Boris Johnson est plus que jamais à la tête du Royaume-Uni suite à sa récente victoire aux élections. Il règne désormais sur un parti conservateur dont la physionomie est modifiée. Éclairage avec Agnès Alexandre-Collier, professeure de civilisation britannique en poste à Oxford.

Décideurs. Après sa large victoire, le parti conservateur compte 109 nouveaux élus. En quoi cette nouvelle génération modifie-t-elle la physionomie du parti ?

Agnès Alexandre-Collier. Il est vrai que ces nouveaux députés apportent un renouvellement ou, plus exactement, confirment celui qui s’était déjà amorcé avec des profils plus jeunes et issus de milieux sociaux plus divers. Mais le principal changement tient au fait que, désormais, tous les remainers ont disparu du parti. Il y a quelques mois Boris Johnson en avait expulsé vingt et un qui, lors des dernières élections, ne se sont pas représentés ou, s’ils l’ont fait (comme indépendants ou comme sociaux-démocrates) ont tous perdu leur siège. Et comme les élus de la nouvelle génération ont forcément fait l’objet d’une sélection rigoureuse à l’entrée, sur la base de la ligne politique de Boris Johnson, le parti devient un parti de hard brexiters. À l’image de son leader.

Si les nouveaux venus ressemblent à Boris Johnson sur le plan des idées, il n’en est pas de même sur le plan du profil socio-professionnel...

Effectivement, mais là encore, l’arrivée de cette nouvelle génération vient renforcer une tendance déjà perceptible depuis plusieurs années et voulant que le profil classique du député conservateur (upper class, diplômé d’Oxford et Cambridge...) s’estompe au profit de figures de moins en moins élitistes, avec des autodidactes, des petits patrons, des enseignants... La démocratisation du parti s’est accentuée avec cette vague de renouvellement.

Le fait que le parti ait été incarné par des profils plus jeunes, plus populaires, a-t-il été décisif dans la percée massive des Conservateurs en terre travailliste ?

Cela ne fait aucun doute, même si le ralliement du Brexit Party à Boris Johnson a eu pour effet de lui servir sur un plateau certaines de ces circonscriptions historiquement travaillistes et très sensibles au discours populiste de son leader, Nigel Farage. Pour autant, il ne faut pas oublier que, même si les Conservateurs ont toujours eu une image de parti de la City, des grandes entreprises, etc., celle-ci était autrefois tempérée par une tradition de méritocratie et de mobilité sociale rattachée à l’idée que le travail et l’initiative individuelle paient. Les dernières élections ont vu le parti revenir à cette tradition qui a clairement aidé les candidats conservateurs à conquérir des sièges d’ordinaire détenus par les travaillistes.

Le parti conservateur vivrait donc moins une mue qu’un retour aux origines?

Ce à quoi on assiste aujourd’hui c’est à un retour aux sources du parti conservateur, en effet; un retour au parti conservateur d’après-guerre: celui de l’époque du grand consensus autour du principe d’un État-providence, avec politique de relance des investissements, nouvelle forme d’interventionnisme, etc. Consensus qui avait pris fin dans les années 1980 avec l’élection de Margaret Thatcher. Le retour en force de cette tradition est d’ailleurs confirmé par le manifeste électoral de Boris Johnson dans lequel celui-ci dit sa volonté d’investir dans les servicespublics, de protéger les plus démunis et d’en finir avec l’austérité sans pour autant augmenter les impôts et la TVA... C’est là un message clair adressé aux classes populaires.

Dès lors que reste-il aux Travaillistes ?

Pas grand-chose, c’est certain. Le fait que Jeremy Corbyn ait fondé sa campagne sur la promesse d’un nouveau référendum était une erreur majeure puisque, en réalité, les Britanniques ne veulent pas d’un nouveau vote sur le Brexit. Ces élections l’ont prouvé : ils veulent que la volonté démocratique qui s’est exprimée il y a trois ans soit respectée car, quoi qu’on en dise, ils sont majoritairement favorables à la sortie de l’Union.

Caroline Castets

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