Décidé à afficher une opposition claire face à la majorité, Luc Carvounas, député Nouvelle Gauche, dénonce les « méthodes brutales » employées par le gouvernement pour mener à bien certaines réformes et appelle les socialistes à prendre part à la lutte sociale. « Nous devons devenir le "parti des causes" », estime l’élu.

DÉCIDEURS. La grève des cheminots est-elle, selon vous, justifiée ?

Luc Carvounas. Oui, bien sûr. Le président de la République essaye encore une fois de monter les Français les uns contre les autres en nous présentant les cheminots comme des privilégiés, après nous avoir expliqué que les retraités qui touchent 1200 euros par mois sont « aisés ». Que les cheminots défendent leurs acquis sociaux est tout à fait légitime, même si cela ne signifie pas qu’une réforme de la SNCF n’est pas nécessaire. Mais regardons les aspects prioritaires: la reprise de la dette, les investissements d’avenir, l’aménagement des territoires et l’accès aux transports. Ce que nous déplorons, c’est non seulement la méthode brutale du gouvernement, mais aussi l’attitude arrogante, voire méprisante, du président de la République lorsqu’il explique aux cheminots qu’ils « prennent les Français en otage ».

Quel regard portez-vous sur la façon dont le gouvernement appréhende les différentes situations de blocages (à la SNCF, dans les universités, à Notre-Dame-des-Landes)? A-t-il raison de se montrer ferme, ou devrait-il faire preuve de plus de souplesse ?

Qu’il faille faire respecter le droit et ne tolé- rer aucune violence politique est évident. Je remarque juste que, lorsqu’on se focalise sur l’évacuation de Notre-Dame-desLandes ou bien sur celle des universités, on ne parle plus ni de la réforme de la SNCF ni du projet de loi asile et immigration. Cette volonté de détourner l’attention du plus grand nombre est pour moi manifeste. Enfin, j’observe que le gouvernement est très dur avec celles et ceux qui prônent une société plus solidaire, plus écologique, ceux qui refusent la seule loi de l’argent et de la compétition.

« Nous déplorons l’attitude arrogante, voire méprisante, du président de la République »

Le projet de loi asile-immigration que vous évoquez est jugé liberticide par la plupart des élus de gauche. Il est pourtant porté par un ancien socialiste. Cela vous déçoit-il ?

Gérard Collomb a décidé de mener une politique de droite, avec un Président et un Premier ministre de droite. Il est hallucinant de voir aujourd’hui LREM proposer des mesures législatives soutenues par LR et surtout le Front national. Concernant l’article 5 de la loi asile-immigration, LREM, LR et FN ont voté ensemble pour durcir nos procédures d’accueil. En défendant ce projet de loi avec conviction, Gérard Collomb confirme qu’il est réellement de droite. Vous estimez possible la reconstruction du PS.

Comment comptez-vous mobiliser à nouveau les militants autour de votre projet ?

Nous devons devenir le « parti des causes », qui prend par exemple à bras-le-corps la question de la pauvreté infantile… Nous devons aussi prendre part aux mobilisations et aux luttes sociales, repartir du terrain, de nos territoires. Retisser les liens avec notre base dont nous nous sommes trop coupés durant le précédent quinquennat. Avec elle, nous devons construire un projet ambitieux – celui du progrès partagé – et unir toute la gauche autour de lui.

« Il est hallucinant de voir aujourd’hui LREM proposer des mesures législatives soutenues par LR et surtout le Front national »

Qu’attendez-vous aujourd’hui d’Olivier Faure ?

Qu’il soit à la hauteur de sa charge et des ambitions collectives qu’il nous a lui-même fixées, pour commencer. Qu’il soit résolu à incarner avec d’autres un parti d’opposition à l’actuelle majorité. Et qu’il ait à cœur de retisser le lien avec nos partenaires de gauche, car l’hégémonie du PS est terminée et, seuls, nous ne nous relèverons pas. Unir la gauche et bâtir un projet moderne et solidaire qui vise à partager le progrès avec le plus grand nombre, voilà où Olivier Faure doit nous emmener.
 

Propos recueillis par Capucine Coquand 

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