La députée européenne Renew revient sur les chantiers de la Commission von der Leyen. Elle se réjouit également du rôle de la France qui fait office de moteur de la construction européenne.

Décideurs. Avez-vous l’impression que la France devient de plus en plus en plus influente dans l’Union européenne ?

Marie-Pierre Vedrenne. Plus qu’une impression c’est une réalité. Les choses ont commencé à changer en 2017 avec Emmanuel Macron qui a été élu sur un projet pro-européen. Cette vision aussi clairement assumée est nouvelle pour un président de la République. Cela a désinhibé certains pays, tout en permettant à la France d’être une force motrice dans la construction européenne. Il s’agit d’une rupture par rapport aux années précédentes où notre pays était plus attentiste et effacé. Comme la nature a horreur du vide, d’autres ont pris le leadership.

Aujourd’hui, la France est présente en force à tous les niveaux et l’implication de l’exécutif a permis au pays d’avoir plusieurs « top jobs » importants : Christine Lagarde est à la tête de la BCE, Thierry Breton aux commandes d’un super commissariat, Michel Barnier reste le négociateur en chef du Brexit.

Soulignons également qu’Ursula von der Leyen doit en partie sa nomination au soutien d’Emmanuel Macron, tandis que Charles Michels, qui est politiquement proche de lui, s’apprête à succéder à Donald Tusk à la tête du Conseil européen. Au Parlement européen, Renew, qui comporte de nombreux eurodéputés français, est une force incontournable présente dans toutes les commissions. D’autres groupes comptent également des compatriotes très expérimentés. La France est revenue au centre de l’UE.

La commission Juncker s’apprête à laisser la place. Quel regard portez-vous sur le travail accompli ?

Elle se présentait comme la "commission de la dernière chance" et a enregistré de nombreuses avancées. Désormais, il faudra aller encore plus loin sur bien des sujets comme l’environnement, le social, le numérique… Renew soutient la future Commission qui se veut ambitieuse, par exemple avec le green new deal, la transformation de la Banque européenne d’investissement (BEI) en banque du climat ou encore, la création de géants du numérique ou d’une véritable industrie de défense. Nous sommes satisfaits de voir Margrethe Vestager poursuivre son travail de commissaire en faveur de la transmission numérique. Notre groupe se réjouit également des ambitions en matière d’Europe sociale et du choix de Nicolas Schmit qui se propose de légiférer pour mieux protéger les travailleurs des plateformes.

La commission juridique du Parlement européen a invalidé trois candidatures de commissaires. Certains estiment qu’elle devient un véritable organe de contrôle au service de la démocratie, d’autres qu’elle permet aux partis politiques de régler leurs comptes. Quelle est votre vision des choses ?

Le Parlement européen est un organe de contrôle des responsables politiques, ce qui est normal puisqu’il est élu. La commission juridique est dans son rôle lorsqu’elle examine en profondeur le parcours des commissaires afin de vérifier qu’il n’y a pas de conflits d’intérêts.

"L'audition de Sylvie Goulard était un véritable traquenard" 

Hélas, cet organe peut aussi servir à faire ce que j’appelle de la politique de bas étage. Une fois leurs commissaires auditionnés, le PPE et le PSE ont recalé la candidature de Sylvie Goulard. Comme si le PPE voulait venger Manfred Weber, leur Spitzenkandidat qui, finalement, ne présidera pas la Commission. Personne n’est sorti grandi de cette séquence…

Pour éviter le risque de règlements de compte, la meilleure solution serait de mettre en place une haute autorité indépendante des rapports de force politiques. La grande majorité des partis y est favorable.

Vous affirmez donc que Sylvie Goulard a été victime d’un règlement de compte ?

Oui. Sur le fond, elle a fait ses preuves et était compétente. Mais son audition devant les commissions marché intérieur (IMCO) et industrie et recherche (ITRE) s’est apparentée à un véritable traquenard. Je peux le confirmer, j’y étais présente. Traditionnellement, la séance s’ouvre par des questions techniques. Mais dans le cas de Sylvie Goulard, c’est François-Xavier Bellamy qui a pris la parole en premier pour tenter de la déstabiliser. L’aspect politique a pris le pas sur les questions de compétences pour le poste.

Propos recueillis par Lucas Jakubowicz

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