Elle fêtera ses trois ans le 1er juin prochain et a déjà franchi le cap du million de visiteurs. Installée dans la construction de XTU Architects, la Cité du Vin à Bordeaux a-t-elle transformé la prouesse architecturale en prouesse économique ? Le point avec Philippe Massol, directeur général.

Décideurs. À l’inauguration de la Cité du Vin en 2016, vous disiez : « On aura réussi si la Cité du Vin devient l’emblème de Bordeaux ». Où en êtes-vous ?

Philippe Massol. Nous n’y sommes pas encore. Les raisons ? Je crois que les Bordelais ne se sont pas encore véritablement emparés de la Cité du Vin. Du côté des institutionnels, il n’y a pas de doute. La ville et le conseil régional, qui sont cofinanceurs, les collectivités territoriales, les organismes de tourisme jouent parfaitement le jeu, relaient les informations et mettent notre établissement en avant. Mais je suis attentif à ce que je perçois dans la vie de tous les jours, les détails du quotidien. Par exemple, on ne trouve pas encore de cartes postales de la Cité du Vin à la vente dans les boutiques du centre bordelais. La part des touristes internationaux arrivant par les bateaux maritimes de croisière, qui viennent à la Cité du Vin, est encore faible. Mais il faut du temps, plus que trois ans en tout cas, pour devenir l’emblème d’une ville…

Vous vous définissez plus comme un centre d’interprétation que comme un musée. Pouvez-vous développer ?

C’est bien le terme le plus adapté car, contrairement à un musée classique, nous n’avons pas de collection permanente. Notre vocation est de transmettre au plus grand nombre la dimension culturelle du vin. Nous avons choisi de présenter ce sujet autrement qu’avec une approche muséale qui présenterait des œuvres d’art. Notre parcours permanent est immersif, sensoriel, et fait la part belle aux nouvelles technologies tandis que les expositions temporaires présentent des œuvres d’art.  

Comment fonctionnez-vous économiquement ?

La ville de Bordeaux est propriétaire de la Cité du Vin mais ne nous verse pas de subventions. Nous sommes une fondation reconnue d’utilité publique exploitant un équipement culturel et nos recettes sont propres. C’était le souhait d’Alain Juppé. La ville a investi 30 millions d’euros au départ pour la construction du bâtiment tout en demandant que la Cité soit autonome financièrement. C’était une hypothèse et un pari car notre viabilité économique repose en conséquence sur le niveau de fréquentation, qui détermine nos recettes. Quand les équipements culturels sont subventionnés, cela leur permet de proposer un tarif assez bas. Ce n’est pas notre cas puisque le prix de la visite est à 20 euros. Pour le moment, nous parvenons à l’objectif.

Faites-vous appel au mécénat ? Et de quel type ?

Oui et dès le départ. Sur les 80 millions investis pour la Cité du Vin, 19% ont été apportés grâce au mécénat. Les financements publics provenant de la ville de Bordeaux, le maître d’ouvrage (38%), de l’Europe via le FEDER (15%), Bordeaux Métropole (10%), le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (7%), la région Nouvelle-Aquitaine (7%), l’État (2%), le département de la Gironde (1%), la Chambre de commerce et d’industrie de Bordeaux (1%). Aujourd’hui, le mécénat représente 10%.
Nos mécènes sont avant tout territoriaux. Nous avons un partenariat avec Keolis, le Crédit Agricole, des châteaux et domaines viticoles les plus prestigieux comme le Domaine Clarence Dillon, et également des négociants, des fournisseurs de la filière comme les fabricants de bouteilles ou de tonneaux. La diversité des profils est stimulante. En emmenant de grands noms de Bordeaux avec nous, nous avons aussi rassuré la profession. Dans le passé, plusieurs projets de centres autour du vin ont été annoncés puis ne se sont pas concrétisés… Il y avait de la méfiance de la part de la profession.

Qu’en est-il du niveau de fréquentation ? Comment vous projetez-vous à deux ans par exemple ?

Nous avons atteint en 2018 plus de 400 000 visiteurs avec une progression des visiteurs étrangers de 22 % par rapport à l’an dernier. Actuellement, nous sommes très affectés par la crise des Gilets jaunes, surtout en ce qui concerne les visiteurs étrangers. Une des clés pour progresser en termes de recettes est de développer des événements autonomes qui ne soient pas corrélés à la fréquentation justement et à des perturbations extrêmes comme celles des Gilets jaunes. Nous commençons à mettre en place des expositions itinérantes qui trouveront un écrin dans d’autres lieux. Une collaboration dont nous sommes particulièrement fiers est celle que nous menons avec la ville de Pékin. La mairie nous a contactés directement pour les accompagner et coconstruire leur prochain musée autour du vin qui s’appellera « le chemin de la connaissance du vin ». 

Le bâtiment de XTU Architects (créé par Anouk Legendre et Nicolas Desmazières ) est une prouesse architecturale et un écrin magnifique pour votre sujet. Pouvez-vous nous en parler et nous dire comment vous vous y sentez au fil du temps ?

À Bordeaux, l’architecture du XVIIIe siècle est très présente. L’équipement audacieux de XTU nous projette dans le futur. La rondeur extérieure du bâtiment se ressent de l’intérieur.
Les courbes sont reposantes, la structure en bois apporte à la fois douceur et chaleur, le verre laisse entrer la lumière… Tout cela en fait un lieu où l’on se sent bien.

Propos recueillis par Laetitia Sellam

 

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