Ils s'attendaient au pire mais les premières mesures du futur plan logement ont été moins douloureuses que ne le craignaient les opérateurs du marché immobilier. Seuls les bailleurs sociaux pâtiront largement de la nouvelle loi.

Le choc de l'offre, ce n'est pas pour maintenant. C'est ainsi que l'on peut résumer la pensée de l'ensemble des professionnels du secteur de l'immobilier suite à l'annonce des mesures de la future loi logement. Si la révolution n'aura pas lieu en 2018, celles-ci ont tout de même été accueillies avec un certain soulagement de la part des opérateurs qui redoutaient le remaniement, voire la suppression, de dispositifs piliers du marché tels que le Prêt à Taux Zéro (PTZ) et le Pinel. Ils seront finalement reconduits pendant quatre ans. « Nous regrettons que toutes les mesures présentées par le nouveau gouvernement soient moins généreuses qu'en 2014 mais l'engagement de quatre ans sur le Pinel et le PTZ, dans les zones tendues, permet d'apporter une pérennité au marché », concède Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB). Le satisfecit est d'autant plus modéré que les avantages fiscaux du dispositif Pinel seront réservés aux zones tendues Abis, A et B1, les zones rurales et les petites communes (B2 et C) comme Angers ou Valence n'en bénéficieront plus. Ces mêmes villes ont, par ailleurs, bénéficié d'un sursis de deux ans pour le maintien du PTZ dans l'immobilier neuf, mais avec une quotité maximum de 20 % du coût de l'acquisition, contre 40 % jusqu'alors. De quoi stabiliser, pour un temps, le marché. « Le projet actuel n'est pas pénalisant pour les primo-accédants », soutient ainsi le président de la FFB. Côté investisseurs, la nouvelle loi logement signe l'arrêt de mort du dispositif d'investissement locatif Censi-Bouvard en 2018 mais conserve les avantages des LMNP et LMP qui assurent, notamment, le financement des logements étudiants.

Un monde HLM sous haute tension
Mais c'est surtout le logement social qui cristallise les inquiétudes. L'article 52 du projet de loi finances (PLF) pour 2018 prévoit une baisse forfaitaire de l'Aide Personnalisée au Logement (APL) de 60 euros par mois qui aura pour effet, selon la Fédération des Offices Publics de l'Habitat (OPH), une perte de recettes de 822 millions d'euros par an. « Notre pronostic vital est engagé », s'alarme Alain Cacheux, président des OPH. Seuls concernés par cette mesure (le parc privé est épargné), les bailleurs publics crient à l'injustice et annoncent vouloir reporter leurs opérations de construction et de rénovation. Des menaces fort mal reçues par la fédération du bâtiment. « Certes, ce qui a été proposé par le gouvernement affaibli un certain nombre d'organismes déjà fragiles et l'on peut comprendre qu'il faille réformer le marché HLM. Toutefois, il est inacceptable que ces organismes fassent du chantage aux travaux pour mettre la pression sur les politiques », affirme Jacques Chanut. Les HLM représentant, en effet 12 % à 15 % de l'activité des acteurs du bâtiment - qui plus est dans territoires ruraux - ces derniers en seraient les premiers impactés, en termes d'emplois et de survie des entreprises. Quant aux loyers, « non seulement, un blocage du monde social ne fera pas baisser les prix des logements mais, au contraire il déclenchera une hausse sur l'ancien », prévient Alain Dinin, président directeur général de Nexity qui rappelle, par ailleurs, que la production de logements en France va mécaniquement baisser en 2019. Or, il faudra loger 4 millions de ménages supplémentaires d'ici à 2030, ce qui implique de construire à minima 400 000 logements par an (on en compte 130 000 en 2017). Pour répondre à ces besoins, le PDG de Nexity préconise un choc de la demande : « Plutôt qu'un choc de l'offre, mieux vaudrait s'occuper de la demande et mettre autour de la table tous les acteurs qui peuvent agir sur le pouvoir d'achat des Français ». Par exemple, en desserrant l'étau fiscal sur le logement dont les prélèvements obligatoires, hors ISF, se sont élevés à 70 milliards d'euros en 2017. 
 

Charlotte Danjou

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