Conseiller principal pour le climat du WRI, le plus influent think tank au monde sur les questions environnementales, Pascal Canfin œuvre au succès de la Cop21 à Paris. Entretien.
Décideurs. Quelle mission poursuivez-vous au sein du think tank World Resources Institute ?
Pascal Canfin.
Mon rôle consiste à faire le lien entre la présidence française, le WRI et son réseau, dans le but de parvenir à un accord, lors de la Cop21 (21e conférence des parties sur le changement climatique). Je travaille particulièrement sur les aspects financiers et notamment sur les cent milliards de dollars promis par les pays développés aux pays en développement lors de la conférence de Copenhague en 2009. Ces financements ont été promis aux pays du Sud à partir de 2020, pour les aider dans leur lutte contre le dérèglement climatique. Je copréside également, avec Alain Grandjean, membre du comité scientifique de la Fondation Nicolas Hulot, la commission établie par le président de la République sur la mobilisation de financements innovants pour le climat. Aujourd’hui, c’est la dimension financière qui peut faire dérailler la Cop.

Décideurs. Vous assurez que les collectivités territoriales sont plus progressistes que les États sur les questions de changement climatique. Quel rôle peuvent-elles jouer dans les négociations pour le climat ?
P. C.
Les collectivités sont globalement plus progressistes car elles sont directement impactées par les conséquences du réchauffement climatique. Lorsqu’une catastrophe arrive, c’est vers l’élu local que l’on se tourne. Leurs compétences les rapprochent aussi des sujets environnementaux : les transports, les espaces verts, l’eau, l’urbanisme, la gestion des déchets… Les collectivités territoriales représentent également, en France, près de 70 % de l’investissement public et, à ce titre, peuvent réorienter leurs investissements vers une économie bas carbone. Mettre en place un service d’auto-partage dans sa commune ou organiser la construction du foncier autour des nœuds de transports collectifs sont des décisions politiques. Aujourd’hui, les questions environnementales sont devenues déterminantes dans les élections locales. Prenez l’exemple de Paris et la problématique de la qualité de l’air lors des dernières municipales. À l’étranger, la Chine est aujourd’hui le pays le plus politiquement concerné par ces questions : la qualité de l’air y est devenue un sujet politique majeur. Les gouverneurs de région risquent leur place sur ce sujet !

Décideurs. En France, une fiscalité de la pollution ou de la consommation des ressources est-elle possible?
P. C.
La quasi-totalité des économistes sont aujourd’hui favorables à une fiscalité de la pollution, comme de nombreuses entreprises. La prochaine étape est politique, mais on se heurte à de nombreux conservatismes. Ce changement passera par une alliance entre les entrepreneurs qui investissent dans cette économie bas carbone et les responsables politiques, locaux et nationaux, qui s’engagent dans cette transition. C’est cette alliance, très puissante, qui fera changer les choses. Prenez l’exemple de la Californie, où le cadre réglementaire favorable aux économies d’énergie et aux énergies renouvelables a considérablement accéléré leur développement. Les compagnies d’électricité y sont rémunérées en partie pour les économies d’énergie qu’elles réalisent et non pas pour ce qu’elles produisent. Dans un cadre comme celui-là, l’innovation peut se développer à grande échelle et c’est là que s’invente la jonction entre la révolution de l’économie numérique et celle de l’économie verte. La Cop21, à Paris, sera le théâtre d’une bataille entre deux mondes : ceux qui inventent le monde de demain et ceux qui s’agrippent au monde d’hier avec les énergies fossiles.

Décideurs. Vous publiez, avec Peter Staime, 30 questions pour comprendre la conférence de Paris. À qui adressez-vous ce livre ?
P. C.
Ce livre s’adresse à tous ceux qui veulent décrypter les enjeux de la Cop21 et la communication des gouvernements et des entreprises. Il donne des données clés aux décideurs politiques et financiers, montrant qu’une transition est en marche. Savez-vous qu’en 2013, plus de 56 % des nouvelles capacités de production d’électricité installées sont des énergies renouvelables ? Savez-vous également que Standard & Poor’s travaille, de manière volontaire, à intégrer le risque climatique dans son analyse du risque des entreprises qu’elle note ? Ce sont tous ces éléments que nous avons voulu réunir dans ce livre, pour contribuer aussi à la mobilisation des énergies.

Propos recueillis par Sophie Da Costa

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