La téléconsultation s’est révélée être une solution d’accès aux soins pendant le confinement. Jusque-là peu répandue, le recours à cette pratique s’est considérablement développé dès le début de l’épidémie. Depuis, la consultation en ligne semble s’inscrire dans le quotidien des Français. Olivier Thierry, PDG, et Alexandre Maisonneuve, co-fondateur et directeur médical de la start-up Qare détaillent leurs récentes évolutions.

Décideurs. Comment avez-vous vécu cette période exceptionnelle ? Quel impact cela a-t-il eu sur votre activité ? Avez-vous quelques chiffres à nous communiquer ? 

Olivier Thierry et Alexandre Maisonneuve. Avant la Covid-19, nous connaissions déjà une forte croissance autant en nombre de téléconsultations, que de professionnels de santé prêts à adopter notre solution. Mais l’accélération a été soudaine au milieu du mois de mars. En quelques jours, des milliers de demandes de ces professionnels ont afflué. Ainsi pour pratiquer avec notre solution de téléconsultation, le médecin doit s'acquitter d'un abonnement mensuel, que nous avons décidé de rendre gratuit pendant la période du confinement. Ce qui a impliqué de gros efforts de la part de nos équipes qui ont dû former les médecins sur notre solution en un court laps de temps. Désormais, nous réalisons plusieurs milliers de consultations à distance par jour. De fait, cela a eu un impact sur notre volume d'activités et sur l'adoption de cette pratique aussi bien par les médecins que par les patients.

La télémédecine a explosé pendant le confinement. Étiez-vous préparés à cet afflux ? Comment vous êtes-vous organisés ou réorganisés pour y répondre ? 

Nous n'étions pas préparés ! Ce soudain afflux de professionnels de santé qui nous ont contacté pour être sur Qare a été extrêmement difficile à gérer pour nos équipes commerciales, formation et opération. Elles ont dû réaliser un nombre d'heures de travail absolument incroyable. Rapidement , une partie des autres employés de la société, qui travaillent dans d'autres domaines à l'image du partenariat, marketing, produit ou encore les ressources humaines, ont dû être affectées en appui, pour faire face à ce que nous avons appelé "la vague".

La téléconsultation va-t-elle s'inscrire dans les habitudes des Français ? 

Pendant le confinement, un grand nombre de nos concitoyens ont testé le procédé et ils se sont rendu compte qu'il était réellement possible de consulter son médecin à distance à l'aide d'outils sécurisés permettant d'obtenir une ordonnance électronique. Par ailleurs, un service de support, disponible sept jours sur sept de sept heures du matin à vingt-trois heures, d’aide aux personnes qui rencontrent des difficultés à utiliser l'interface en ligne a été mis en place. Nous commençons déjà à voir de nombreux « aficionados », en particulier chez les personnes d'un certain âge. La téléconsultation, entrée dans les mœurs, devient une pratique quasi courante à la fois pour les médecins et pour les patients. Nous ne sommes donc plus dans une démarche d’explications, mais dans une approche de maturité d’où l’usage émerge après avoir passé l’étape de compréhension. La téléconsultation devient ainsi un élément du quotidien.

"La téléconsultation, entrée dans les mœurs, devient une pratique quasi courante à la fois pour les médecins et pour les patients"

Quels besoins aviez-vous envie de pallier en créant Qare ? Quels sont les bénéfices de votre plateforme de téléconsultation ? 

Qare a été créé à l'initiative d'un médecin urgentiste et d'un spécialiste en assistance médicale qui avaient pour ambition de faciliter l'accès aux soins aux patients et d’améliorer leur suivi par leur médecin, en particulier pour les maladies chroniques. C'est donc une réponse aux déserts médicaux, et à la difficulté d'avoir accès rapidement à un spécialiste pour lequel, en temps normal, il faut attendre des semaines avant d’obtenir un rendez-vous ou se rendre aux urgences et patienter des heures avant d'être pris en charge. Des situations très contraignantes. Pour consulter un dermatologue, par exemple, il faut prévoir entre un et trois mois de délai, or, grâce à Qare, il est possible d'être mis en relation avec un dermatologue dans la journée. Ensuite, le fait de pouvoir consulter son médecin sans avoir à se déplacer et sans attendre dans une salle d'attente limite les risques sanitaires. La téléconsultation a permis d’assurer une meilleure protection des patients et des médecins. Elle a fait partie des gestes barrières pendant le confinement. Cette pratique assure également la notion de prévention, peu valorisée dans le système sanitaire français, en matière d’alimentation, d'activité physique, de sommeil, de tabac, d’alcool ou encore de surpoids. C'est aussi une solution au temps médical qui régresse et à la répartition inhomogène de médecins sur le territoire.

"Cette solution, qui permet de mieux protéger patients et médecins, a fait partie des gestes barrières pendant le confinement"

Avec quels médecins est-il possible d'être mis en relation pour une consultation ?

Vous pouvez être mis en relation avec plus de quarante spécialités. Au premier rang desquels, des médecins généralistes bien sûr mais aussi des dermatologues, des pédiatres, des gynécologues, entre autres. Des professionnels de santé, qui ne sont pas forcément médecins, comme des sages-femmes, nutritionnistes et psychologues, nous ont rejoints. Toutes les spécialités médicales ne sont pas encore réunies mais, à terme, c’est ce vers quoi nous tendons. Nous proposons également un suivi en cardiologie, rhumatologie, endocrinologie et chirurgie où les praticiens consultent leurs patients en amont ou en aval des opérations.

Vous avez récemment fait l'acquisition de Doctopsy, plateforme en ligne spécialisée en santé mentale. Quels sont les objectifs de cette acquisition ? 

Nous mettons l'accent sur les téléconsultations de psychiatrie et de psychologues parce qu’elles nécessitent un suivi régulier et dans un domaine qui s’y prête particulièrement bien puisque qu'il n'y a pas besoin d’auscultation physique. C'est aussi un secteur pour lequel l'accès aux spécialistes en santé mentale est très difficile en province, puisque la majeure partie de ces professionnels sont concentrés en région parisienne. 

Quel est votre positionnement concurrentiel par rapport à Doctolib ?

Doctolib se positionne plus dans l’équipement des cabinets de médecins libéraux avec une solution d'agenda électronique et une brique de téléconsultation. Quant à nous, nous ne voyons pas la téléconsultation comme un équipement, mais comme une pratique, et nous voulons la promouvoir en nous assurant de la qualité aussi bien en amont, pendant et après y avoir eu recours. C’est notre spécialité depuis 2017 et notre cœur de métier, nous bénéficions donc d’un produit plus abouti avec des fonctionnalités plus riches et une capacité de téléconsulter d’où que l’on soit, ce qui n'est pas le cas de tous les produits existants. En outre, avec un ADN vraiment médical conforté par une direction médicale au sein de notre comité de direction. À cela s’ajoutent des partenariats avec un certain nombre de syndicats. C’est notamment le cas du syndicat Jeunes médecins ou du Snar (Syndicat national des anesthésistes-réanimateurs de France). Mais également avec des laboratoires pour faciliter le suivi des maladies longue durée. Enfin, nous fournissons des pharmacies avec des objets connectés pour permettre à leurs clients de réaliser une téléconsultation augmentée. Dans le même esprit, nous mettons à disposition des personnes âgées qui ne peuvent pas se déplacer des infirmiers, afin de les aider à réaliser une téléconsultation à domicile en leur fournissant les mêmes objets connectés. Notre stratégie se dirige donc vers l'accès aux soins pour ceux qui n'ont pas de médecin traitant ou ne trouvent pas de spécialistes. Un problème lié à la démographie, mais aussi à des problèmes réglementaires. Il y a ainsi un vrai défi sur lequel Doctolib ne se positionne pas et sur lequel nous avons déjà avancé. Par ailleurs, nous voulons continuer à moderniser le parcours de soins. C'est pourquoi nous élaborons une réflexion sur la gestion des données de santé avec le Health Data Hub, structure sous l'égide du gouvernement, en y contribuant dans une logique de santé publique.

Propos recueillis par Annaëlle Ntsame 

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