À la tête de Creative Value, société indépendante d'executive search, Michel David opère exclusivement auprès de fonds de Private Equity à position majoritaire pour le recrutement de managers. Ce passionné de boxe anglaise applique à ses missions les mêmes valeurs et revendique une approche atypique de son métier. Rencontre.

Décideurs. Quelle est votre marque de fabrique ?

Michel David. Ne pas dupliquer ce que font les autres mais m’évertuer à rester un électron aussi libre qu’efficace. Dès la création de Creative Value, j’ai souhaité me distinguer de l’approche traditionnelle des cabinets de chasseurs de têtes. Je me considère comme un conseil à part, pour des dirigeants à part, ceux de LBO. Mon champ d’intervention est très clair, et ce, depuis quinze ans : je suis un pure player dans le domaine des LBO et j’interviens uniquement auprès de fonds d’investissement majoritaires sur tous les segments, du small au large-cap. Je mets en place au sein de leurs participations des managers de haut niveau, CEO mais aussi parfois CFO ou board members.

Il s’agit d’un marché très étroit et les besoins sur ces positions sont rares chaque année. Forcément, cela entraîne une image très fantasmagorique de l’univers du LBO pour les candidats. Les demandes sont fortes mais les places sont chères.

Ce métier fait partie de mon identité et j’ai la chance d’être passionné par ce que je fais. Je suis un dilettante, au sens noble du terme, du private equity. C’est pourquoi mon approche des missions est très personnelle et profondément influencée par mon tempérament sportif, façonné par la boxe anglaise que je pratique trois fois par semaine avec Christophe Tiozzo.

Vous revendiquez depuis toujours une approche atypique et personnelle du métier, en quoi se différencie-t-elle de celle des autres acteurs de l’écosystème du recrutement ?

J’estime en effet que mon approche est très différente de celle des chasseurs de têtes au sens classique du terme. Tout d’abord, ceux-là interviennent pour des groupes alors que je traite exclusivement avec des fonds d’investissement. Ce n’est absolument pas le même métier ! Le monde du LBO est fondamentalement particulier, tout comme les profils que je recherche.

Mon business model peut surprendre car je ne chasse personne à proprement parler. J’ai d’ailleurs tendance à dire que le recrutement d’un manager dans le contexte d’un LBO est avant tout un gros coup de chance. Mon travail de sélection se fait grâce au réseau que j’ai mis en place au fil des années et des rencontres. Les fonds d’investissement eux-mêmes m’envoient des profils, de même que les banques d’affaires ou encore les conseils en stratégie. Comme le bouche-à-oreille fonctionne également, les managers se présentent aussi directement à moi. C’est ça l’effet de notoriété : un réseau surpuissant qui me permet de trouver la bonne personne pour le bon projet. Pour y arriver, je prends le temps de connaître les candidats. Et de comprendre autant ce qu’est l’entreprise, ses ambitions, ses besoins et, en conséquence, les attentes de son nouvel actionnaire.

Lorsque j’accepte une mission, je la vis comme un véritable défi personnel, une compétition où je m’investis à 100 %. Trouver le bon manager me prend entre une heure et deux jours, rarement plus, je suis un vrai sprinter. Une fois que le fonds m’a confié son projet, je n’ai qu’à passer en revue les personnes que j’ai pu rencontrer pour trouver la personnalité qui collera le mieux à l’opération, quitte à trouver des profils que les grandes firmes n’ont jamais vu. Le hasard fait souvent bien les choses.

"Les patrons de LBO sont des managers qui cultivent une différence, un profil d'exception"

Quel est, selon vous, le manager idéal pour un LBO ?

Les patrons de LBO sont des managers qui cultivent une différence, un profil d’exception. Le terme peut heurter mais le bon manager de LBO est véritablement une personnalité hors normes capable de s’adapter à cet univers précis. Comme chaque opération est unique, les profils qui correspondent sont rares. Ce sont les rencontres d’un manager, d’une société et d’un investisseur qui font que la machine se mettra en marche et que le succès sera au rendez-vous. Forcément, cela ne peut pas se quantifier. Je dirais que c’est un savant assemblage entre un manager entrepreneur motivé, connaissant le business de l'entreprise, et une situation donnée. Des CV remarquables peuvent très bien ne pas s’allier avec la culture du fonds, de la société elle-même ou encore des enjeux de sortie.

N’oublions pas non plus qu’un LBO, ce n’est pas tout rose. Le manager doit être prêt à faire face à des phases de confrontation, voire des rapports de force au démarrage avec le fonds. Il s’agit d’un véritable sparring partner car chacun est en attente de l’autre.

Sa mission, s’il est sélectionné, sera placée sous le signe de la liberté car il sera un CEO qui aura en main tous les leviers de manœuvre, stratégiques comme opérationnels. Il doit incarner la vision du projet. Ainsi, ce sera tout sauf un manager politique et les fonds y sont particulièrement sensibles. Entrepreneur visionnaire, combatif et hands on, il devra faire face à un contexte sous tension où il aura besoin de faire preuve d’imagination, de structuration et de réactivité. Pour faire du LBO, il faut être différent. Ce sont donc des profils très rares.

"Trouver le bon manager, me prend entre une heure et deux jours, rarement plus"

Le manager doit aussi être investisseur…

Effectivement, il ne faut surtout pas l’oublier. C’est une des grandes différences avec le corporate. Cet engagement financier est la preuve qu’il sera totalement engagé dans le projet, ne serait-ce que pour son intérêt personnel. De toute façon, un projet, LBO ou non, ne peut pas aboutir si tous les acteurs ne sont pas totalement impliqués dans sa réalisation.

Le candidat peut venir soit d’un précédent LBO soit d’un corporate. Dans ce dernier cas, il devra faire un réel apprentissage du processus de mise en place d’un CEO dans une participation de fonds. Il faut étudier l’entreprise, rencontrer un certain nombre de partenaires, banquiers, actionnaires, avocats. C’est une éducation que les managers venant de groupes n’ont pas et doivent acquérir rapidement pour prétendre intégrer le projet. Il y a aussi une vraie notion d’accompagnement de l’opération, ce qui passe par leur statut d’investisseur dans l’opération qu'ils auront à conduire, aux côtés des sponsors.

En tant qu’interlocuteur privilégié, quelles évolutions constatez-vous ces derniers mois chez les fonds d’investissement ? Cela change-t-il votre façon de travailler ?

La multiplication des fonds d’investissement est assez irréelle actuellement. On a l’impression que le private equity se vulgarise et devient un mass market. Cela entraîne une complexification des processus d’intermédiation et pousse les prix vers le haut.

Cette tendance ne change en rien ma façon de travailler et a même tendance à la renforcer. La concurrence entre les fonds rend d’autant plus précieuse l’identification du bon dirigeant. Cela les renforce dans leur thèse d’investissement et leur permet aussi de prendre des décisions audacieuses et, ainsi, d’emporter l’enchère. J’entretiens une relation de confiance forte avec les fonds qui me demandent de trouver la bonne personne pour le bon LBO. Ces derniers me connaissent bien et les relations que nous établissons ont une approche sportive.

Propos recueillis par Béatrice Constans

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