Pour Philippe Desurmont, directeur des investissements du groupe SMA, les marchés sont aujourd’hui coupés en deux, et ce sur toutes les classes d’actifs. Les investisseurs étant prêts à payer plus cher des actions de qualité ou des actifs immobiliers situés dans les meilleurs emplacements Cette segmentation rend les décisions d’investissement plus complexes et poussent les institutionnels à sortir des sentiers battus.

Décideurs. Les indices boursiers mondiaux ont fortement remonté depuis les points bas de mars dernier. Les avancées sur le vaccin ont aussi rassuré investisseurs. Quel regard portez-vous sur la situation ? Cela a-t-il un impact sur la gestion de votre portefeuille ?

Philippe Desurmont. La période de crise sanitaire que nous vivons ne s’est - heureusement - pas transformée en crise financière. Les moyens colossaux mis en œuvre par les autorités publiques ont permis de l’éviter. Grâce à ces leviers de politiques monétaires et fiscales, les marchés se tiennent relativement bien, au regard de la situation. Les indices américains ont même retrouvé leurs plus hauts niveaux historiques en septembre dernier. Ces niveaux records ne disent cependant pas tout. Les marchés actions sont coupés en deux. Il n’y a désormais plus de limites aux valorisations des sociétés de croissance, sensées être imperméables à la crise. A contrario, les investisseurs se détournent totalement des entreprises des secteurs en difficulté comme les médias, les loisirs ou encore les transports aériens. La masse de liquidité en circulation se concentre sur les entreprises qui offrent de la visibilité. De notre côté, notre politique d’investissement est mise en œuvre sur le long terme. Nous n’avons pas vocation à gérer notre allocation par à-coups. En mars et avril dernier, nous avions toutefois réinvesti un peu sur les marchés actions et un peu plus sur le marché du crédit. Depuis, notre allocation s’est stabilisée.

Quels sont, selon vous, les principaux facteurs de risque qui pèsent sur les marchés ?

À court terme, le principal facteur de risque est la situation sanitaire et la trajectoire de l’activité économique. On se trouve dans une situation économique particulière. La récession a été déclenchée par les pouvoirs publics. L’activité est aujourd’hui à 95 % de son potentiel et elle risque de rechuter avec les nouvelles mesures de restriction liées à la crise sanitaire. La remontée pourrait donc être plus longue que prévue. Les marchés financiers ont, quant à eux, enjambé la crise. Les principaux indices boursiers ont rapidement rebondi et pour certains retrouvé leurs niveaux d’avant crise. À moyen terme, nous suivons de près la remise en cause du phénomène de globalisation, déjà à l’œuvre depuis plusieurs années. C’est un phénomène aux dimensions multiples dont l’impact sur la croissance devrait être significatif, avec des avantages et des inconvénients. La question du surendettement des économies développées est aussi fondamentale. Les politiques de relance publique mises en place dans le cadre de la crise du Covid-19 ont accentué de façon dramatique le problème. Cette année, le déficit public aux États-Unis pourrait être proche de 20 % tandis que celui de la France se situerait autour de 10 %. Des niveaux qui n’ont pas été atteints depuis la Seconde Guerre mondiale.

"La masse de liquidité en circulation se concentre sur les entreprises qui offrent de la visibilité"

Quels sont vos choix d’investissement sur les marchés actions ?

Nous sommes de véritables stock-pickers. Notre sélection de titres repose sur une double approche : choisir une entreprise de qualité et s’assurer que sa valorisation soit attractive. Nous regardons notamment les avantages compétitifs de l’entreprise, sa structure financière, la qualité de son management ou encore le potentiel de croissance de son secteur d’activité.

À la sortie de l’été, le président de la Fed, Jerome Powell, a confirmé que les taux resteront proches de zéro pendant un certain temps, et ce même si l’inflation venait à dépasser 2%. Dans cet environnement de taux durablement bas, comment peut-on créer de la valeur sur les marchés obligataires ?

En tant qu’investisseur institutionnel, nos actifs sont constitués d’une part importante d’obligations. Il s’agit d’un véritable défi dans le contexte actuel. Les obligations d’entreprises constituent la majorité de notre portefeuille obligataire. Elles ont notamment le mérite d’offrir un surcroît de rémunération par rapport aux titres de dettes gouvernementales. Mais l’on se doit aussi d’être très sélectif pour éviter tout défaut. Nous essayons également de profiter des périodes de forte volatilité pour accélérer la mise en place de notre programme d’investissement, et ainsi capitaliser sur des taux d’intérêt plus élevés. En un mot : on essaye d’être opportuniste.

Propos recueillis par Aurélien Florin (@FlorinAurélien)

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