Nick Parsons, responsable de la recherche et de la politique ESG de ThomasLloyd, partage son point de vue sur l'investissement durable et à impact en Asie. Après avoir construit une carrière dans les marchés financiers, il a maintenant l'opportunité de faire la différence au sein de la société d'investissement d’actifs réels durables, en particulier les énergies renouvelables.

Décideurs. Quels sont les avantages d'investir dans les actifs réels ?

Nick Parsons. Il y a deux façons de voir les choses. La première est l’approche théorique : les actifs réels vous offrent des rendements ajustés au risque supérieurs, ne sont pas corrélés au cycle économique ou aux actifs financiers, et sont une source de diversification. Mais leur principal avantage est que vous fournissez de l'argent neuf, créez des emplois, changez les moyens de subsistance et transformez les communautés. Avec les actifs financiers, vous ne changez que la propriété du certificat d'action, passant du titulaire d'origine au nouvel acquéreur. Nous pensons que les actifs réels sont la voie à suivre car vous obtenez les avantages concrets de l'argent frais.

Pourquoi l'Asie est-elle le terreau idéal pour les investissements dans les infrastructures ?

L'Asie est une destination incontournable pour les investissements dans les infrastructures pour plusieurs raisons. La première consiste à examiner la croissance économique et démographique de la région. Au cours des vingt dernières années, la zone euro a augmenté son PIB de 30 %. Si vous élargissez cela au G7, c'est 35 % et 40 % pour les États-Unis. Au cours de la même période, l'Asie émergente et en développement a connu une croissance de 425 %.

"Ces vingt dernières années, le PIB de l'Asie émergente et en développement a connu une croissance de 425 %"

D'ici 2050, la population de l'Asie va augmenter de 650 millions de personnes. Il y a une croissance économique et démographique importante et une urbanisation grandissante, ce qui augmente la demande d'électricité et devient l'une des grandes tendances en Asie. Enfin, nous avons, et c’est primordial, le soutien des gouvernements qui reconnaissent la nécessité d'investir dans les infrastructures de production d'électricité.

Par ailleurs, l'Asie produit un peu plus de la moitié des émissions de CO2 dans le monde. Si nous voulons avoir une approche globale du changement climatique, elle doit forcément impliquer l'Asie. Nous avons développé un concept très simple : le coût carbone de la croissance, en divisant le PIB de chaque pays (en milliers de milliards de dollars, ou "part" de PIB) par les émissions de carbone de chaque pays (en millions de tonnes). Il révèle ainsi combien de carbone est émis pour chaque part de PIB. Pour les principales économies européennes, il est d'environ 170 millions de tonnes par part de PIB, tandis que la Chine et l'Inde produisent près de 900 millions de tonnes pour la même quantité de production économique. Par conséquent, si nous voulons traiter le problème des émissions de CO2, nous devons le traiter à la source et avoir une approche centrée principalement sur l'Asie.

Quelle est votre approche d'investissement socialement responsable pour accompagner la transition en Asie ?

Chez ThomasLloyd, nous sommes un investisseur d'impact engagé à investir de manière responsable. L'objectif principal de nos investissements dans les infrastructures est de créer une valeur durable pour les investisseurs et pour les habitants des communautés dans lesquelles nous opérons. Cela signifie construire des entreprises durables qui fournissent des emplois et une croissance économique à long terme. Nous sommes aux Philippines depuis plus de dix ans et nous sommes fiers des communautés que nous avons aidées, des partenariats que nous avons développés et de la transformation sociétale que nous avons contribué à amener. Notre approche de l'ISR est de travailler en partenariat avec les populations locales pour assurer la transformation sociale et la protection de l'environnement.

En quoi l'approche de ThomasLloyd en tant qu'investisseur d’impact est-elle unique ?

Pour être un investisseur d'impact, nous nous efforçons délibérément et intentionnellement de faire la différence. Ce n'est pas quelque chose de nouveau pour nous. ThomasLloyd a été et sera toujours un investisseur d'impact pur et nous nous efforçons de générer un impact positif, mesurable, social et environnemental, parallèlement à un rendement financier de marché. Nous sommes investisseurs, nous devons donc fournir un rendement aussi bien environnemental que financier. Nous avons tenu nos promesses et ce qui nous rend unique dans notre approche est notre bilan. Nous avons financé et construit la première centrale solaire à grande échelle en Asie du Sud-Est en 2014, lorsque cela paraissait impossible pour certains. Nous pouvons montrer nos réalisations, les fermes solaires et les centrales biomasse que nous avons construites et démontrer l'impact à travers nos rapports.

Comment l'ESG est-il intégré dans votre processus d'investissement ?

L'ESG est intégré tout au long de notre processus d'investissement. Lorsque nous examinons de nouvelles opportunités d'investissement, nous l’abordons à la fois dans une perspective descendante, "top-down", et ascendante ou "bottom-up". Nous examinons d'abord une multitude de facteurs macroéconomiques, politiques, sociaux et de gouvernance du point de vue du pays. À partir de l'analyse ascendante, nous examinons ensuite chaque entreprise potentielle et dans quelle mesure elle intègre l'ESG dans ses processus, pour voir au niveau micro si elle peut nous convenir à la fois financièrement et culturellement. Cette intersection est notre "sweet spot" où nous trouvons les bonnes entreprises dans les bons pays.

"L'impact est ce qui importe vraiment en fin de compte"

Nous adoptons une approche de gestion très active. Nous avons une représentation au conseil d'administration de chaque société investie. Cela garantit que nos standards deviennent le standard local, qui sont déjà très bons. L'ESG concerne les comportements tout au long du parcours. L'impact, les résultats à destination. Bien que les deux soient essentiels, l'impact est ce qui importe vraiment en fin de compte. C'est ce qui nous anime.

Comment évaluez-vous l'impact social et environnemental de vos projets ?

C'est avant tout avec une connaissance locale approfondie et les relations que nous développons avec nos partenaires et parties prenantes locaux. Nous engageons à chaque étape de notre processus d'investissement ces personnes et communautés locales. Nous examinons les recettes fiscales que nous payons et les projets financés au niveau local, par exemple au niveau du barangay si vous connaissez les Philippines. Un barangay où se trouve l'une de nos centrales solaires avait l'un des revenus moyens les plus bas de toute la province il y a dix ans. Aujourd'hui, c'est le deuxième plus élevé. Ceci est dû uniquement à la transformation de la friche en une entreprise qui paie ensuite des impôts. Les trésoriers locaux nous disent exactement comment l'argent est utilisé et qui sont les personnes qui en bénéficient.

Nous allons donc le mesurer nous-mêmes, prouver physiquement la transformation et en être responsable. En dix ans, l'île de Negros (Philippines), qui souffrait de coupures d'électricité, est devenue exportateur net d'électricité aux heures de pointe.

Vos projets actuels portent sur les énergies renouvelables. Y a-t-il d'autres secteurs dans lesquels vous aimeriez être actif ?

Nous ne sommes pas limités par cela. Les actifs potentiels en investissements d'infrastructure sont très variés : routes, voies ferrées, ponts, télécommunications, centres de données, écoles, hôpitaux. Il existe de nombreuses opportunités, mais nous devons nous assurer d'appliquer notre propre culture et nos propres valeurs, avec un ajustement clair et cohérent avec notre portefeuille. Les projets doivent également apporter une valeur ajoutée aux investisseurs ainsi qu'aux communautés et pays dans lesquels nous opérons. Il existe donc un potentiel de diversification, et nous avons la liberté de le faire, mais nous pensons que nous avons le plus grand impact immédiat grâce aux énergies renouvelables, car c'est là qu'il y a la plus forte demande. Si nous ne produisons pas d'électricité, nous ne pourrons pas répondre aux besoins de base d'une population et d'une économie en croissance.

Propos recueillis par Juliette Woods et Marc Munier

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