Le laboratoire américain Lawrence Livermore National Laboratory (LLNL) a annoncé le 17 août avoir battu le record de production d’énergie par fusion nucléaire. États, laboratoires et entreprises sont lancés dans ce qui s’apparente à une course au Graal énergétique. Décryptage.

Près de 200 lasers concentrés sur une cible "de la taille d’un plomb de chasse pour produire un point chaud du diamètre d’un cheveu, générant plus de 10 quadrillons de watts par la fusion, pendant 100 trillionièmes de secondes." Dit comme ça, la performance réalisée par les chercheurs américains peut laisser perplexe. Et pourtant, Kim Budil, directeur du LLNL l’assure, "ce résultat est une avancée historique sur la fusion par confinement inertiel". L’expérience est en effet parvenue à générer huit fois plus d’énergie que lors de la précédente au printemps et vingt-cinq fois plus qu’en 2018, se rapprochant ainsi du point d’ignition  ̶  le moment de bascule où l’énergie produite est supérieure à celle nécessaire pour produire la réaction.

Qu’est-ce que la fusion nucléaire ?

Contrairement au processus de fission à l’œuvre dans nos centrales nucléaires qui consiste à casser des noyaux atomiques lourds, la fusion marie deux noyaux atomiques légers (le deuterium et le tritium) pour en créer un lourd. Pour faire simple, cela revient à recréer le même processus à l’œuvre dans la combustion des étoiles. Avec à la clé : une capacité de production d’énergie plus de quatre fois supérieure à celle des réacteurs à fission et virtuellement illimitée ; une matière première abondante et peu chère ; pas de déchets ou d’émissions autres que de l’hélium qui peut par ailleurs avoir des applications intéressantes pour les secteurs industriel, scientifique ou médical ; et aucun risque de réactions en chaîne et donc de catastrophes du type Tchernobyl ou Hiroshima.
Bref, la promesse d’une source d’énergie sûre, abondante et durable.

"Imaginez que l'expérience soit concluante ! Nous aurons mis au point là une énergie non polluante, décarbonée, sûre et pratiquement sans déchets, qui permettra tout à la fois de répondre aux besoins de toutes les zones du globe, de relever le défi climatique et de préserver les ressources naturelles"
Emmanuel Macron, juillet 2020

Course à la fusion

Pas étonnant dès lors, au regard des enjeux, que de nombreux acteurs se lancent dans la course. Les États d’abord, chacun de leur côté mais aussi en mettant leurs ressources en commun à l’image du projet Iter en cours de construction à Cadarache, dans le Sud de la France où la Chine, l’Union européenne, les États-Unis, la Russie, la Corée du Sud et le Japon combinent leurs efforts. Cependant, pariant sur une mise sur le marché de la technologie à la moitié du siècle, ils sont aujourd’hui débordés par des start-up qui assurent pouvoir commercialiser des solutions dès 2030.

Gare aux marchands d’illusions

Suffisant pour nous sortir de l’ornière climatique ? Même dans les projections les plus optimistes, il est probable que la fusion nucléaire arriverait trop tard au vu de l’urgence climatique qu’a encore rappelé le Giec dans son dernier rapport. Comme le note Greg De Temmerman dans une tribune publiée sur le site The Conversation : "Si l’on regarde les taux de déploiement du photovoltaïque, de l'éolien, et du nucléaire, on constate que dans leur phase de croissance exponentielle le taux de croissance de la puissance installée était entre 20 % et 35 % par an. Si l’on suppose que la fusion parvient à suivre le même rythme, elle pourrait représenter 1 % de la demande énergétique mondiale (valeur 2019) vers 2090. Si l’on considère un réacteur dans les années 2030, ce seuil pourrait être atteint vers 2060 et la fusion pourrait jouer un rôle plus important dans la deuxième partie du siècle."

Une belle promesse plus qu’une solution miracle, donc.

Antoine Morlighem

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