Vice-président exécutif en charge de la fonction finance chez Faurecia depuis 2013, Michel Favre cumule dix-huit années d’expérience en qualité de directeur financier de groupes cotés, Altadis, Casino et Rexel. Ce diplômé d’HEC, qui a commencé sa carrière dans la banque, nous fait part de ses missions chez l’équipementier automobile et évoque les évolutions de son métier qu’il a pu observer.

Décideurs. Pouvez-vous nous présenter la DAF de Faurecia ?

Michel Favre. On y retrouve toutes les fonctions régaliennes, y compris de communication financière, de financement et de fiscalité, auxquelles s’ajoutent l’immobilier, l’assurance, le back-office, que l’on appelle global business services, ainsi que l’audit – ce qui n’est pas toujours le cas, mais nous considérons que le directeur financier est membre de la direction générale. Tout cela comprend la gestion d’un réseau d’environ 2 500 personnes au sein de Faurecia qui compte 110 000 collaborateurs. Avec le rachat récent de Clarion, nous sommes près de 3 000 personnes et représentons donc moins de 3 % des effectifs du groupe.

Quels chantiers avez-vous menés depuis votre prise de poste ?

Le premier dossier a été le contrôle interne, que nous avons créé au sein du groupe. Les internal control basics définissent les critères et les procédures d’audit de toutes les usines, y compris dans la prévention de fraude ou de corruption. Le réseau, qui compte une vingtaine de personnes, bénéficie de 1,5 à 2 millions d’euros par an et a permis d’améliorer nettement les notations. On nous dit, qu’il s’agisse des auditeurs ou des consultants, que nous sommes à un très bon niveau par rapport à nos pairs. Preuve en est de l’absence d’incident majeur ces trois dernières années. Nous avons également procédé à la refonte de l’informatique, un vrai projet d’entreprise puisque nous avons aujourd’hui 98 % des mêmes systèmes partout, ce qui est rare.

Le deuxième dossier a été de restaurer la santé bilancielle, qui implique l’amélioration de la culture financière. Faurecia était un groupe orienté rentabilité, à laquelle il a fallu ajouter la notion de génération de cash. Dans notre business, comme les projets sont très coûteux en matière de développement et d’investissement, il est nécessaire que les collaborateurs prennent la mesure des engagements de trésorerie par rapport à un pay-back espéré. Nous avons par ailleurs travaillé sur les conditions pour les fournisseurs et les clients, la réduction des stocks et la récupération de TVA, de façon à sécuriser une génération de cash significative et aux normes de la profession. D’un chiffre négatif, nous sommes passés à 500 millions d’euros de génération de cash régulière sur le groupe.

"le risque client va réapparaître"

Comment avez-vous amélioré la culture financière ?

L’amélioration de la culture financière s’est faite par des programmes de formation et de communication en ligne, des outils et une modification du reporting en intégrant toutes les données de trésorerie. Pour continuer à améliorer la génération de cash et la transformation de résultat en cash, nous avons lancé un grand projet en 2018. Celui-ci, différent du premier, s’attaque à des choses comme le make-or-buy ou le reverse factoring. Ce dernier permet de négocier des conditions préférentielles de cinq à dix jours en s’engageant formellement, dès l’approbation de la facture, à la payer à l’échéance au fournisseur, qui peut ainsi la mobiliser auprès des banques. Ce n’est pas possible en France, mais nous travaillons avec Crédit agricole en Europe et avec Citi aux États-Unis. Nous veillons également à la résorption des retards de paiement client dus à des défauts dans la gestion des procédures. Dans l’automobile, chaque client ayant ses propres procédures, il faut parfaitement connaître tous leurs jalons et documentations pour être payés au moment voulu.

Quels sont les prochains enjeux des directions financières ?

La fonction financière doit se préoccuper davantage des flux internationaux. Nous sommes dans un monde largement libéralisé et par peur de la globalisation, les droits de douane réapparaissent. Ces derniers vont fatalement obliger à faire des choix d’implantation différents de ce qui a été fait jusqu’à présent. Au-delà du conflit sino-américain, les relations entre l’Europe et les États-Unis, et demain le Brexit, auront des conséquences sur les flux. Une sortie sans accord impliquera des droits de douane de 10 % pour importer sur le continent. Nous ne sommes pas dans cette situation chez Faurecia car nous ne produisons quasiment rien outre-Manche. Néanmoins, l’exportation depuis l’Europe vers les États-Unis est une réalité et il faut localiser davantage en Amérique du Nord. Par ailleurs, l’inflation dans des pays réputés à bas coûts comme la République tchèque, la Slovaquie, et, dans une moindre mesure, la Pologne est importante. J’espère qu’avec l’automatisation il sera possible de rapatrier industriellement un certain nombre de productions.

Considéré de manière un peu lointaine par des directions financières, le risque client va réapparaître. Dans l’automobile, lorsque nous travaillons avec des start-up, notamment dans l’électrique, nous essayons de nous faire payer comptant car nous savons que toutes ne vont pas réussir, sans savoir lesquelles. La fonction financière est immuable. Elle valorise l’entreprise et, à travers les reportings, met l’accent sur un certain nombre de points. Le rôle de la fonction financière est de définir ce qui est important ou pas. Un refocus sur le risque client est aujourd’hui clé pour beaucoup d’entreprises.

Vous avez rejoint Faurecia en 2013, au moment où le groupe rencontrait de sérieuses difficultés financières. Comment avez-vous contribué au redressement de l’entreprise ?

D’abord par la discipline, à la fois dans la sélection des business, l’exécution des plans d’action et la gestion des moyens. Concrètement, être sélectif signifie de ne pas prendre de business à faible marge ou compliqués. Nous avons ainsi mis en place le squeeze, qui consiste à s’assurer que les productivités accordées aux clients sont assises sur une capacité réelle en interne. Nous avons également procédé à des restructurations industrielles, se traduisant, malheureusement, par la fermeture d’usines, la massification d’autres et la standardisation. Nous avons ainsi vendu une de nos quatre activités, la plus faible pour ce qui est de la rentabilité et de la taille, de près de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires à Plastic Omnium. Enfin, les sujets transversaux, comme l’uniformisation des outils informatiques, permettent d’agréger les processus et de réduire les coûts. En cinq ans, nous avons vu notre rentabilité croître de 3 à 7 %. Dans certaines régions, nous avons encore des décalages par rapport au benchmark et leur redressement contribuera à nouveau à l’amélioration de notre rentabilité.

Propos recueillis par Anne-Gabrielle Mangeret

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