La recherche d’un traitement et d’un vaccin pour lutter contre le Covid-19 est l’une des priorités des gouvernements. En France, plusieurs entreprises travaillent d’arrache-pied. C’est le cas de la biotech Xenothera qui a ressorti de ses cartons un projet de médicament potentiellement efficace. Lancés en juin, les essais ont demandé une mobilisation inédite de la part des équipes, notamment afin d’assurer le financement.

Décideurs. En mars, vous expliquiez être capables de lancer dès juin des essais pour un traitement contre le Covid-19. Comment expliquer un timing si court ?

Odile Duvaux. En 2014, lorsque nous avons créé Xenothera, nous sommes partis sur un premier produit. Au fur et à mesure des développements, les anticorps sur lesquels nous travaillions se révélaient intéressants pour lutter contre les virus, comme Ebola. Et nous savions que les coronavirus étaient une cible intéressante puisqu’il s’agit de virus capables de toucher le monde entier. Nous avons alors noué un partenariat avec l’Institut Pasteur de Hongkong afin de développer le produit, mais qui n’est pas allé très loin car nous étions mobilisés sur un autre traitement pour les transplantations. Le projet a donc été mis dans un carton. En mars dernier, nous avions de bons arguments pour penser que les anticorps, et en l’occurrence notre traitement, pouvaient être utilisés contre le Covid-19. Ce que confirment les premières études.

Quels sont ces arguments ?

Depuis plusieurs semaines, la recherche progresse sur la compréhension de la maladie. Maintenant, nous savons qu’il peut y avoir une phase, que l’on appelle le « mauvais tournant » où les gens développent une pneumonie. Il est démontré que si l’on administre des anticorps à ce moment-là, la maladie ne s’aggrave pas. Le patient peut même en sortir dans un délai record. En parallèle, nous savons que nos anticorps ne font pas partie de ceux qui amplifient la maladie au lieu d’en protéger. L’Agence nationale de sécurité du médicament dont je tiens à saluer la réactivité, a validé notre approche en vue d’un accord pour un essai clinique directement sur des patients.

Le financement de votre projet de médicament contre le Covid-19 a été toute une aventure. Racontez-nous.

 J’ai estimé nos besoins pour développer un premier lot et faire des essais sur des patients à trois millions d’euros. J’ai envoyé une note sur le sujet au ministère de la Santé et communiqué dans la presse. À la suite de cela, nous avons eu un certain nombre de retours sur les réseaux sociaux de la part de personnes qui nous demandaient comment elles pouvaient nous aider financièrement. Nous avons mis en place, avec nos petites mains, une interface et reçu pour 100 000 euros de subventions en trois semaines. Cette générosité nous a touchés et nous a donné de la visibilité.

Puis la manne publique est intervenue…

Très vite, notre région Pays de la Loire s’est engagée à hauteur de 200 000 euros, suivie de Nantes Métropole pour un même montant. Le député de notre circonscription, François de Rugy, nous a par la suite soutenu et ouvert les portes à Paris. Par son biais, nous avons été orientés vers le French Tech Bridge de Bpifrance, qui a abondé sous forme d’obligations pour 2,3 millions d’euros. Parallèlement, nos actionnaires ont accepté d’anticiper une levée de fonds et l’accélérateur européen pour les PME nous a octroyé une subvention de 2 millions d’euros. Au total, nous disposons de 7 millions. Ce qui va nous permettre de mener plus d’essais sur davantage de malades ainsi que de développer d’autres produits extrêmement intéressants.

"Nous avions de bons arguments pour penser que les anticorps pouvaient être utilisés contre le Covid-19. Ce que confirment les premières études"

Développer votre candidat-médicament, XAV-19, vous fait-il prendre un risque entrepreneurial ?

Il a fallu quelques temps pour sécuriser le financement. En attendant, j’ai dû prendre des décisions à risque afin de respecter le timing ambitieux de premiers essais en juin, que j’avais annoncé. Il n’est toutefois pas question de mettre en danger l’entreprise en lui faisant faire un 180 degrés concentré uniquement sur le virus. Nous étions prêts à mettre notre technologie au service des patients, sans chercher à négocier des contrats favorables. En revanche, nous n’étions pas prêts à le faire au péril de Xenothera.

D’autres laboratoires ou biotech travaillent-ils sur un médicament de même nature que le vôtre ?

Dans la recherche d’un médicament contre une maladie, il existe trois vagues d’approches. D’abord, le repositionnement qui consiste à regarder si un traitement déjà existant peut être utilisé. Dans le cadre du Covid-19, il semble que cette piste s’épuise mais il ne s’agit pas de rentrer dans la polémique. Personne ne pouvait, il y a quelques semaines encore, affirmer quoi que ce soit sur cette maladie et chacun peut apporter sa pierre.

Ensuite, il y a la recherche d’un nouveau médicament ainsi que d’un vaccin, le premier étant plus rapide à développer que le second. La coexistence des deux est nécessaire pour contenir, voire éradiquer une maladie. Sur notre technologie, nous avons quelques concurrents dans le monde dont un aux États-Unis. Ce qui nous conforte dans l’intérêt thérapeutique des anticorps dans le traitement contre le nouveau coronavirus. Pour l’instant, nous sommes à un stade plus avancé mais l’entreprise américaine qui travaille sur le même sujet s’est vu octroyer 25 millions de dollars en deux semaines dès avril. Nous pensons toutefois que nous pouvons être l’un des premiers à développer un traitement efficace.

Propos recueillis par Olivia Vignaud

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