Lorsque le dernier rapport du Giec insiste sur une action immédiate pour sauver la planète, la loi Climat et Résilience, "plus grande loi écologique du quinquennat" selon Barbara Pompili, entend faire entrer l’écologie dans la vie des Français. Des intentions modestes comparativement au bilan alarmant des scientifiques, de quoi se poser sérieusement la question de l’état concret de la Terre.

Malgré les rapports aux conclusions toujours plus accablantes du Giec au sujet du réchauffement climatique et de la déliquescence de la planète, les actes consécutifs des alertes ne paraissent se jouer qu’à l’échelle de l’individu à travers le tri sélectif, le choix courageux du flexitarisme ou le remplacement de son gel douche par un savon solide. Deux réalités se heurtent, l’une scientifique, impitoyable, et l’autre politique, donc économique et sociale. Une dualité schizophrénique qui entretient l’indécision sur la situation réelle du monde.

La noirceur de la nouvelle

"Changement climatique généralisé et rapide, d’intensité croissante" : le titre du communiqué de presse relatif au dernier rapport du Giec refuse sa place à l’interprétation, exclut toute lecture entre les lignes. Parmi ses enseignements, l’étude établit notamment que l’incidence des activités humaines sur le système climatique est incontestable. Est-il possible de découvrir aujourd’hui que l’activité humaine, à qui l’on doit la réalisation en quelques dizaines d’années d’un huitième continent de plastique, influence le système climatique ? Certaines lignes de la loi Climat et Résilience en témoignent. Si le fautif, l’Homme et plus précisément son empreinte mécanique, est clairement identifié dans le rapport du Giec, la détermination à le condamner reste modérée. La complaisance libérale restant dominante puisqu’encore jugée indispensable au bon fonctionnement de l’économie mondiale, la planète peut bien continuer de bouder dans son coin, en attendant que ses râles ne trouvent un écho favorable chez nos dirigeants. Toujours dans son rapport, le Giec établit cinq scénarios dont le plus optimiste offre la possibilité de réfréner l’augmentation des températures autour de 1,5°C d’ici à la fin du siècle. Il apparaît que le meilleur scénario d’aujourd’hui constitue le pire scénario d’hier.

Il apparaît que le meilleur scénario d'aujourd'hui est le pire scénario d'hier

L’insouciance de l’exécutif

La loi Climat et Résilience, portée par Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique, et décrite par sa représentante comme capable "de faire changer nos mentalités", paraît souffrir de la même inconsistance que ses prédécesseurs. Quelles mentalités n’ont pas changé ? L’impuissance de la vertu individuelle au profit du collectif s’est révélée au fil des années. Que représente une épluchure de pomme de terre dans la poubelle idoine en comparaison d’un kiwi globe-trotter, cueilli au Chili, conditionné en Chine puis dégusté aux côtés d’une mangue brésilienne et d’une banane indienne dans la salade de fruits d’un restaurant japonais à Paris ? Qui n’a pas saisi l’urgence climatique si ce n’est ceux qui l’évoquent sans agir, ceux qui œuvrent à changer des mentalités d’ores et déjà conscientes de la menace plutôt que de proposer un véritable changement systémique ? En d’autres termes, le ministère de l’écologie entend faire entrer dans la vie des citoyens une conscience écologique déjà inscrite jusque dans les urnes.

Peut-être notre attachement à la planète n’est-il que superficiel, rien d’autre n’est à même de justifier les mesurettes formulées voire l’instauration de mécanismes hypocrites tels que celui de la compensation carbone. Il ne s’agit plus aujourd’hui de régler le problème mais d’éviter le pire. La transition énergétique semble indispensable, aux politiques de l’imposer fermement. N'insultons pas le futur, mais ne lui obéissons pas non plus.

Alban Castres

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