Combien étions-nous à parier sur l’exode des Parisiens à la campagne en 2020 et sur la chute du prix au mètre carré dans la capitale ? Et combien étions-nous à penser que la crise sonnerait la fin des grands bureaux à la Défense ? Un an plus tard, dresser un bilan de l’impact de la pandémie sur le secteur de l’immobilier paraît un peu hâtif tant ce marché est fluctuant. À mesure que nous traversons la crise, les dynamiques du secteur évoluent en fonction de facteurs exogènes et endogènes rendant l’appréciation difficile. Si quelques premières tendances se dessinent, on ne peut prédire avec assurance ce que sera le marché immobilier de demain. Décryptage d'Annamaria Brogna et Olaf Déchin, notaires associés au sein de Lexfair Notaires.

Un marché complexe  à appréhender mais résilient

Face à un avenir incertain, particuliers et professionnels ont naturellement préféré renoncer aux transactions immobilières à l’annonce du premier confinement. En mettant en pause l’activité économique, la crise sanitaire a largement impacté le marché immobilier. Si l’Île-de-France a vu le nombre de ses ventes de logements anciens chuter de 12 %, cette baisse reste anecdotique : globalement, sur toute l’année 2020, le marché immobilier français enregistre seulement une baisse de 4  % sur le volume de ses ventes. En revanche, et plus étonnamment, le constat est différent en matière de prix. La tendance est à la hausse pour l’année 2020 sur l’ensemble du territoire avec une augmentation des prix de 5,6 % sur le marché des appartements et de 6,3 % pour les maisons. Dans la majorité des villes moyennes ou grandes agglomérations, on observe ainsi une hausse des prix au quatrième trimestre  2020. À titre d’exemple, Saint-Étienne enregistre une hausse de 14 %. Le marché immobilier de bureaux a quant à lui subi de plein fouet la crise sanitaire en enregistrant notamment le troisième trimestre le plus mauvais de ces vingt  dernières années. Pour autant, il ne s’est pas complètement effondré, preuve qu’il est construit sur des paramètres solides. Le constat n’est pas surprenant : la mise en place quasi systématique du télétravail en mars 2020 dans toutes les entreprises explique bien entendu en partie cette chute du marché immobilier de bureaux. Pourtant, les bureaux n’ont pas dit leur dernier mot. Aujourd’hui, salariés et employeurs mesurent combien ces lieux fédèrent les équipes et donnent l’esprit de l’entreprise. La crise sanitaire a transformé notre rapport au travail ouvrant le champ à des modèles d’organisation hybrides. Le marché immobilier de bureaux va donc devoir se réinventer pour répondre aux nouveaux usages. La pandémie rebat les cartes tout en prouvant la résilience du marché immobilier. Généralement, la crise semble avoir pour première conséquence un rééquilibrage territorial avec une capitale qui enregistre une petite diminution du nombre de ventes, mais des régions qui attirent de nouveaux acquéreurs et voient leur prix augmenter. L’année 2020 semble avoir renforcé des tendances déjà à l’œuvre.

La pandémie renforce les tendances

Les Français continuent de croire dans la pierre comme valeur sûre. Pour preuve, on observe un taux d’endettement en croissance, et même si quelques réticences subsistent de la part des banques, officiellement il y a une plus grande souplesse pour l’accès au crédit. L’Observatoire du Crédit Logement CSA note par exemple une stabilisation à la baisse des taux d’intérêt, les rendant ainsi plus attractifs pour les ménages, même les plus modestes. Si la crise sanitaire a eu un impact structurel sur le marché, celle-ci a également modifié les modes de vie et les attentes des Français. Alors que sonnait le premier confinement, le logement est peu à peu devenu la priorité des Français. D’une part, la demande a évolué en termes de biens, ainsi et alors que les aménités urbaines ont été plus que réduites, le cœur de ville ne présentait plus tant d’attrait. La campagne et les villes de taille moyenne, quant à elles retrouvaient leurs lettres de noblesse et ont séduit bon nombre de citadins désireux d’un cadre de vie différent. Au-delà des maisons et appartements avec extérieurs qui ont connu un regain d’intérêt, les Français se sont tournés vers des villes de taille moyenne. Ces mouvements, déjà perceptibles auparavant, viennent rééquilibrer le marché sur l’ensemble du territoire. Il ne s’agit pas d’un renversement de marché mais d’un déplacement vers un immobilier plus proche de la nature, accessible et connecté. Il faut donc nuancer ces mouvements, qui restent à la marge et cet "exode des citadins" constitue encore un fait anecdotique.

"Le marché immobilier de bureaux a subi de plein fouet la crise sanitaire  en enregistrant le troisième trimestre le plus mauvais de ces vingt dernières années"

D’autre part, le rapport des particuliers et professionnels à l’acte d’achat, et donc à leur notaire, a également évolué. Les acquéreurs y sont de plus en plus attentifs. Dans ce cadre économique encore incertain, les particuliers ont une approche plus réfléchie et fonctionnent moins au "coup de cœur", préférant prendre le temps de la réflexion. Les investisseurs professionnels sont aussi plus exigeants et veillent à identifier toutes les potentielles failles qui pourraient leur échapper dans l’acquisition de biens immobiliers. Ils attendent des garanties et se positionnent dans une optique de rentabilité avec la volonté d’un produit optimisé, capable d’être remis sur le marché quelques années plus tard. 

Anticiper, préparer, relancer

Dans ce contexte particulièrement mouvant, la demande de sécurité et de garantie des clients, acheteurs comme vendeurs, devient encore plus forte. Alors que leur exigence de rapidité, de réactivité ne faiblit pas. Anticiper, préparer des dossiers dont la technicité grandit, tenir à jour une documentation complexe devient une priorité. Nous devons, en tant que notaires, plus que jamais être à l’écoute de nos clients pour être des partenaires business de long terme ; mais aussi être en mesure de les interpeller sur la nécessité d’un suivi régulier. Au-delà de l’accompagnement au moment de la transaction, nous devons être à même d’apporter le conseil nécessaire pour gérer au mieux la complexité de ce marché et ses évolutions multiples. Les évolutions du marché et les changements de modes de vie sont difficiles à appréhender, beaucoup de facteurs restent inconnus à ce jour. Cependant, la résilience du secteur prouve que nous pouvons envisager une reprise du marché dans les mois à venir. L’immobilier reste une valeur refuge très plébiscitée, tant par les particuliers que les investisseurs, et l’expérience passée nous prouve que l’immobilier en France dispose de nombreux atouts pour faire face aux crises. À nous tous, acteurs de l’immobilier de bien nous y préparer. 

Annamaria Brogna et Olaf Déchin, notaires associés, Lexfair Notaires 

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