Le dynamisme économique est de mise au pays du Soleil-Levant. Pourtant certains doutes subsistent quant à l’avenir du Japon, notamment face au renforcement du yen et à la complexité du marché du travail. Point avec Kwok Chern-Yeh, responsable des investissements chez Aberdeen Standard Investment.

Depuis maintenant six ans au poste de premier ministre, Shinzō Abe mène une politique de relance économique qui semble porter ses fruits. « En apportant de la stabilité, il est une réelle bouffée d’air frais », affirme Kwok Chern-Yeh. Les célèbres Abenomics, colonne vertébrale de cette stratégie ont permis huit trimestres de croissance économique consécutifs dont 1,7 % sur l’année 2017. Le produit intérieur brut du pays s'est renforcé (en hausse de 1,8 %) et le fléau de la déflation à l’air de se tarir. L’économie japonaise « se porte globalement bien ». Un contexte qui permet alors au « marché de se tourner vers l’avenir et non pas vers le passé » et qui se répercute en Bourse puisque le Topix était en hausse de 2 % au mois de mars.

Le rôle prépondérant des entreprises

D’après le responsable, les entreprises nippones mènent la danse, dans la mesure où elles « ont fait plus en faveur de l’économie que la politique de Shinzō Abe ». Elles « profitent de ce contexte favorable » : le baromètre de confiance des grandes entreprises manufacturières était à son plus haut niveau au dernier trimestre 2017, une performance record depuis 2006. Leurs exportations se portent bien et les bénéfices dégagés relèvent de l’exploit. Preuve du dynamisme de la demande économique à travers le monde, ce résultat est, entre autres, dû aux bonnes performances des entreprises industrielles japonaises. Kwok Chern-Yeh plébiscite une stratégie consistant à « se concentrer sur les activités les plus rentables », expliquant alors « la bonne santé » des entreprises de l’Oyashima. Les investisseurs sont de retour : les flux sur les fonds actions japonaises ont atteint, fin mars, leur plus haut niveau depuis quatre ans, d’après l’institut d’analyses financières Informa PLC.

Un succès mitigé

Pourtant, la remontée du yen pourrait couper le souffle à la dynamique japonaise. Les experts sont inquiets du renforcement de la monnaie nationale, engagé après l’annonce du départ du chef de la diplomatie de Donald Trump, Rex Tillerson, en mars 2018, faisant ainsi dégringoler le cours du Nikkei 225. Mais plus inquiétant encore, « le modèle traditionnel de l’organisation du travail au Japon, difficile à changer, va être frappé de plein fouet par ce renforcement », prévient Kwok Chern-Yeh. Globalement, le marché du travail est au mieux de sa forme grâce, notamment, à la baisse du taux d’imposition des entreprises qui a permis d’augmenter les salaires et d’investir davantage. Toutefois, « d’un point de vue économique, le marché du travail est un problème car il engendre beaucoup de dépenses sociales », déplore le spécialiste d’Aberdeen Standard Investment. L’accroissement des dépenses sociales explose avec le vieillissement accéléré de la population. De plus, même si le Japon est connu pour son taux de chômage extrêmement faible, le nombre de postes en temps partiel ne cesse d’augmenter depuis 1989. En cause, les seniors à la retraite souvent contraints de travailler à temps partiel afin de compléter une maigre retraite. Par constraste, les sociétés souffrent de la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, d’après la Banque du Japon (BoJ).

Banque du Japon : wait and see

Malgré quelques embuches, le gouvernement garde le cap donné par Shinzō Abe, et tout le monde se mobilise afin de poursuivre le redressement économique amorcé en 2012. « J’accorderai davantage de crédit à la Banque du Japon », déclare même Kwok Chern-Yeh. Le gouverneur de la BoJ, Haruhiko Kuroda, assurait à Reuters, qu’il continuera à mener une politique monétaire « ultra-accommodante » pour « atteindre [son objectif] avec certitude et sur la durée ». Politique qui profite d’ailleurs à Aberdeen Standard Investment puisque son fonds Japanese Equity Fund surperforme son indice, bien qu’il ait adopté un comportement similaire. Composé à 41 % de grandes capitalisations, le fonds créé en 2010 a réalisé une performance annualisée de 9,42 % sur cinq ans et de 8,53 % en 2017.

Morgane Al Mardini 

 

 

 

 

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