"Vous acceptez la carte ?" Chez certains petits commerçants, la réponse négative fait fuir de précieux clients. Dirigée par Marc Le Mouel et ses vingt-cinq années d'expérience dans la monétique, la start-up Smile&Pay propose un terminal de paiement simple et sécurisé aux professionnels libéraux, autoentrepreneurs et artisans. À la clé, un développement d’affaires décisif pour ces micro entreprises.

Décideurs. Pouvez-vous nous décrire le problème auquel votre jeune société souhaite apporter une réponse ?

Marc Le Mouel. En France, la culture du paiement par carte bancaire est très ancrée dans les mentalités et les usages. Il existe soixante-dix millions de cartes bleues en circulation dans notre pays. Sans compter les achats en ligne, plus de neuf milliards de transactions sont effectuées chaque année via cet objet de notre quotidien. La diffusion de ce moyen de paiement depuis les années 1980 est un véritable succès. Mature, ce système demeure dynamique comme l’a prouvé l’apparition du paiement sans contact il y a trois ans. Malgré tout, entre huit cent mille et un million de professionnels continuent de refuser les règlements par carte. Les artisans, les petits commerçants, les professions libérales, les associations, les taxis ou encore les organisateurs de festivals ou d’expositions événementielles : tous risquent de perdre des ventes en n’acceptant pas la carte bleue. Demander à un client d’aller trouver un distributeur pour tirer de l’argent liquide est le meilleur moyen de le perdre. Cela l’incitera à aller chez la concurrence ou à oublier son intention d’achat. Il existe aussi un problème de sécurité avec l’encaissement de faux chèques et une contrainte de temps supplémentaire pour ces professionnels lorsqu’il faut aller déposer les espèces et chèques reçus à la banque.

Quel est le modèle économique des établissements bancaires classiques en matière de terminal de paiement ?

L’offre monétique des banques ne correspond pas aux PME, associations et autoentrepreneurs que nous voulons séduire. Même si le taux de leurs commissions sont compétitifs (entre 0,5 % et 1,8 % selon le rapport de force avec le client), cette offre repose sur des effets de volume. La location du lecteur de cartes, pouvant atteindre 40 euros par mois, augmente la facture, et ce, durant une période d’engagement de 36 à 48 mois. Par ailleurs, les abonnements 3G spécifiques à la monétique corsent encore plus l’addition. Ces frais fixes et ces engagements sur la durée peuvent effrayer les sociétés aux finances fragiles.

« Demander à un client d’aller trouver un distributeur pour tirer de l’argent liquide est le meilleur moyen de le perdre »

Comment l’offre de Smile & Pay se différencie de ces stratégies traditionnelles ?

Tout notre processus de souscription est digitalisé, ce qui nous rapproche des fintechs. À n’importe quelle heure du jour et de la nuit, il est possible de choisir le produit de son choix sur notre site internet. Cela n’est pas neutre pour les petites sociétés dont les horaires de travail se superposent aux horaires d’ouverture des agences bancaires. Concernant notre modèle économique, nous proposons d’abord un équipement d’encaissement à la vente. Pour un investissement de 79€, une somme qui n’est pas neutre mais qui reste acceptable, nous livrons un lecteur de cartes en 48 heures. Il n’y a ensuite aucun frais fixes d’opérations prélevés. Le pourcentage de nos commissions est prélevé sur le flux d’opérations réalisées. Si un commerçant n’a pas d’activité durant une certaine période, nous ne nous rémunérerons pas. Dans le cas où il a une activité, il nous règle une commission. Celle-ci est dégressive en fonction du volume d’affaires généré dans le mois. Si les montants encaissés via le terminal sont inférieurs à 2 000 euros, le taux de la commission est de 2%, puis il diminue jusqu’à atteindre 1,2 % pour 10 000 euros d’encaissements. Sans engagement et sans obligation d’utilisation, l’offre laisse toute leur liberté à nos clients.

Quelles sont les caractéristiques décisives de votre produit ?

Smile & Pay a développé une solution d’encaissement par carte accessible à tous. Le terminal Pocket Smile tient dans la poche et est relié à un smartphone grâce à une connexion Bluetooth. Les tickets d’encaissement ne sont pas imprimés comme à l’ordinaire mais envoyés par email ou sms. Le paiement sans contact est possible pour toutes les cartes Visa, Mastercard et CB. Le lecteur accepte aussi les règlements via Apple Pay. Une application de back office permet ensuite de suivre et piloter le compte. L’administrateur peut notamment gérer les statuts et résultats d’utilisateurs variés. Nous permettons ainsi à nos clients de passer de l’âge du papier et de la piécette à celui du digital.

Quels profils composent votre équipe aujourd’hui ?

Nous sommes aujourd’hui une quinzaine de personnes à travailler au sein de Smile & Pay. Cette équipe, compte tenu de sa taille, ne connaît pas de distinction entre les commerciaux et les responsables de la relation client. Cette assimilation permet d’accompagner les leads de l’avant-vente à la vente, puis de les accompagner lorsqu’ils connaissent des difficultés. Les sources d’insatisfactions sont ainsi vite repérées et nous pouvons faire évoluer nos promesses en conséquence. Installés dans les Côtes d’Armor, plusieurs développeurs assurent l’amélioration constante de nos solutions digitales. Notre activité hardware nous pousse, par ailleurs, à avoir quelques personnes dédiées à la logistique. Enfin, l’administratif et le contrôle est assurée par quelques « improductifs » dont je fais partie !

« Notre poste prioritaire de dépense concerne la conformité et le contrôle interne »

Les grands comptes déjà équipés avec des solutions traditionnelles peuvent-ils être intéressés ?

Certains acteurs traditionnels peuvent montrer des signes d’intérêts pour notre solution à l’instar des sociétés ayant un problème culturel avec la banque ou de celles ayant un besoin ponctuel sur un événement mobile. Les sociétés ayant souscrit un compte auprès d’une néobanque ne disposant pas de solutions de monétiques se tourneront aussi vers nous. Toutefois, notre objectif n’est pas d’aller concurrencer cette clientèle équipée depuis des années. Les commissions du système bancaire traditionnel sont souvent moins importantes pour ces entreprises et les coûts fixes ne les effraient pas.

Vous venez de lever 2,5 millions d’euros auprès de Truffle Capital, comment allez-vous dépenser cet argent ?

Notre poste prioritaire de dépense concerne la conformité et le contrôle interne. Toutes les activités liées au secteur bancaire sont extrêmement régulées, et cela est bien normal. Toutefois, le respect des différentes obligations concernant l’identification des clients ainsi que la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme requièrent un investissement déterminant pour des acteurs de notre taille. Faciliter la vie de nos clients n’est pas synonyme de laisser-aller. D’autre part, ces fonds vont aussi servir à recruter des développeurs et à renforcer notre développement commercial afin d’être plus visible en France.

 

Propos recueillis par Thomas Bastin (@ThBastin)

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