procédure légale spéciale, hors appel d’offres, en novembre dernier, n’a pas suffi. L’argumentation du CSA est d’ailleurs transparente. Il refuse le passage en clair de LCI d’une part en raison de l’influence sur l’équilibre économique des chaînes existantes, tant en ce qui concerne les revenus que l’audience et les états financiers, d’autre part en raison de l’apport limité au pluralisme d’une chaîne supplémentaire.

Un excès de pouvoir ? Cette critique est difficile à défendre. La procédure suivie par le CSA est exactement définie dans « l’amendement LCI » du 15 novembre 2013 : « Préalablement à sa décision, il procède à une étude d'impact, notamment économique, rendue publique dans le respect du secret des affaires. Il procède aussi à l'audition publique du titulaire et entend les tiers qui le demandent. Cette modification de l'autorisation peut être agréée si les équilibres du marché publicitaire des services de télévision hertzienne terrestre sont pris en compte. » Le CSA peut donc légalement prendre des décisions sur des fondements d’analyse économique – et de ses conséquences. Ses prérogatives ne se cantonnent plus au contrôle des contenus et des programmes.

Une décision interventionniste ? Jean-Christophe Cambadélis, le patron du PS, a été jusqu’à parler de « peine de mort ». Le CSA n’agit cependant que dans le cadre des missions qui lui sont dévolues par l’État pour administrer le secteur audiovisuel et faire appliquer le cadre réglementaire auquel sont soumises toutes les entreprises opérant sur ce marché. C’est le marché qu’il contrôle et non les entreprises. La plupart des marchés font l’objet d’une régulation, qu’on la juge bonne ou mauvaise, nécessaire ou inutile. Nul ne peut faire croire qu’il découvre cela, en particulier dans le secteur des médias. Le marché audiovisuel en France n’a jamais été libre – et cela risque de ne pas changer avant plusieurs années. Il est encadré en raison de son caractère stratégique, de son rôle culturel et de la rareté de ses ressources financières et techniques (fréquences). Le sort de LCI est entre les mains de ses propriétaires et il est arbitrable dans le cadre des règles qui régissent tous les acteurs du marché.

*LCI, BFMTV, I>Télé et L’Equipe 21.

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