En 2018, les fonds actions françaises ont subi de plein fouet la baisse des marchés financiers, avec des pertes pouvant aller jusqu’à - 25 %. La valeur de CD France Expertise a, quant à elle, fait mieux que résister (- 2,0%). Son gérant, Philippe Lesueur, s’en explique.

Décideurs. Comment un investisseur de long terme comme vous réagit aux soubresauts des marchés et à la période très animée que nous rencontrons depuis près d’un an ?

Philippe Lesueur. Vous dire que je ne regarde pas les marchés financiers serait une aberration, mais je les analyse sur un deuxième niveau. Le travail d’un gérant est de suivre le cahier des charges fixé par ses clients. Le nôtre est de gérer de l’épargne de long terme. Nous ne sommes donc pas là pour surfer sur les vagues de court terme. Notre première préoccupation concerne la préservation du capital, c’est-à-dire notre capacité à traverser les à-coups de marché. Notre seconde priorité est de faire prospérer l’épargne dans la durée. Le monde n’est pas inerte. Nous avons donc fait le choix de suivre les tendances de long terme comme le vieillissement de la population, la diffusion des nouvelles technologies ou encore le développement des infrastructures. Nous cherchons avant tout à rester alignés sur ces tendances, la pondération de nos investissements peut ensuite changer pour prendre en compte des préoccupations de marché à plus court terme.

Certains analystes craignent qu’après les conflits commerciaux avec la Chine, l’administration américaine cherche à renégocier de manière musclée ses accords avec l’Europe. Est-ce un élément que vous regardez de près ?

Chaque camp montre ses muscles pour faire plier l’autre. Ce sont des accords de façade. Structurellement, nous avons changé d’époque. Une période de mondialisation des échanges est en train de se refermer. Nous allons désormais vers une phase où l’on aura moins d’ouverture. La raison est simple, le rapport de force s’est inversé. La Chine, dont la menace économique et géopolitique pouvait paraître marginale, est désormais toute-puissante. D’autres blocs affirment leurs positions. Cette période marque aussi la fin de l’hégémonie américaine. Les Américains ne peuvent plus se poser en seuls arbitres du monde.

« Nous suivons les tendances de long terme comme le vieillissement de la population et la diffusion des nouvelles technologies »

Votre fonds, CD France Expertise, a très bien résisté en 2018. Comment l’expliquez-vous ? Utilisez-vous des systèmes de couverture pour protéger votre portefeuille ?

Nous n’utilisons pas de système de couverture. CD France Expertise est géré comme le fonds de portefeuille actions de nos clients. Vous n’y retrouverez donc que des actions et toujours des actions. Ce positionnement peut nous desservir lors des phases d’exubérance du marché. Mais quand le marché revient à la réalité, nos valeurs résistent mieux. Nous raisonnons sur des critères économiques et concentrons nos investissements sur les secteurs d’activité qui croissent structurellement à la même vitesse ou plus vite que la croissance mondiale. A contrario, nous ne sommes pas positionnés sur des entreprises en déclin ou faisant l’objet de restructurations sévères.

Quelle est votre politique d’arbitrage ? Sur quels critères vendez-vous ou achetez-vous une valeur ?

Notre taux de rotation est de 20 %. En moyenne, nous conservons donc nos positions cinq ans, une rareté sur le marché de la gestion d’actifs. Pour nos décisions, il y a une analyse industrielle, économique et sociale qui va nous amener à privilégier certaines entreprises. Si nous prenons l’image de la gestion d’une belle forêt, nous avons notamment besoin de variétés qui poussent vite, et donc de sociétés disposant d’une croissance rapide (Sartorius Stedim, Dassault Systèmes, Alten). Nous devons également nous appuyer sur un système d’arrosage et de drainage solide, et donc sur des entreprises qui ont une très bonne assise, comme des sociétés de grande consommation ou des opérateurs télécom. Même quand les marchés financiers toussent, ces sociétés continuent à distribuer des dividendes, parfois élevés. Lorsque les investisseurs ont pris peur en fin d’année dernière, ces valeurs ont mieux résisté. L’objectif est d’avoir une forêt équilibrée, quelle que soit la saison. 

Propos recueillis par Aurélien Florin

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