Faisant usage de l’habilitation donnée par la loi Pacte, le Gouvernement a apporté des précisions sur la procédure du Say on Pay. Bien qu’il ait tenté de répondre aux interrogations posées par la doctrine, plusieurs points restent toujours en suspens.

L’ordonnance et son décret du 27 novembre 2019 sont venus modifier des dispositions législatives et réglementaires du Code de commerce4 relatives à la procédure du Say on Pay dont la pratique sur ces deux derniers exercices avait fait ressortir de nombreuses questions et difficultés d’application.

Même si elle apporte des précisions bienvenues en ce qui concerne  son champ d’application (procédure étendue aux administrateurs et aux sociétés en commandite par actions cotées), l’élargissement des éléments de rémunération soumis au vote des actionnaires dans le cadre de la politique de rémunération ou encore son articulation avec la procédure des conventions réglementées, cette réforme complexifie le dispositif du Say on Pay et engendre de nouvelles interrogations dans ces domaines.

Se posent tout d’abord de nouvelles questions du fait de l’abrogation réalisée par l’Ordonnance de l’article  L.225-42-1 du Code de commerce relatif aux rémunérations liées à la cessation des fonctions. Ces dispositions prévoyaient de soumettre les engagements pris par le conseil d’administration correspondant à "des éléments de rémunération, des indemnités ou des avantages dus ou susceptibles d’être dus à raison de la cessation ou du changement de ces fonctions, ou postérieurement à celles-ci, ou des engagements de retraite à prestations définies" de plein droit à la procédure des conventions réglementée prévue par l’article L.225-38 du Code de commerce en plus du vote des actionnaires au titre du Say on Pay et par résolution séparée lors de l’assemblée générale. Ceux-ci ne sont désormais plus soumis de plein droit à la procédure des conventions réglementées mais seulement au vote des actionnaires.

Il est néanmoins raisonnable de penser que ces engagements pourront en revanche toujours être soumis à la procédure des conventions réglementées au sens du droit commun s’ils remplissent les conditions cumulatives prévues par la jurisprudence et s’ils ne constituent pas seulement des décisions unilatérales prises par le conseil d’administration, c’est-à-dire s’ils ont la nature d’une vraie convention bilatérale (notamment par une convention de mandat signée entre l’entreprise et le dirigeant).

Par ailleurs, l’articulation de ces nouvelles dispositions dans le cadre du cumul autorisé (sous certaines conditions) des dirigeants entre un mandat social et un contrat de travail soulève également de nouvelles questions.

En effet, en ce qui concerne les directeurs généraux, les directeurs généraux délégués et les présidents des sociétés cotées, les règles ont été précisées au titre du nouveau régime et ont déjà fait l’objet d’une interprétation de l’Ansa.

Lorsque le mandataire social perçoit une rémunération au titre de son mandat et également au titre de son contrat de travail, chacune de ces rémunérations sera soumise à la procédure du Say on Pay mais selon des modalités différentes (seule la rémunération au titre de son mandat sera soumise à l’autorisation des actionnaires, la rémunération au titre de son contrat de travail ne sera alors indiquée au rapport sur le gouvernement d’entreprise établi au titre du vote ex post qu’à titre indicatif).

"Par ailleurs, l’articulation de ces nouvelles dispositions dans le cadre du cumul autorisé (sous certaines conditions) des dirigeants entre un mandat social et un contrat de travail soulève également de nouvelles questions"

Dans le même sens, lorsque le mandat social est exercé à titre gratuit, la rémunération (ainsi que tout autre engagement, indemnité et avantage susceptible d’être dû à raison de la prise, cessation ou du changement des fonctions ou postérieurement à l’exercice de celles-ci) issue du contrat de travail devra simplement être mentionnée à titre indicatif dans le rapport établi au titre du vote ex post. Un vote ex post négatif sur le contenu du rapport n’aura alors aucune conséquence sur son versement.

À l’inverse, dès lors que le contrat de travail inclut également les fonctions correspondant au mandat social, les éléments de rémunération et autres engagements prévus par le contrat de travail doivent être soumis à l’autorisation des actionnaires en amont de sa conclusion (vote ex ante) ainsi qu’au vote ex post pour les éléments de rémunération qui y seraient soumis.

Ainsi, la question de l’opportunité d’insérer les missions relatives au mandat social dans le contrat de travail se pose en raison de l’application du régime du Say on Pay dès la conclusion, pendant l’exécution et lors de la rupture de celui-ci. Cela n’est pas sans poser des difficultés notamment lorsque la société voudra négocier le départ du mandataire social salarié ou dans le cas d’une rémunération variable attribuée à un mandataire social qui serait sanctionnée par les actionnaires lors du vote ex post en dépit des stipulations du contrat de travail qui garantissaient son paiement. Il est néanmoins légitime de penser que le mandataire salarié aura toujours la possibilité d’agir devant le conseil des Prud’hommes en vue d’en obtenir le versement. 

Enfin, comme évoqué ci-dessus, les administrateurs font leur entrée dans le champ d’application de la procédure du Say on Pay. Ils voient désormais leur rémunération soumise au vote ex ante sur la politique générale de rémunération mais demeurent exclus du vote ex post sur la rémunération individuelle des mandataires sociaux.

Or, cette inclusion des administrateurs apporte cependant des interrogations nouvelles en ce qui concerne la rémunération des administrateurs salariés. Les éléments du contrat de travail de ces derniers devront-ils, au même titre que ceux des autres mandataires sociaux évoqués précédemment, être inclus dans la politique de rémunération? Leur rémunération sera-t-elle soumise de manière individuelle au vote des actionnaires? La pratique sera certainement amenée à combler les lacunes de cette réforme dont l’enjeu est particulièrement important dans la mesure où il est courant (voire parfois obligatoire dans le cas des administrateurs salariés) de faire accéder les cadres clés des sociétés cotées à des fonctions de direction de celle-ci.

Pierre-Olivier Bernard, associé fondateur chez Opleo Avocats

Sandrine Gardel, associée en droit social chez Opleo Avocats

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