Figure incontestée du barreau français, Marie-Aimée de Dampierre est à la tête d’une équipe de cent cinquante avocats parisiens réunis sous la bannière Hogan Lovells. Avocate au sourire inébranlable, elle ne doit rien à la chance : parfait modèle de méritocratie, elle rassure autant qu’elle guide.

Le monde des avocats d’affaires n’est pas une sinécure. Professionnels libéraux aux expertises de plus en plus pointues, ils font face à une exigence accrue de leurs clients et une concurrence exacerbée. Originairement chasse gardée des hommes, le métier de robe s’est féminisé depuis bien longtemps, mais parfois aux forceps. L’avocat 2016 est une avocate qui joue des coudes pour faire sa place. Chez Hogan Lovells, toutefois, Marie-Aimée de Dampierre impose un style différent.

 

Comme un album des Pink Floyd

« Après ma mère, c’est la personne la plus gentille que je connaisse », confie Sharon Lewis, son associée et amie depuis dix-sept ans. Elle fait l’effet d’un album des Pink Floyd?: l’écouter est source de sérénité immédiate. C’est certainement la raison pour laquelle elle a été choisie par ses associés en 2010 pour codiriger le cabinet Hogan Lovells lors de la fusion transatlantique entre les deux entités Hogan & Hartson et Lovells. À l’époque, le haut management prévoit une direction bicéphale, James Vaudoyer pour Hogan et Marie-Aimée de Dampierre pour Lovells. « Je voulais qu’on parie sur elle parce que c’était la personne idoine dans un contexte de fusion?», explique Robert Follie. L’ancien dirigeant lui lègue les rênes de l’équipe?: «?Elle a le tempérament adapté pour gérer les personnalités dans un contexte de fusion.?» En effet, la firme sait que l’opération ne se fera pas avec l’aval de l’ensemble du partnership. Certains ne croiront pas dans le projet, d’autres n’auront pas la patience d’attendre que la greffe prenne. Robert Follie part d’ailleurs fonder le bureau parisien d’Holman Fenwick. La jeune associée assure alors la gestion du cabinet avec un binôme qu’elle connaît mal, prouvant ainsi sa capacité à rassembler, à rassurer aussi. «?J’ai toujours été convaincue de l’intérêt de cette fusion?», explique-t-elle.

 

Elle fait l’effet d’un album des Pink Floyd?: l’écouter est source de sérénité immédiate.

 

L’histoire lui donne raison puisque la nouvelle structure affiche un chiffre d’affaires stable les deux premières années malgré les nombreux départs d’associés. «?C’est maintenant de l’histoire ancienne?!?», évacue Marie-Aimée de Dampierre. Une bonne chose de faite pour le cabinet, une vraie réussite pour elle. D’autant plus que, depuis 2012, elle est la seule et unique associée dirigeante à Paris et, depuis mai, elle siège au board mondial de la firme aux trois mille lawyers. Hogan Lovells est un des douze premiers cabinets d’avocats au monde et le bureau français se classe 21e dans le Décideurs 100.

 

Une marque  à elle toute seule

L’avocate a bien choisi sa spécialité, le droit des marques, car elle en est une à elle toute seule?! La «?griffe?» Marie-Aimée de Dampierre c’est un management du consensus, de la positivité et de l’écoute. Des qualités fréquemment mises à l’épreuve, et particulièrement lors du décès d’un collaborateur, Valentin Ribet, mort à l’âge de 26 ans au Bataclan. Un moment terrible. L’associée dirigeante fait alors le tour des bureaux, parle et incite à parler. Une démarche naturelle et facile pour celle qui, au cabinet, connaît tout le monde. Plus tard, en parcourant les couloirs et le bout de trottoir qui sépare le vaisseau amiral rue de Matignon des autres locaux avenue des Champs-Élysées dans lesquels se situe son bureau, elle croise des avocats, collaborateurs et associés, et a un mot pour chacun. Elle fait les présentations sans cacher une certaine fierté. Incontestablement proche des gens, elle agit pour le bien commun et prend le temps de se consacrer aux autres. Ancienne avocate chez Hogan Lovells, Marie-Charlotte Diriart voit arriver son managing partner à son pot de départ. Cinq minutes qui la touchent. «?Et lorsque j’ai tenté de la joindre dans son bureau sans succès, elle a vu mon appel en absence et m’a rappelée?», se souvient l’avocate. Marie-Aimée de Dampierre n’est pas du genre à cumuler les notifications sur son téléphone.

 

Impossible pourtant, dans un partnership aussi large – 34 associés à Paris –, de ne pas être confrontée aux mésententes, mécontentements et autres conflits d’intérêts personnels. «?Selon les décisions, je prends des avis », indique-t-elle simplement, comme pour évacuer un problème qui n’en serait pas un. «?Je n’ai jamais vu quelqu’un contester une de ses décisions?», confirme Sharon Lewis pour qui c’est une évidence?: Marie-Aimée entraîne l’adhésion.

 

«?Soit le P-DG, soit la secrétaire?»

Une qualité qui peut parfois se transformer en défaut, lorsque certains sont tentés d’en abuser. «?Dans ce cas je la défends?!?», réagit son amie. S’en aperçoit-elle?? Pas sûr. «?Elle voit toujours le verre à moitié plein, explique Robert Follie. Elle est extrêmement positive et diffuse cette positivité.?»

 

Marie-Aimée de Dampierre n’est pas du genre à cumuler les notifications sur son téléphone.

 

Un trait de caractère qui se retrouve dans les dossiers. «?La propriété intellectuelle est remplie de sagas?!?», se réjouit l’avocate qui a prêté serment en 1991, à l’âge de 23 ans. Avec pour seule référence familiale un grand-oncle avocat, elle se plonge dans une matière qui, elle en est convaincue, lui permettra de travailler chez Chanel ou Dior. Mais à l’époque, la propriété intellectuelle n’a pas encore toute l’importance qu’elle revêt aujourd’hui et ses interlocuteurs sont «?soit le P-DG, soit la secrétaire?», explique-t-elle. Refusant de choisir l’un comme l’autre, elle devient avocate et débute chez Novamark, un des plus grands cabinets de conseil en propriété industrielle, puis rejoint Duclot Thornes Mollet Vieville pour faire du contentieux. Contactée par un chasseur de têtes, elle quitte la structure en 1999 et entre chez Hogan Lovells, pourvue de la Fiat 500 offerte par son mari pour lui faciliter la vie entre ses rendez-vous, ses audiences et ses contraintes personnelles.

 

Hyper-performance

Depuis, elle ne regrette pas son choix?: «?C’est un magnifique cabinet, je n’ai jamais ressenti le besoin d’aller ailleurs?», résume-t-elle. Elle commence par y construire la pratique PI à Paris avec l’appui de Londres et cultive «?l’hyper-performance?» aux côtés de Robert Follie, qui dirige alors l’équipe parisienne. L’avocate se confronte aux préjugés liés à la matière dans laquelle elle exerce. Passionnée par la mode et le stylisme, elle dénote par ses toilettes de couturier face à des consœurs aux tenues austères. Passionnée, elle conserve sa propre nature et se fait une place aux côtés de grands noms du luxe français comme Estée Lauder. Lesley A. Moradian, vice president et senior trademark counsel de la maison, devient sa cliente et son amie.

 

Un des dossiers les plus marquants de sa carrière?? Les dix ans de combat judiciaire pour protéger la marque d’origine belge Spa du risque de dégénérescence en raison de la multiplication des produits tentant d’utiliser la dénomination. «?Nous sommes parvenus à obtenir la protection de Spa en France pour les cosmétiques et les eaux, se réjouit l’associée. C’est ce que j’aime dans ce métier, défendre une marque, et donc son histoire?», poursuit-elle.

 

Culture d’entreprise

Aujourd’hui à la tête d’une équipe d’une trentaine d’avocats spécialistes de l’IP à Paris, Marie-Aimée de Dampierre n’a pas vraiment eu à lutter pour que les femmes trouvent leur place au cabinet. La diversité est dans la culture de ce dernier. «?Lorsque je suis arrivée chez Hogan Lovells, le managing partner monde était une mère de quatre enfants, se souvient-elle. Les femmes?représentent d’ailleurs un tiers du partnership?», précise celle qui garantit aux avocates un aménagement de la vie professionnelle pour maintenir un rythme confortable dans le privé. Ce qu’elle n’a pas vraiment réussi à faire pour elle-même. «?Je ne sais pas de quelle manière elle a géré ses trois grossesses. Elle n’a jamais évoqué de difficultés personnelles dans le cadre professionnel, alors qu’elle en a forcément eu?», déclare Robert Follie.

 

Une chose est certaine?: Marie-Aimée de Dampierre doit beaucoup à son mari, dont elle parle fréquemment. Lui-même est avocat, mais si son épouse a choisi un des plus gros cabinets de Paris, il exerce en solo. «?Henri intervient souvent en Turquie, un pays envoûtant?», explique-t-elle pour décrire leur passion commune pour les voyages.?Avec lui, elle partage aussi l’amour du terroir. Héritiers d’une grande famille de la noblesse française, tous deux sont propriétaires d’un domaine en Charente où ils cultivent la vigne dont ils tirent du cognac et du vin. Avec une qualité indéniable chez cette femme de goût?: la patience. Et pour l’illustrer, elle revient sans cesse à son métier et à son équipe. «?Il faut prendre le temps d’écouter et de comprendre lorsque la personne en vaut la peine.?» Une devise dont Robert Follie a pu constater la portée sur le terrain avec un avocat du cabinet dont l’accompagnement a demandé beaucoup de temps, pour finalement se révéler une véritable réussite. «?Je veux toujours être à l’écoute », confie Marie-Aimée de Dampierre. Alors, on lui parle, à elle qui, en évitant les questions superficielles, gagne la confiance des autres. «?J’avais déjà l’impression de bien connaître mes associés. En devenant managing partner, j’ai appris à les apprécier encore mieux. Notre partnership est riche de personnalités très intéressantes?», se réjouit-elle.

 

Tout cela a un but?: la culture d’entreprise. Pour celle qui ne cache rien à personne, l’important est d’être un guide pour ceux qui l’entourent?: «?On est soi mais on est aussi l’image du cabinet?», rappelle-t-elle. Ce à quoi elle s’attache au quotidien. En parfait modèle de méritocratie.

 

Pascale D’Amore

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