Dans quelques semaines, un nouveau gouvernement se mettra au travail. Il s’agira du moment où les grandes orientations seront prises pour les cinq prochaines années. Ce sera le moment d’une impulsion. Elle doit être la bonne.

Tribune de

Fabien Versavau, PDG de Rakuten France

Maxime Guillaud, PDG d’Inskip

Alexandre Martinelli, Président de la Javaness

Benoit Raphaël, CEO de Flint

Nous n’appartenons pas au monde politique, et nous n’y aspirons aucunement. Mais, citoyens et dirigeants d’entreprises de tailles diverses, nos expériences dans différents secteurs d’activité nous ont fait toutefois percevoir la même urgence : investir massivement dans l’intelligence artificielle.

Cet impératif, et les enjeux qui s’y rattachent, ont été très insuffisamment pris en compte dans les politiques publiques, et sont à peine évoqués dans les débats de cette campagne. C’est terriblement préoccupant. Car de la réponse que l’on apportera à cette urgence dépendra le rang – pas seulement économique, cela va bien au-delà de cela – qu’occuperont à brève échéance la France et l’Europe. Car c’est de cela qu’il s’agit : notre place dans le monde, notre croissance, et aussi, nous en sommes convaincus, la capacité à préserver notre modèle européen et les valeurs humanistes qui le fondent.

La richesse des temps à venir, c’est cette fameuse "data", cette quantité inouïe de données que nous produisons en quantités toujours plus importantes. Qui sera capable de protéger ses données – c’est la souveraineté – et surtout de les exploiter, de les rendre "intelligentes", de les mettre au service d’une action organisée prendra une avance décisive. Avec, à la clé, un leadership mondial incontestable.

De trop nombreux décideurs, politiques comme économiques, n’ont pas encore saisi l’ampleur – tous les secteurs, toutes les activités sont concernées – ni la profondeur de cette transformation. Car dans une véritable transformation digitale, l’exploitation intelligente des données transforme le modèle opérationnel au cœur d’une organisation, induisant des changements bien plus ambitieux – et féconds – que la modernisation d’un site web ou la mise en service d’une boutique en ligne.

Or, c’est maintenant que se font les jeux. Autour de nous, des pays-continents – les Etats-Unis, la Chine, l’Inde… – investissent des sommes colossales dans l’intelligence artificielle : des programmes de recherche à grande échelle – publics et privés – sont lancés, des entreprises de toute taille sont financées, la commande publique est massive. Le rapport entre les montants investis est de 1 à 10 avec l’Europe dans son ensemble. Et plus le temps passe, plus ce rapport évolue en notre défaveur.

Nous appelons donc à créer un ministère d’État de l’intelligence artificielle. D’abord, pour installer symboliquement, au plus haut niveau institutionnel, cette priorité. Mais surtout  pour affirmer la prépondérance de ces enjeux du numérique dans l’action publique, et leur caractère régalien, et pour donner les moyens matériels et humains de mener une politique publique d’ampleur, qui vienne innerver tous les domaines de l’action gouvernementale, qui accompagne nos entreprises dans cette transformation inédite, et qui soutienne nos entreprises innovantes.

Aider nos start-up, nos licornes du numérique à se développer, à conquérir le monde est une très bonne chose – et il faudra continuer avec ambition sur cette voie. Mais il faut dorénavant que l’intelligence artificielle investisse un champ bien plus vaste – avec évidemment les garanties nécessaires, mais en dépassant le carcan d’une réglementation trop précautionneuse. Qu’elle nous aide à repenser les modèles de l’action publique pour l’éducation, l’emploi, la protection de l’environnement, la sécurité, la solidarité, le grand âge... Dans tous ces domaines, l’IA peut nous permettre de gagner des années.

Nous avons cinq ans pour nous préparer pour l’avenir. Avec intelligence.

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