L’impôt sur la fortune immobilière (IFI) s’est appliqué pour la première fois en 2018. Certaines questions demeuraient en suspens. Mathieu le Tacon, avocat associé, et Léa Zerilli, avocate, chez Delsol Avocats reviennent sur ces différentes zones d’ombre.

Décideurs. Quelles stratégies les entrepreneurs peuvent-ils mettre en œuvre pour s’assurer de l’exonération de leurs biens immobiliers affectés à leur activité professionnelle ?

Mathieu Le Tacon. Auparavant, avec l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), la seule façon de bénéficier d’une exonération à raison de l’immobilier affecté à l’exploitation était que celui-ci soit considéré comme un « outil professionnel ». Aujourd’hui, les mécanismes permettant de bénéficier d’une exonération d’IFI sont plus ouverts. Désormais, un immeuble affecté à une activité professionnelle, quelles que soient ses modalités de détention et quel que soit le rôle du redevable dans la société, est en principe en dehors du champ de l’IFI. Bien évidemment, il existe des conditions d’application et il convient d’être particulièrement attentif aux schémas de détention des actifs immobiliers affectés à une activité professionnelle, raison pour laquelle il importe d’analyser avec minutie les organigrammes des groupes et des sociétés de nos clients.

Pour quelles raisons ces vérifications sont-elles nécessaires ?

L’exonération d’IFI concernant l’immobilier affecté à une activité professionnelle va dépendre en grande partie (au-delà de l’activité exercée) de la façon dont l’immeuble est détenu. Prenons par exemple le cas de figure d’un chef d’entreprise détenant une holding animatrice qui possède elle-même une chaîne de participations qui permet, in fine, au dirigeant de contrôler son groupe. La holding détient 30 % d’une société foncière tandis que les 70 % restants sont détenus directement par le chef d’entreprise. L’articulation des textes ne permettra de bénéficier d’une exonération d’IFI que sur la quote-part immobilière détenue à travers la holding animatrice. Dans un tel cas, il convient de restructurer la détention de façon à ce que la société foncière puisse par exemple être intégralement détenue en direct par la holding animatrice du chef d’entreprise, à moins que ce dernier ne puisse bénéficier du régime d’exonération spécifique de « l’outil professionnel ».

Pour bénéficier d’une exonération totale d’IFI sur les actifs immobiliers affectés à une activité professionnelle, il est en effet possible de revendiquer le statut « d’outil professionnel » sous réserve de respecter l’ensemble des conditions suivantes : que la société exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, que le redevable exerce une fonction de direction dans la société, à titre principal, qu’il soit normalement rémunéré et que cette rémunération représente au moins 50 % de ses revenus professionnels et, enfin, qu’il détienne une participation d’au moins 25 % des droits de vote à moins que cette participation excède 50 % de la valeur brute de son patrimoine. 

Cette exonération n’est cependant plus possible s’il y a plusieurs niveaux d’interposition entre le contribuable et la société opérationnelle. Cela écarte donc les chaînes de participation trop importantes.

« Les signataires d’un Pacte Dutreil ISF avant 2018 continuent d’être soumis à un engagement individuel » 

Quelles sont les conséquences de la suppression de l’impôt sur la fortune pour les pactes Dutreil ISF ? Les signataires sont-ils encore soumis à leur engagement ?

Les redevables qui ont conclu un Pacte Dutreil ISF en 2017 ont bénéficié d’une exonération de 75 % de la valeur des titres de leurs sociétés opérationnelles. Cette exonération est subordonnée à une conservation des titres pendant 6 six ans. Et ce n’est pas parce que l’ISF a disparu que les signataires peuvent échapper à leurs obligations de conservation des titres en cours. À ce stade, Ils continuent donc d’être soumis à un engagement individuel. En revanche, les obligations déclaratives en la matière ont été récemment allégées et seuls les évènements marquants, à savoir : passage en engagement individuel ou expiration de ce dernier doivent désormais être portés à la connaissance de l’Administration fiscale.

Au lancement de l’IFI, les professionnels avaient anticipé des restructurations de certains patrimoines immobiliers pour optimiser leur IFI. Qu’en est-il exactement ?

Nous avons en effet assisté à de telles restructurations.

Par exemple, des sociétés qui n’étaient pas assujetties à l’impôt sur les sociétés (IS) ont pu décider d’opter pour cet impôt avec pour objectif d’optimiser le plafonnement de l’IFI. Lorsqu’une société qui n’a pas opté pour l’IS détient des actifs immobiliers, le contribuable est en effet imposé directement sur ses revenus immobiliers (à l’impôt sur le revenu), ce qui ne lui permet généralement pas d’optimiser son plafonnement IFI. Avec une société soumise à l’IS il suffira au contribuable de ne pas se verser de dividendes pour pouvoir réduire ses revenus imposables et par conséquent plafonner plus facilement le montant de son IFI.

L’autre exemple a pu concerner la vente d’un portefeuille d’actifs immobiliers à soi-même. Ainsi, un redevable de l’IFI détient des immeubles depuis plus de trente ans sur lesquels il n’y a pas de plus-value taxable, il concrétise la vente de ses immeubles à une société (généralement à l’IS) qu’il a lui-même constituée. La société va alors s’endetter auprès d’une banque et ou par le biais d’un crédit-vendeur. Cette stratégie permet d’optimiser l’utilisation du plafonnement de l’IFI et, le cas échéant, de transmettre son patrimoine tout en bénéficiant de liquidités non taxées. Sans elle, le redevable continuerait à percevoir des loyers sur lesquels il serait lourdement imposé à l’impôt sur le revenu et sans possibilité d’anticiper sa succession. Désormais, il perçoit une créance non taxable qu’il va pouvoir se faire rembourser au fil de l’eau par la société.

« Les dettes des sociétés pour lesquelles il n’y a pas d’échéance de remboursement doivent être retraitées sur le plan fiscal, au mieux sur vingt ans »

Les non-résidents doivent-ils prendre des mesures particulières pour limiter l’impact de l’IFI ?

La situation des non-résidents est devenue moins favorable à l’occasion du passage à l’IFI puisque, contrairement à la situation qui prévalait en matière d’ISF, il ne suffit plus, pour échapper à l’impôt, que leur société ne soit pas majoritairement composée d’actifs immobiliers français.

Les non-résidents doivent donc avant tout s’assurer de la bonne structuration de la dette dans leur société, notamment lorsque celle-ci détient des actifs immobiliers français et étrangers. Dans ce cas, il est préférable que la dette soit bien localisée sur l’actif français, à défaut la déductibilité de la dette se calculera au prorata de la valeur des biens français et étrangers.

Qu’en est-il de la déductibilité du compte courant détenu par un redevable de l’IFI dans sa société foncière ?

L’année dernière, de nombreux contribuables avaient considéré que les comptes courants détenus dans leurs sociétés foncières étaient déductibles car constitués antérieurement à la mise en place de l’IFI donc non dans un objectif principalement fiscal. Or, désormais, les dettes des sociétés pour lesquelles il n’y a pas d’échéance de remboursement doivent être retraitées sur le plan fiscal, au mieux sur vingt ans. En conséquence, un compte courant détenu depuis très longtemps ne sera pas entièrement déductible. La base imposable à l’IFI 2019 pourra donc dans certains cas être plus importante.

Propos receuillis par Aurélien Florin

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