La troisième édition de la Paris Arbitration Week s’est tenue du 1er au 5 avril dernier. La communauté internationale de l’arbitrage s’est réunie pour échanger lors des nombreux débats, conférences et tables rondes organisés pour l’occasion. Morceaux choisis.

Ils étaient plus de 2 000 praticiens de l’arbitrage à se rendre à la Paris Arbitration Week (PAW) à Paris l’an passé, et encore plus nombreux cette année. L’événement, qui fête ses 3 ans, est coorganisé chaque année par la Chambre de commerce international (ICC), l’association Paris Place d’arbitrage, le Comité français de l’arbitrage (CFA) et l’Association française d’arbitrage (AFA). Pendant cinq jours, des professionnels et des universitaires échangent sur les enjeux et les évolutions de l’arbitrage international lors des 35 événements programmés. Un rendez-vous incontournable pour Elie Kleiman, associé chez Jones Day, qui estime qu’il est primordial de « rassembler les différentes forces de la communauté arbitrale à Paris pour aborder l’avenir de l’arbitrage dans l’environnement politique et géopolitique actuel ». Inévitablement, le sujet Brexit a occupé une bonne partie des débats.

Arbitrage international et Brexit

« La seule certitude avec le Brexit, c’est l’incertitude », pose d’emblée Thomas Claye, vice-président de Paris Place d’Arbitrage. La conférence organisée le 2 avril au salon de l’hôtel des Arts et Métiers a été l’occasion pour la communauté arbitrale de s’interroger sur l’impact du Brexit dans l’arbitrage international. Deux thèses opposées ont été successivement défendues. La première, l’approche continentale, soutenue par Ioana Knoll-Tudor, avocate associée chez Jeantet, soutient que Londres finira par perdre sa position de ville d’arbitrage face aux autres villes d’Europe. Dans sa plaidoirie, l’avocate incite d’ailleurs à anticiper dès maintenant les conséquences du Brexit sur l’arbitrage à Londres. « Il y aura davantage d’arbitrages commerciaux dans les places d’Europe continentale puisque l’exécution des décisions de justice anglaises hors du Royaume-Uni est encore incertaine. » Ioana Knoll-Tudor ajoute : « Les litiges commerciaux de la City seront récupérés par des chambres internationales. Les parties choisiront d’appliquer la convention de New York pour leur conflit, avec des sièges européens. » L’avocate conclut son intervention par une affirmation : « Le siège international de l’arbitrage sera en Europe », avant de quitter la scène sur l’air de la cinquième symphonie de Joseph Haydn, Les Adieux, en allusion à la sortie du Royaume-Uni de l’Europe.

Pour l’avocate Émilie Gonin, une partisane de l’approche britannique, le Brexit ne changera rien. L’associée de Doughty Street Chambers à Londres affirme que la capitale du Royaume-Uni restera bien une place de choix pour les procédures d’arbitrage : « Les tribunaux arbitraux anglais resteront les mêmes et comprendront les besoins des parties, quand bien même Londres ne ferait plus partie de l’Union européenne. » L’ouverture prochaine d’un nouveau centre de résolution des litiges dans la capitale britannique semble d’ailleurs confirmer son propos. « Le droit anglais restera une référence en matière de commerce international », poursuit Émilie Gonin, chiffres à l’appui : en 2015, 47 % des parties à un arbitrage avaient choisi Londres contre 67 % en 2018. « Les juges anglais feront les beaux jours de l’arbitrage à Londres », conclut l’avocate avant de quitter son pupitre sur le son de I will survive de Gloria Gaynor. Le Brexit n’ayant toujours pas abouti, les deux thèses sont encore possibles.

 

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Exécution des sentences arbitrales

La richesse de la PAW repose non seulement sur la diversité des thèmes abordés, mais aussi sur la variété des formats proposés aux participants pour débattre. La conférence d’ouverture organisée par la Chambre de commerce internationale (ICC) en est un exemple. Toute une journée consacrée au rôle de l’arbitrage dans les relations internationales, les différentes juridictions de l’Union européenne tirant parfois les enseignements de ses homologues. Ainsi, l’ICC fait de l'arrêt du 6 mars 2018 rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (dit Achmea) une rupture en matière de traité d’investissement en Europe. Et qu’on se le dise, « un contrecoup est envisageable si la procédure d'arbitrage n'est pas faite dans les règles de l'art imposées par l'UE », explique Jan Kleinheisterkamp, professeur à la London School of economics, même s’il faut relativiser la portée de cette jurisprudence qui ne s’applique qu’au traité concerné, à savoir celui signé entre la Slovaquie et les Pays-Bas.

La conférence consacrée à l’exécution des sentences arbitrales en France, « Enforcement of arbitral awards in France », organisée par le cabinet Fierville Ziadé a quant à elle pris la forme originale d’un partage d’expériences de la sentence arbitrale. Les avocats ont ainsi pu interagir avec le public sur une thématique technique consacrée aux saisies engagées sur les débiteurs perdants dans la procédure d’arbitrage. « Saviez-vous que des tiers peuvent être directement concernés par une procédure d’exécution lorsque la partie perdante à un arbitrage refuse d’exécuter volontairement une sentence ? Que les tribunaux français pourraient ordonner la saisie de vos propres dettes envers la partie perdante? » Des questions que les intervenants ont, dès le départ, adressées aux participants de la table ronde avant de leur livrer des conseils pour appréhender les sentences arbitrales mettant en jeu le créancier, le débiteur et un tiers. Jérémie Fierville, avocat associé du cabinet Fierville Ziadé, a clôturé la conférence en rappelant que « la France dispose d’un cadre juridique plutôt favorable au débiteur. Celui-ci doit donc être préparé et savoir quoi faire lors du prononcé d’une sanction arbitrale à son encontre ».

Droit pénal et arbitrage

Animée par le cabinet Herbert Smith Freehills le quatrième jour de l’événement, la conférence intitulée « When arbitration and criminal law collide: Common law and Civil Law questions and answers » comparait le droit civil et la common law, lorsque des problématiques pénales se posent dans le cadre d’un arbitrage. Un format basé sur des questions/réponses techniques et animé par Alexander Gunning QC (One Essex Court), José Rosell (Independent International arbitrator), Ana Serra e Moura (Deputy Secretary general of the ICC Arbitration), Emily Fox (Herbert Smith Freehills) et Thierry Tomasi (Herbert Smith Freehills). De nombreuses problématiques juridiques ont été successivement abordées, la première portant sur l’étape du contrôle : « Il s’agit de la position que les juridictions doivent adopter lorsqu’une sentence arbitrale est contestée pour atteinte à l’ordre public international et notamment pour des faits d’allégation de corruption », détaillent Alexander Gunning et José Rosell. Derrière cette question se cache celle de savoir si le tribunal arbitral a besoin d’analyser uniquement la sentence arbitrale ou d’examiner l’intégralité des faits. Le débat s’est ensuite poursuivi sur la question de la charge de la preuve et du rôle que doivent jouer les institutions arbitrales sur ces questions, à l’image de l’ICC qui vient d’inaugurer un département spécialiste des questions criminelles dans le cadre d’un arbitrage.

Cette troisième édition de la Paris Arbitration Week a confronté la communauté arbitrale aux succès des procédures d’arbitrage, mais également aux difficultés qu’elle doit surmonter. Pour Elie Kleiman, l’Europe et l’arbitrage s’apparentent à « un mariage de raison qui connaît des heures douloureuses ». Mais que les plus inquiets se rassurent : l’arbitrage a encore un bel avenir devant lui. Sa communauté, qui semble plus unie que jamais, devrait pouvoir surmonter ce passage à vide sans trop d’encombre.

Marine Calvo

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