L’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), mise en cause dans l’affaire du Mediator lorsqu’elle était encore l’Afssaps, est renvoyée devant le tribunal correctionnel. Elle sera jugée en tant que personne morale.

C’est un nouveau rebondissement dans l’affaire de santé publique qui a mis en cause les laboratoires Servier et révélé la passivité de l’ANSM. Suivant l’ordonnance rendue le 30 août dernier par les juges d’instruction du pôle santé publique de Paris, l’autorité sanitaire sera jugée au pénal pour « blessures et homicides involontaires ». Si la poursuite du deuxième groupe pharmaceutique français n’est quant à elle pas une surprise, le renvoi du régulateur en correctionnelle marque la volonté de la justice de déterminer son niveau de responsabilité dans ce dossier.

Mise en cause tardive

Tout commence il y a plus de quarante ans lorsqu'en 1976 l'Afssaps – devenue ANSM à la suite du scandale – autorise la mise sur le marché du Mediator, médicament antidiabétique. Dès la fin des années 1990, des effets secondaires graves sont observés. Le régulateur n’agira qu’en 2009 pour interdire sa vente. En 2010, alors que des victimes du Mediator déposent leurs premières plaintes, les autorités enquêtent d’abord sur les laboratoires Servier, qui commercialisent alors le médicament. Deux ans plus tard, l’ANSM est mise en cause et fait l’objet d’une perquisition. Cette mesure fait écho à un rapport du Parlement publié en 2011 et destiné à réformer le contrôle des médicaments : il préconise davantage de transparence sur les relations entre les professionnels de la santé et les laboratoires.

Tandis que le retrait du Mediator sur les marchés suisse, espagnol et italien intervient entre 1998 et 2003, l’ANSM recommande seulement en 2007 de ne pas prescrire le médicament comme... coupe-faim. L’agence nationale reste passive alors même que la pneumologue Irène Frachon l’avertit publiquement des risques de maladies cardiaques causés par la consommation du Mediator. La vente n’est interdite qu’en 2009.

En 2013, l'Agence du médicament est mise en examen. Pour expliquer le délai entre les faits et la mise en cause de la responsabilité du régulateur en charge de la commercialisation des médicaments en France, Emmanuelle Robinson, magistrat instructeur dans ce dossier, estime « qu'un pan entier du dossier a été écarté par l'information judiciaire de toute investigation : celui menant à la clarification du rôle de l'agence du médicament, de ses hauts dirigeants et par suite, de leurs responsabilités respectives ». La juge rappelle que les griefs reprochés aux laboratoires Servier sont différents de ceux retenus contre l’ANSM. Les nombreuses nullités relatives aux actes d'enquête, aux mises en examen ou aux demandes d'audition soulevées pendant l’instruction ont en effet plusieurs fois repoussé la condamnation du régulateur.

Jugée en tant que personne morale

Au total, quatorze personnes physiques et onze autres, cette fois morales, seront jugées, dont l’ANSM. Concrètement, il lui est reproché de ne pas avoir informé suffisamment les utilisateurs des effets du médicament et de ne pas avoir pris de mesure adéquate face à la gravité de la situation.

L’avocat d’une des parties civiles, Charles Joseph-Oudin, a récemment déclaré au Figaro que malgré l’indemnisation des laboratoires Servier « les victimes, les personnes malades et les proches de personnes décédées sont dans l’attente d’un procès pénal ». Il permettra en effet d’identifier clairement la responsabilité de l’ANSM dans l’affaire et peut-être de sanctionner sa passivité. Entre le début de sa commercialisation et son retrait du marché, plus de trente millions de personnes ont consommé le médicament et le nombre de décès recensés oscille entre 1 500 et 2 100. Le procès, dont la date exacte est encore inconnue, est donc très attendu.

Marine Calvo

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