Alors que la bataille de sa succession à la tête du Medef bat son plein, Pierre Gattaz dresse un bilan de ses années de présidence et évoque les défis qui attendent le futur patron de l’organisation.

Décideurs. Pensez-vous que les ­rapports entre employeurs et salariés se sont modifiés depuis le début de votre mandat?

Pierre Gattaz. Le dialogue social est très dynamique, que ce soit au niveau national, dans les branches ou dans les entreprises. En 2016 les accords d’entreprise ont fortement progressé : 42 231 contre 36 600 en 2015. Et la ­propension des syndicats à signer des accords est élevée, de 84 % pour la CGT à 94 % pour la CFDT. Dans les structures de moins de 10 salariés où il n’existe pas de forme institutionnalisée de dialogue social, les accords sont tout aussi nombreux. Et 80 % des chefs d’entreprise de TPE ont pris avec leurs salariés des mesures sur les salaires, l’emploi, les conditions de travail et/ou le temps de travail. D’ailleurs je ne crois pas que le dialogue social de terrain doive systématiquement être intermédié par une organisation syndicale. Cela est indispensable dans les grandes structures mais pas dans les plus petites. Vouloir ­l’imposer à toute force est une erreur. Il faut laisser les ­salariés décider s’ils ont besoin ou non d’un représentant syndical. Mais la clef d’un dialogue social constructif reste d’impliquer les ­collaborateurs dans les ­décisions et dans la stratégie de l’entreprise.

Le rôle des organisations syndicales – tant employeurs que salariés – dans les entreprises est débattu. Comment pensez-vous qu’elles doivent évoluer?

Les mutations accélérées que nous voyons tous les jours sont une ­première source de remise en cause de nos ­organisations. Au-delà, la réforme du droit du travail qui renforce la place des branches professionnelles et ­décentralise le dialogue social au plus près du ­terrain, les nouvelles formes de travail et les nouvelles demandes de nos salariés, imposent de revoir le rôle des organisations syndicales, employeurs et ­salariés. Il nous faut réinventer un ­nouveau ­dialogue interprofessionnel sur un mode renouvelé et sur des thèmes beaucoup plus économiques comme la robotisation, la construction ­européenne, ­l’apprentissage, la transition écologique… Autant de sujets malheureusement absents de nos ­discussions actuelles alors qu’ils sont déterminants pour l’avenir de notre pays.

À titre personnel, que retiendrez-vous de ces cinq années de mandat? à quoi avez-vous été contraint de renoncer?

Ces cinq années de mandat ont été cinq années de combats que nous avons pour la plupart gagnés. Je pense au coût du travail et au Pacte de responsabilité, au droit du travail avec la loi El Khomri puis les ordonnances Macron, à la fiscalité avec la flat tax et la suppression de l’ISF, à l’abandon du compte pénibilité… Nous avons aussi mené un combat important sur l’apprentissage et notre réforme de la formation professionnelle en 2014 a rendu le système plus performant. Tous ces ­combats ont permis de remporter la première des batailles : celle de l’emploi. Le 4 janvier 2014 j’ai annoncé la création ­possible d’un million d’emplois en cinq ans. 652 000 emplois ont été créés depuis cette date, nous n’en sommes pas si loin… Beaucoup de choses restent néanmoins à faire, notamment en ce qui concerne la ­simplification réglementaire. Un travail herculéen qui ne peut aboutir que s’il est porté par une farouche volonté ­politique. Il y a une véritable prise de conscience du problème mais une mise en œuvre encore défaillante. De même il faut mettre en place une politique de baisse de la dépense publique, c’est la mère de toutes les batailles.

Avez-vous un conseil à donner à votre successeur?

Je ne sais pas qui sera le prochain président du Medef mais je crois important d’élire un chef d’entreprise qui, à la tête de son entreprise, porte des valeurs claires et est exemplaire. Avec la réforme du droit social, le Medef doit se réinventer sur des champs plus économiques : être dans l’anticipation, continuer à défendre l’intérêt des entreprises en plaçant la compétitivité au cœur de ses réflexions et développer encore davantage les actions de pédagogie. Et avoir avec les syndicats une réflexion prospective sur l‘évolution des métiers et sur le monde économique en général. Si je n’avais qu’un seul conseil à ­donner, ce serait d’être courageux.

 

Propos recueillis par Marie-Hélène Brissot

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