La crainte d’une victoire écologiste a conduit les candidats LREM et LR à nouer une alliance de dernière minute. La nouvelle liste pourrait tirer parti de la division de la gauche pour s’imposer.

Pour l’état major marcheur, la capitale alsacienne était une ville quasiment gagnée d’avance. Après tout, n’avait-elle pas plébiscitée Emmanuel Macron au second tour de la présidentielle de 2017 (81,24%), aux législatives, puis aux européennes (27,75% pour la liste Renaissance) ?

Le péril vert

Hélas, le scénario ne s’est pas passé comme prévu pour le candidat LREM Alain Fontanel. L’ancien membre du PS, premier adjoint du maire socialiste Roland Ries depuis 2014, n’a recueilli que 19,86% des suffrages. Talonné par la candidate PS et ancienne édile Catherine Trautmann (19,78%) ainsi que par le LR Jean-Philippe Vetter (18,27%) ; le favori termine loin derrière les écologistes menés par Jeanne Barseghian.

Car la surprise du premier tour réside bel et bien dans l’excellent résultat des Verts qui peuvent se targuer d’un score historique : 27,88%. Assez, sur le papier, pour se placer en position de force dans le cadre d’une quadrangulaire. Assez également pour nouer une alliance avec la liste socialiste pour une victoire quasi assurée.

Mais l’alliance n’est pas venue d’où on l’attendait. Le 2 juin, à quelques minutes du dépôt des listes du second tour, une annonce a pris les strasbourgeois par surprise : Jean-Philippe Vetter a annoncé la fusion de sa liste avec celle d’Alain Fontanel. Au marcheur la mairie, au leader de la droite strasbourgeoise la présidence de l’Eurométropole.

Mariage de raison ou opportunisme politique

Pour justifier ce revirement de dernière minute, le député LREM strasbourgeois Bruno Studer a évoqué "le vrai risque, identifié, de laisser la ville et la métropole à l’extrême gauche". Les nouveaux amis ont très rapidement évoqué un état d’urgence politique et économique et la volonté de "trouver des solutions concrètes et sans dogmatisme", pour reprendre les propos de Jean-Philippe Vetter qui réfute l’accusation de "politique politicienne".

"Le vrai risque est de laisser la ville et la métropole à l'extrême gauche"

Évidemment, Jeanne Barseghian et Catherine Trautmann, qui voient leurs chances de victoire se réduire comme peau de chagrin, ne sont pas sur la même longueur d’onde. La candidate en tête au premier tour fustige "un mariage de complaisance qui incarne tout ce que la politique fabrique de pire" et "une alliance dans l’immobilisme et le conservatisme". La socialiste Christine Trautmann, pour sa part, se fend d’une pensée pour "tous les colistiers virés de la liste Fontanel qui doivent ressentir une certaine humiliation". C’est notamment le cas d’Alain Beretz, président de l’université de Strasbourg exfiltré pour laisser sa place à l’ancienne tête de liste LR.

Un saut dans l’inconnu

Reste une question primordiale : cette alliance inattendue sera-elle payante dans les urnes ? Les électeurs centre-gauche d’Alain Fontanel accepteront-ils de voter pour des anciens militants et élus du RPR et de l’UMP ? Les électeurs de droite craindront-ils le péril vert au point de voter pour un candidat appartenant à la majorité socialiste sortante ? Pour le moment aucun sondage n’apporte de réponse.

La victoire de la liste LREM-LR semble toutefois probable face à une gauche divisée. Un scénario qui pourrait se répéter à Bordeaux, à Lyon ou encore Clermont-Ferrand. De quoi permettre à la majorité de conquérir plusieurs grandes villes au forceps. Tout en risquant de placer définitivement LREM au centre-droit de la scène politique…

Lucas Jakubowicz

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