En matière de haute joaillerie, Manuel Mallen n’est pas précisément ce qu’on pourrait appeler un nouveau venu. Vingt-cinq années passées chez Richemont suivies d’un passage par Poiray lui en ont donné du secteur l’expertise mais aussi la vision. Alors, lorsqu’il y a un an, il décide de créer Courbet, une marque à l’activité reposant uniquement sur du diamant de laboratoire et de l’or recyclé, forcément, cela bouscule l’univers de la Place Vendôme et ouvre des perspectives. Rencontre.

Décideurs. Vous venez de créer Courbet, une marque au positionnement totalement inédit sur le marché de la joaillerie. Racontez-nous…

Manuel Mallen. Toute notre spécificité tient au fait que nos créations sont exclusivement réalisées en diamants de laboratoire et or recyclé, ce qui fait de nous la première marque de joaillerie écologique de la Place Vendôme. Et, bien sûr, nos écrins sont en cuir recyclé. Nous avons voulu pousser la logique éthique aussi loin que possible sans porter atteinte à l’argument prioritaire qui reste celui de l’esthétique. Notre pari est qu’il est possible de satisfaire les deux exigences dans une même offre, c’est pourquoi je revendique l’origine de nos pierres : jamais il n’y aura de diamants de mine chez nous. C’est la promesse sur laquelle Courbet est née.

Quelle différence existe-t-il entre un diamant de laboratoire et un diamant de mine ?

En ce qui concerne la qualité et l’esthétique, elle est indétectable. Les diamants de laboratoire sont des diamants, pas des imitations et tous sont fournis avec certificat. La différence se situe au niveau de l’empreinte écologique : pour trouver un carat de diamant – une pierre de 0,2 gramme – il faut détruire entre 250 et 350 tonnes de minerai dans des mines à ciel ouvert… Un diamant est environ 15 000 fois moins polluant à fabriquer qu’à extraire. Cela fait du diamant de laboratoire une alternative d’autant plus stratégique que, à terme, les ressources naturelles sont appelées à s’épuiser alors que la demande ne cesse d’augmenter.

D’où vous est venue l’idée d’avoir recours à ce type de pierres ?

Cela fait soixante-dix ans qu’on sait fabriquer du diamant pour un usage industriel et sept ou huit ans pour l’univers de la joaillerie. Chez Poiray, un de mes fournisseurs m’avait parlé de cette nouvelle génération de diamants et de leur grande qualité. Cela m’a donné l’envie d’explorer cette piste et lorsque j’ai quitté Poiray, en 2017, j’ai décidé de passer à l’acte en créant une marque dédiée. Mon associée – la designer suédoise Marie-Ann Wachtmeister – et moi-même avons alors fait le tour des investisseurs en expliquant notre ambition : être la Tesla de la joaillerie et donner du sens à la valeur créée. Nous avons ainsi levé près de 4 millions d’euros auprès d’une dizaine de business angels et d’une  grande marque du marché.

Pourquoi vous être installés Place Vendôme ?

Parce que tant qu’à bouger les lignes, autant le faire au cœur du système, dans un emplacement hautement symbolique. Notre objectif n’est pas de stigmatiser les diamants de mine mais d’offrir une alternative positive à ces pierres. Je ne voyais aucune raison de ne pas le faire Place Vendôme, aux mêmes conditions et avec la même créativité que les grands joailliers.

Pourquoi avoir choisi le nom de Courbet ?

En écho à notre positionnement. Je voulais que cela sonne Place Vendôme tout en ayant une connotation disruptive. Or Courbet est non seulement l’artiste qui a peint « L’Origine du monde »  mais c’est également lui qui, en 1871, en tant que communard, a fait démonter la colonne Vendôme parce qu’elle évoquait les guerres napoléoniennes à deux pas de la rue de la Paix ! C’est quelqu’un qui a fait bouger les choses pour de bonnes raisons.

À qui s’adresse votre offre en priorité ?

Sans aucun doute aux millénials qui ont été élevés avec une conscience écologique et dont le pouvoir d’achat est généralement inférieur à celui de la génération précédente. Or si, bruts, les diamants de laboratoire et les diamants de mine valent le même prix, le fait de fonctionner en circuits courts, avec un nombre d’intermédiaires deux fois moins important que les joailliers classiques, nous permet d’afficher des prix de vente 30 % inférieurs.

Propos recueillis par Caroline Castets

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