Fondateur de la société de conseil 5fois5 spécialisée dans la formation et l’accompagnement de dirigeants au « leaderhip conscient », Philippe Joannis décrypte les leviers du Conscious Capitalism. En tête de ceux-ci : la nécessité pour toute entreprise de voir dans sa quête de profit non plus une fin mais un moyen nécessaire à la réalisation d’un objectif plus vaste et plus collectif. Explications.

Décideurs. Dans « Plaidoyer pour une entreprise consciente », vous en appelez à « réinventer le narratif associé à l’entreprise », selon lequel celle-ci chercherait  uniquement à créer du profit et à maximiser les gains de ses actionnaires…

Philippe Joannis. Ce narratif autour du capitalisme est très établi ; or il ne faut pas oublier que ce même capitalisme a permis de sortir une partie de l’humanité de l’extrême pauvreté et d’améliorer nombre d’indicateurs de qualité de vie dans le monde. Pour autant, ce mouvement positif ne s’est pas fait sans dégâts collatéraux sur le plan social et environnemental. Lorsque le mouvement du Conscious Capitalism a émergé il y a une dizaine d’années aux États-Unis, le taux de confiance dans les dirigeants des grandes entreprises était extrêmement bas, aux alentours de 15%... Cela  a favorisé le questionnement autour du rôle de l’entreprise.

Le Conscious Capitalism repose sur la notion d’entreprise consciente. Qu’implique-t-elle exactement ?

L’entreprise consciente est une entreprise qui intègre plusieurs perspectives et qui est donc capable de prendre en compte les intérêts des différentes parties prenantes. Elle est dotée d’une conscience élargie – « intégrale » – dont découle une organisation différente, conçue pour prendre en compte des paramètres extérieurs à son strict périmètre d’activité : la planète, les consommateurs... Je dirais que l’entreprise consciente est connectée au reste du monde ; consciente de faire partie d’un tout.  À l’inverse de l’approche classique consistant pour elle à être exclusivement centrée sur son profit et déconnectée de tout ce qui lui est extérieur.

À vous lire, cela implique même d’inverser certaines priorités, comme celle qui consiste traditionnellement à placer le profit avant la raison d’être ?

Effectivement, c’est là une mutation essentielle : l’entreprise consciente ne renonce pas à sa quête de profit, ni d’ailleurs à l’optimiser, mais celle-ci devient un moyen nécessaire à une ambition plus vaste. L’entreprise consciente place sa raison d’être avant sa quête de profit, « purpose before profit ». Cette inversion des priorités est la clé du Conscious Capitalism.

Pour les entreprises cela revient à opérer une véritable révolution. En quoi est-elle indispensable ?

Parce que persister dans le déni de ce que doit être le capitalisme débouchera nécessairement sur des crises à répétition : écologiques, sociales, financières… En novembre dernier, 1 500 scientifiques français signaient ainsi un appel sur le sujet en pointant le risque d’atteinte à la biodiversité ; quelques mois plus tard 150 chefs d’entreprise leur répondaient dans « Osons demain », un manifeste en faveur de la transition écologique…

Quel est le rôle du dirigeant d’entreprise dans cette mutation nécessaire ?

Tout chef d’entreprise a, face à cet impératif de prise en compte des différentes parties prenantes, une véritable responsabilité morale et organisationnelle. Il doit pratiquer un leadership conscient, ce qui implique de renoncer en partie à la toute-puissance du dirigeant sans pour autant sacrifier l’exigence de performance, pour penser collectif. Alors une culture différente peut se mettre en place.

Quelle différence faites-vous entre capitalisme conscient et responsabilité sociale ?

Alors que le Conscious Capitalism passe par une organisation fondamentalement repensée et une autre vision de ce que doit être l’entreprise pour elle-même et pour les autres, la RSE se contente d’instaurer une strate de contrainte supplémentaire pour encadrer des pratiques existantes et supposées dangereuses. Ce sont deux logiques très différentes.

Propos recueillis par Caroline Castets   

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