Nommée à la direction générale de l’Organisation mondiale du commerce, cette Nigériane déroule une grande partie de sa carrière à la Banque mondiale avant de gérer les finances de son pays d’origine. Retour sur le parcours d’une "brillante réformatrice" qui a brisé, à plusieurs reprises, le plafond de verre auquel les femmes se heurtent encore.

Ngozi Okonjo-Iweala prendra en mars la direction générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Une nomination qui ne doit rien au hasard. Grâce à un parcours solide, cette Nigériane d’origine réussit à briser le plafond de verre qui faisait que, jusque-là, aucune femme n’avait accédé à l’échelon le plus haut de l’institution. Elle est également la première personnalité africaine à endosser ce rôle. "Brillante réformatrice" pour certains, "emmerdeuse" pour les plus sexistes, Ngozi Okonjo-Iweala ne laisse personne indifférent. Mais c’est peut-être une autre femme de pouvoir, Christine Lagarde, présidente de la BCE, qui résume le mieux le personnage : "une femme merveilleuse qui privilégie une approche authentique des problèmes. Mais attention, sous son gant de velours, il y a une main de fer et une forte volonté."

Une jeunesse marquée par la guerre

Ces caractéristiques, la nouvelle directrice générale de l’OMC les doit notamment à son histoire. Fille de professeurs d’économie et de sociologie, elle naît en 1954 dans le petit royaume d’Ogwashi-Ukwu dirigé par son père. Le sang royal dont elle est issue ne l’empêche pas de subir la guerre du Biafra, qui éclate en 1967. "Ce qui m'a le plus affectée, c'est de voir tant d'enfants mourir du kwashiorkor", confie-t-elle. Durant ces années elle manquera de tout et devra même conduire, seule, sa petite sœur à l’hôpital du haut de ses 12 ans. Si son père lui apprend à se détacher du matériel, il la met aussi en garde contre la discrimination à laquelle elle pourrait faire face aux États-Unis. Car c’est au pays de l’oncle Sam que Ngozi Okonjo-Iweala étudie. Diplômée de Harvard et du MIT, elle déroule, dès 1982, la première partie de sa carrière à la Banque mondiale.

C’est "une femme merveilleuse qui privilégie une approche authentique des problèmes"

En 2003, elle devient ministre des Finances du Nigéria, poste qu’elle occupera trois ans. Durant cette période, elle réussit à faire reculer le taux d’inflation du pays de 23 % à 11 % et à multiplier par trois le PIB. Elle parvient même à effacer 18 milliards de dollars de dette sur les 30 milliards dus par le pays au Club de Paris. Le tout en lançant des privatisations d’entreprises industrielles ou encore en luttant contre la corruption, notamment dans le secteur pétrolier.

À la suite de cette expérience, elle est "reléguée" au poste de ministre des Affaires étrangères, fonction qu’elle quittera au bout deux mois. Elle revient à la Banque mondiale, cette fois en qualité de directrice générale. En 2012, elle fait campagne pour la présidence de l’institution mais la candidature de l'Américain Jim Yong Kim lui est préférée.

Lutte contre la corruption

Entre-temps, en 2011, un autre président nigérian, Goodluck Jonathan lui propose de reprendre en charge les Finances. Elle accepte et se lance à nouveau dans un grand ménage. Grâce à un système d’authentification biométrique pour la fonction publique, elle met à jour l’existence de milliers d’emplois fictifs pour lesquels le pays versait chaque mois un salaire. Afin de limiter les détournements de fonds et de libérer du budget notamment pour les infrastructures, elle réduit de moitié les subventions au carburant, entraînant un doublement des prix à la pompe. Sa mère est alors enlevée. Les ravisseurs qui exigeront la démission de la ministre ne l’obtiendront pas et l’otage regagnera sa liberté.

Par deux fois, elle fut ministre des Finances du Nigéria

Le parcours de Ngozi Okonjo-Iweala ne fait néanmoins pas l’unanimité. "Ministre, elle a peut-être adopté quelques réformes sur la transparence, mais près de 1 milliard de dollars disparaissaient chaque mois des caisses de l'État quand elle dirigeait les finances", explique Sarah Chayes, auteur d’un essai sur la corruption.

De nombreux défis à l’OMC

En revanche, difficile d’enlever à Ngozi Okonjo-Iweala sa volonté ou encore son sens des négociations, qualités indispensables pour relever les défis auxquels l’OMC fait face. Parmi eux : l’institution ne peut actuellement plus remplir l’une de ses fonctions principales, à savoir arbitrer les litiges commerciaux entre pays. À l’origine de ce blocage ? Les États-Unis qui s’opposent à la nomination de juges au sein de l’organe d’appel. Ngozi Okonjo-Iweala a pour elle de bien connaître le pays et d’avoir vu sa candidature soutenue par Joe Biden.

Autre challenge : gérer la crise actuelle et, pour cela, intervenir sur le volet sanitaire. "Une OMC forte est essentielle si nous voulons nous remettre pleinement et rapidement des ravages causés par la pandémie de Covid-19", explique-t-elle. Ngozi Okonjo-Iweala est, là aussi, au fait du sujet. En juillet dernier, elle devenait envoyée spéciale pour l’Union africaine avec comme feuille de route la mobilisation des soutiens internationaux pour prêter main forte aux pays africains. Et ces dossiers de taille font partie d’une liste plus longue encore. Le mandat, renouvelable, de Ngozi Okonjo-Iweala court jusqu’en 2025. Premier bilan dans quatre ans.

Olivia Vignaud

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