Malgré sa défaite, Donald Trump s’emploie à alimenter les divisions au sein de l’opinion. Une stratégie qui, pour le président sortant, viserait avant tout à préparer la suite.

Après des jours d’un suspense inédit entretenu par le dépouillement de millions de votes par correspondance arrivés sur le tard et par les déclarations d’un président sortant qui, à mesure que l’avance de son adversaire se confirmait, criait à la fraude et promettait de porter l’affaire jusqu’à la Cour suprême, la victoire de Joe Biden est entérinée. Pour autant, difficile, pour le camp démocrate de verser dans le triomphalisme tant celle-ci semble avoir été obtenue à l’arrachée. Très loin de la vague bleue annoncée, elle se sera, dans certains États, jouée à quelques voix, donnant à Donald Trump les coudées franches pour, dès l’annonce des premiers résultats, dénoncer une "élection truquée" et, plusieurs jours après son annonce officielle, persister à nier la victoire démocrate en répétant sa détermination à multiplier les recours pour que "justice soit faite".

Gesticulations

Une posture qui, pour le président de l’Ifri Thierry de Montbrial, dépasse de beaucoup celle du mauvais perdant pour s’inscrire dans une stratégie de long terme. "Le trumpisme a prouvé avec cette élection qu’il était une force très réelle et capable de résister ; une force qui pesait dans le paysage politique américain, explique-t-il. Tout le calcul de Donald Trump aujourd’hui consiste à préserver ce capital pour préparer la suite."

"Le trumpisme est une force très réelle et capable de résister. Tout le calcul de Donald Trump consiste à préserver ce capital pour préparer la suite"

Une suite qui, quoi qu’en laissent à penser les gesticulations habilement mises en scène par l’intéressé, aurait moins pour objectif d’arracher la victoire à son rival que d’entretenir cette image qui, il y a quatre ans, le faisait élire : celle d’un électron libre impossible à intimider, antisystème et fort en gueule.

Portes de sortie

Raison pour laquelle, après avoir dûment bombé le torse et tapé du poing sur la table, inondant les réseaux sociaux de #stopthesteal (arrêtez la fraude) destinés à décrédibiliser Joe Biden, dénonçant à cor et à cri les résultats annoncés de l’élection comme étant une «honte » pour la nation et promettant de multiplier les attaques en justice jusqu’à la restitution de "sa" victoire, il y a fort à parier que Donald Trump cherche à se frayer un chemin vers la sortie. Une "pirouette" qui, résume Thierry de Montbrial, lui permette de garder la tête haute sans risquer de se saborder politiquement. "La législation américaine autorise les actions en justice telles que celles déjà entreprises par Trump dans plusieurs États jusqu’au 8 décembre, après, c’est à la Cour suprême de trancher ; Donald Trump le sait parfaitement, tout comme il sait que la possibilité de voir cette dernière invalider l’élection de Joe Biden est infime, explique-t-il. Viendra donc un moment où il estimera avoir intérêt à reconnaître sa défaite tout en se répétant victime d’une injustice."

Un avenir politique

De quoi éviter une condamnation unanime de son propre camp en livrant trop longtemps une bataille perdue d’avance tout en conservant son image de combativité et de détermination. Objectif : se ménager la possibilité d’un avenir politique. "Aujourd’hui ce que cherche Donald Trump, c’est le meilleur moyen d’exister politiquement", analyse le président de l’Ifri. "S’il veut préserver cette possibilité et, contrairement à la tradition chez les présidents sortants, ne pas disparaître de la sphère publique, il sait qu’il ne peut jouer trop longtemps le rôle du mauvais perdant. Viendra un moment où il lui faudra sortir de la contestation pour avoir une chance de conserver une position active dans la vie politique américaine et, peut-être même, se représenter dans quatre ans." Un scénario inédit dans l’histoire américaine mais que les résultats de l’élection et la résistance de son parti pourraient accréditer.

Caroline Castets

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