Tout juste arrivé à la tête de la direction financière du premier opérateur privé de philanthropie en France, Olivier Neumann dévoile ses ambitions et ses projets. Alors que la Fondation de France fête cette année ses cinquante ans, le nouveau DAF explique les spécificités de l’exercice de son métier dans un organisme à but non lucratif.

Décideurs. Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à rejoindre la Fondation de France ?

Olivier Neumann. Je suis expert-comptable. J’ai commencé à exercer en cabinet, puis au sein d’une entreprise de distribution, avant de rejoindre la Fédération française de tennis (FFT) qui portait les valeurs du sport de haut niveau que sont l’excellence,  la persévérance et le respect. En rejoignant la Fondation de France, je franchis une étape supplémentaire : être au service de l’intérêt général. Travailler dans ce cadre donne un sens à ma mission. Je contribue, à mon échelle, à apporter une pierre à un édifice commun porté par des valeurs notamment d’engagement, de proximité et d’exigence.

Quel est le périmètre de vos nouvelles fonctions ?

La direction financière est l’un des pivots du fonctionnement de la Fondation de France. Son objectif est d’accompagner les donateurs et les fondateurs dans la réalisation financière de leur envie d’agir au service de l’intérêt général. Elle est le passage obligé entre eux et les porteurs de projets sur le terrain. Côté organisation, la DAF regroupe, de manière assez classique, la comptabilité, le contrôle de gestion et la trésorerie. Pourtant, nous avons une spécificité puisque nous gérons directement les 857 fondations abritées qui ne disposent pas de la personnalité morale. Elles sont donc intégrées à la Fondation de France. À ce titre, elles nous confient leur patrimoine que nous nous employons à gérer au mieux, en essayant de le faire fructifier, tout en respectant des règles de prudence. Pour nous, ces 857 structures constituent des clients internes que nous conseillons et accompagnons et auxquels nous devons rendre des comptes. À cela s’ajoute une autre originalité dans notre organisation, celle de la gestion au sein de la DAF d’un large patrimoine immobilier composé de 1 300 biens très divers, allant de la parcelle de terrain en province à l’hôtel particulier parisien. Issus de donations ou de legs, ces biens doivent être entretenus et gérés selon la destination qui leur a été attribuée : la vente la conservation ou l’affectation à la charge définie (comme, par exemple, en faire un lieu d’accès à la culture).

« Toute l’équipe poursuit un but commun : mettre la finance au service de l’intérêt général »

Comment résumeriez-vous l’objectif de votre équipe ? Quelle est votre feuille de route ?

Notre ambition est d’être irréprochable dans l’exécution de notre mission. Nous sommes d’ailleurs extrêmement contrôlés à la fois par les commissaires aux comptes, la Cour des comptes, les inspecteurs généraux des finances mais aussi par des comités de bénévoles indépendants et experts dans leurs métiers et qualifiés en matière de gestion financière. Toute l’équipe, composée de quinze personnes pour la partie comptabilité et contrôle de gestion, de huit collaborateurs pour la gestion du patrimoine immobilier et de trois experts en trésorerie, poursuit un but commun : mettre la finance au service de l’intérêt général. Cela passe par l’optimisation des ressources et des dépenses et par une gestion assurant le développement et la pérennité de la Fondation de France. L’équipe doit également être force de propositions quant aux évolutions d’intervention dans le cadre de l’intérêt général. Par exemple, nous étudions des projets d’investissements à impact social. À plus court terme, la réforme de la comptabilité des associations et fondations applicable au 1er janvier 2020 s’annonce comme l’un des grands chantiers de mon début de prise de fonction.

Quelle place le digital tient-il dans votre métier ?

Elle est centrale puisqu’elle touche à la fois notre secteur d’activité et notre métier. Le monde de la philanthropie connaît des bouleversements. Le digital révolutionne les moyens de collecte des ressources : en plus des traditionnels legs et donations au formalisme strict nécessitant de recourir à un acte authentique, nous réfléchissons à l’ouverture de nouveaux modes de collecte des dons pour faire évoluer notre modèle et suivre les évolutions sociétales. Pour ce qui concerne la direction financière en particulier, les outils digitaux qui sont en train de se mettre en place doivent nous permettre d’alléger certaines tâches répétitives pour nous libérer du temps. Ce temps sera consacré au conseil et à l’accompagnement des donateurs, des fondateurs et des porteurs de projets.

« La direction financière sera-t-elle vraiment transformée dans dix ans ? Je n’en suis pas certain »

Existe-t-il des spécificités à exercer votre métier dans le cadre d’une fondation et donc dans le domaine de la philanthropie ?

Effectivement, le métier de DAF n’est pas le même dans une entreprise que dans une fondation. L’approche n’est pas la même, l’objectif n’est pas le même. Par exemple, lorsque nous cherchons à optimiser nos charges, en négociant avec les fournisseurs, le but est d’accroître les ressources disponibles aux profits de projets d’intérêt général que nous soutenons et non de verser plus de dividendes à des actionnaires. Ça donne du sens à notre travail. On ressent une responsabilité morale forte envers tous ceux qui nous font confiance. Comme nous n’avons pas d’actionnaires, la gouvernance est très différente de ce que l’on trouve en entreprise. Elle est bicéphale : composée à la fois de bénévoles qui fixent les orientations et de salariés permanents qui ont un rôle opérationnel. Par ailleurs, nous faisons appel à des experts bénévoles qui nous aident et nous conseillent dans la réalisation de notre mission. En tant que DAF, par exemple, je reporte à la fois au trésorier et à la directrice générale de la Fondation de France.

Comment imaginez-vous votre métier d’ici à dix ans ?

La direction financière sera-t-elle vraiment transformée ? Je n’en suis pas certain. Bien sûr, les outils vont évoluer mais les missions demeureront les mêmes. Nous sommes un « tiers de confiance », devant toutes les transformations de la société auxquelles nous assistons, nous devons rester ce « tiers de confiance ». C’est à nous d’incarner la stabilité. Pour cela, nous devons garantir l’exactitude des données, la sécurité et la traçabilité de l’information, ainsi que la transparence dans la gestion de la Fondation de France.

Propos recueillis par Sybille Vié

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