Le paysage des plateformes de produits et services destinées aux conseillers en gestion de patrimoine a été profondément bouleversé ces dernières années. En cause, une réglementation toujours plus exigeante et des investissements nécessaires à la transformation digitale. Cette mue a particulièrement favorisé la concentration du marché et poussé certains acteurs à se retirer. Leur offre est également en train d’évoluer. Tour d’horizon

Si les plateformes présentent des profils très différents, tous ont à affronter des changements réglementaires et financiers profonds. La baisse des taux d’intérêt remet en cause une partie de leur modèle économique. Les coûts sont aussi plus importants, en raison d’une pression réglementaire accrue et d’une indispensable digitalisation des services.

Cet environnement défavorable – moins de revenus et coûts supérieurs – crée un effet ciseaux. C’est notamment pour cette raison que certaines d’entre elles ont dû se résoudre à cesser leurs activités ou à les céder. Olivier Sanson, directeur général d’Afi Esca, reconnaît que « l’avenir des plateformes en tant qu’entités qui ne font que de l’intermédiation entre les distributeurs et les fournisseurs de solutions n’est pas forcément évident ». Il explique notamment que « dans un contexte de taux bas, il y a moins d’argent à gagner sur l’industrie du placement. Les clients veulent payer le juste prix, et ne sont pas prêts à accepter un empilement des marges. Tout le monde ne va pas forcément gagner ».

Quel serait alors le modèle gagnant ? Le directeur général d’Afi Esca croit en « une structure légère en coût. L’idée est de favoriser la mise en relation, de proposer les produits et de confier l’animation directement à des sociétés du groupe ». Pour Sisouphan Tran, directeur général délégué d’Alpheys, « la plateforme de demain doit être la plus ouverte et la plus complète possible. Le marché est constitué de nombreuses plateformes d’assurance, d’immobilier ou de crédit, mais il y a très peu d’acteurs intégrés tels qu’Alpheys où tous les métiers de la gestion de patrimoine sont représentés sur une seule et même plateforme. »

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"Les assureurs sont toujours aussi nombreux. Il n’y a pas eu de regroupement ou de disparition au sein de cette typologie de plateforme." Olivier Samain (Generali)

Une concentration inéluctable 

Comme souvent en pareil cas, une course à la taille critique s’est enclenchée. La concentration du marché doit permettre aux plateformes de sauvegarder leurs marges et de rentabiliser leurs investissements. À ce petit jeu-là, le groupe DLPK (Nortia) avec le soutien de l’un de ses actionnaires BlackFin Capital Partners, un fonds d’investissement spécialisé dans le secteur des services financiers, et le groupe Crystal ont été les premiers à matérialiser leur ambition. Le premier a racheté Sélection 1818 à Natixis Wealth Management et l’Aprep auprès d’AG2R La Mondiale. Le second a fait l’acquisition de CD partenaires, anciennement détenu par La Française, et de Finaveo & Associés. « Ces opérations de croissance externe s’inscrivent dans le cadre d’une stratégie clairement définie et pensée au service des conseillers en gestion de patrimoine (CGP). L’idée est d’offrir une palette complète de produits et services avec une infrastructure et une technologie d’avant-garde  », réagit Sisouphan Tran, avant de préciser le sens des acquisitions : « Finaveo & Associés était le leader sur les comptes-titres et les PEA, en plus d’être un acteur pleinement digitalisé. L’acquisition de CD Partenaires nous offrait, entre autres, la possibilité de détenir l’outil de souscription en ligne So SCPI, offrant un parcours de souscription des SCPI entièrement digitalisé. »

De futures acquisitions sont-elles encore possibles ? Il reste aujourd’hui très peu de plateformes indépendantes. Le marché est largement occupé par les assureurs où les groupes bancaires traditionnels. « Ces derniers peuvent effectivement être amenés à l’avenir à céder ou repenser leurs activités considérées comme non centrales dans leur business model. Les plateformes pourraient donc représenter un relais intéressant pour ces assureurs souhaitant restructurer une partie de leurs activités » explique l’associé d’Alpheys. Olivier Samain, directeur du développement et des opérations du pôle CGP chez Generali patrimoine, remarque à ce titre que « les assureurs sont toujours aussi nombreux. Il n’y a pas eu de regroupement ou de disparition au sein de cette typologie de plateforme. Les acteurs indépendants ont un autre positionnement, un autre business model ».

"Le seul moyen de survivre et de se développer est de réaliser des gains de productivité" Sisouphan Tran (Alpheys)

Suivre les CGP dans leur transformation 

Les évolutions sociétales, réglementaires et financières sont en train de redessiner les contours du métier de conseiller en gestion de patrimoine. Les plateformes ne peuvent s’en affranchir. Pour répondre aux exigences des CGP, elles doivent continuer à proposer des outils de qualité et un service de back-office irréprochable. Des promesses pas toujours évidentes à remplir alors que les plateformes doivent moderniser leurs systèmes informatiques. Celles qui ont choisi la voie de la croissance externe doivent aussi travailler sur le rapprochement de leurs outils de front et de back-offices. Pas une mince affaire. Des investissements significatifs ont été réalisés par les plateformes pour leur permettre d’aborder sereinement le virage de la transformation digitale. Pour le directeur général délégué d’Alpheys, ces projets sont essentiels pour l’avenir des plateformes : « L’élément central du fonctionnement et du développement d’une plateforme est la technologie. Le seul moyen de survivre et de se développer est de réaliser des gains de productivité. La technologie est un passage obligatoire pour les obtenir. »

Les projets sont désormais bien avancés même si tous les outils digitaux ne sont pas encore totalement au point. C’est par exemple le cas de la signature électronique. Quant aux autres opérations de gestion telles que les rachats ou les arbitrages, le processus est encore en cours chez de nombreux acteurs. Les enjeux sont importants car au-delà de la simplification des démarches des clients, la digitalisation des opérations permet, comme l’a précisé Sisouphan Tran, d’automatiser un certain nombre de tâches administratives, et ainsi de réduire les coûts de fonctionnement. Cette transformation du modèle fait réagir Olivier Sanson : « Le modèle 100 % digital est le futur des plateformes. L’avenir est dans l’acte administratif extrêmement simple, fluide et fiable. Dans le monde de la gestion de patrimoine, le marché est loin de proposer les solutions idéales pour les intermédiaires et les clients. Le conseiller "personne physique" restera clé. Le reste sera fait par des systèmes. »

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« Toutes les offres vont converger. Chaque acteur connaît les besoins des chefs d’entreprise et de sa clientèle » Olivier Sanson (Afi Esca)

Vers une plus grande diversification de l'offre

L’environnement de taux bas s’annonce durable et marque probablement la fin de l’ère du tout fonds en euros. Dans ce contexte, les plateformes sont tenues de démontrer leur capacité à innover et à permettre aux CGP de proposer à leurs clients des alternatives pertinentes, vers d’autres classes d’actifs. Des solutions qui couvrent le coté, les produits structurés, la gestion pilotée mais aussi le non coté ou l’immobilier. Mais les propositions adressées aux CGP vont désormais bien audelà de la partie « épargne et investissement ». La plateforme Afi Esca met, par exemple, à disposition des CGP des solutions de garanties emprunteurs et de prévoyances individuelles. Nortia a récemment lancé une plateforme digitale appelée Nortia Protect proposant assurance emprunteur, protection personnelle et homme clé. Alpheys donne, de son côté, accès à des offres de financement proposées par des établissements financiers et une cellule dédiée pour accompagner les CGP dans le montage de leurs dossiers.

Olivier Sanson estime à ce titre que « toutes les offres vont converger. Chaque acteur connaît les besoins des chefs d’entreprise et de sa clientèle. Les plateformes vont proposer un ensemble de produits et de services très proches, en partant parfois d’angles opposés ». Une diversification de l’offre sur laquelle Olivier Samain travaille également : « Nous sommes en train de développer de nombreux services dans le cadre de la mise en place de la structure "Generali Wealth Solutions". Ses équipes vont ainsi mettre à disposition de leurs partenaires CGP une équipe d’ingénieurs patrimoniaux pour les conforter dans leurs positions et être force de proposition. Nous leur proposerons aussi un conseil en ingénierie financière personnalisé en allocation d’actifs. »

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"Certains fournisseurs refusent aujourd’hui de créer de nouveaux codes CGP, voire annulent certains d’entre eux" Sisouphan Tran (Alpheys)

Des plateformes de plus en plus exigeantes ?

La pression sur les coûts semble avoir également des répercussions chez les conseillers en gestion de patrimoine. Les plateformes se montrent, en effet, de plus en plus exigeantes concernant le volume d’affaires apporté. Pour obtenir les fameux « codes » et ainsi pouvoir ouvrir des contrats au sein de la plateforme, les conseillers doivent garantir un certain niveau de production. Principale conséquence, les plateformes commencent à mettre fin à leur partenariat avec les CGP peu actifs. Une bien mauvaise nouvelle pour les plus petits cabinets, principales victimes de ces dispositions.

Une situation que regrette également Sisouphan Tran d’Alpheys : « Le rôle essentiel d’une plateforme est de faciliter l’accès des CGP aux fournisseurs de produits. Au cours des dernières années, le rapport de force a clairement évolué en défaveur des CGP. Certains fournisseurs refusent aujourd’hui de créer de nouveaux codes CGP, voire annulent certains d’entre eux. Les contraintes financières et la réglementation pesant notamment sur les assureurs vont, hélas, accélérer cette tendance. Notre mission en tant que plateforme en architecture ouverte est de permettre aux CGP de bénéficier de notre taille globale pour continuer d’accéder à une offre large et diversifiée auprès de fournisseurs dont l’accès en direct est de plus en plus compliqué. ».

Des propos qui rejoignent ceux d’Olivier Samain de Generali Patrimoine : « Certains acteurs mettent fin à des partenariats. Mais ce n'est pas le cas de Generali. Notre priorité est de construire un partenariat de long terme. Le critère du chiffre d'affaires n’est qu'une conséquence du travail réalisé par nos équipes. On veut surtout s'assurer de l'honorabilité du conseiller et de son respect des obligations réglementaires. Notre but est d'avoir la meilleure prestation à son égard pour lui donner envie de collaborer avec nous ».

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurélien)

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