Candidats et soutiens se sont exprimés après l’annonce des résultats. Certains ont opté pour l’optimisme et pensent déjà aux législatives, d’autres - les partis historiques - ont accusé le coup.

Macron, la main tendue

Emmanuel Macron, dès son arrivée Porte de Versailles dans la soirée du 10 avril, a remercié ceux qui, comme Yannick Jadot, Fabien Roussel, Valérie Pécresse et Anne Hidalgo, lui ont apporté leur soutien. Il sait aussi que "cela ne vaudra pas soutien du projet que je porte". Replacé dans un second tour face à Marine Le Pen, le candidat a ficelé un discours d’opposition aux idées du Rassemblement national. "La régression pour tous, ce n’est pas nous. Une France qui, sortie de l’UE, n’aurait pour alliance que populistes et xénophobes, ce n’est pas nous". Ce "nous", selon lui ? C’est une France indépendante, à la technologie, la culture et l’économie rayonnantes, capable de financer son Etat providence, qui continue de faire confiance à la science et à la raison. Il l’a répété, rien n’est joué. Mais il espère convaincre ceux qui se sont tournés vers l’abstention ou le vote extrême, autant que ceux qui se sentent ignorés, que son projet convient "plus solidement aux défis du temps que celui de l’extrême droite".

Marine Le Pen : draguer à droite, draguer à gauche

Car effectivement, l’extrême droite s’est envolée. Cumulés, les score de Marine Le Pen et d’Éric Zemmour atteignent 30 %. Pour la candidate historique de l’aile droite de la droite, c’est le signe que "le peuple français s’est exprimé". Hier soir, Marine Le Pen a voulu dire sa gratitude. Celle dont l’image a été radoucie par l’irruption d’Eric Zemmour dans la campagne se voit devenir "la Présidente de tous les Français". Elle a décidé d’être "libre des attaches partisanes" et d’envoyer un appel au rassemblement, destiné à tous ceux qui n’ont pas voté pour le Président-candidat : face à une "vision de division, d’injustice et de désordre" incarnée par Emmanuel Macron, elle promet "justice sociale, cadre fraternel et protection autour de l’idée de la nation". Marine Le Pen veut toucher tous les citoyens, de droite et de gauche, et de toutes les origines. Louis Aliot, le maire RN de Perpignan, a salué sur France 2 une "belle performance avec une candidature concurrente, celle d’Eric Zemmour".

Zemmour, celui qui se voulait bon perdant

En quelques mois de présence sur la scène politique, le candidat de Reconquête! a réussi à atteindre les 7 %. À l’annonce des résultats du premier tour, Éric Zemmour a rappelé être un "homme parti de rien, pas un politicien". Chacune des voix reçue sonne, pour lui, comme "le cri d’un peuple qui ne veut pas mourir". Et pour celles qu’il n’a pas obtenues ? "Nous n’avons pas su convaincre davantage de compatriotes. Peut-être à cause de l’absence de débats, de la situations internationale… peut-être par ma faute". Ses militants lui crieront que non. Lui préfère assumer ses erreurs, se féliciter "de ne pas être devenu un politicien. Je n’ai jamais menti, jamais travesti ma pensée pour gagner un point". Reconquête! aussi pense à l’avenir : "Rien ne sera plus jamais comme avant, votre vote est un vote pionnier". Cette campagne, assure-t-il, lui aura fait gagner la puissance et l’expérience, "dépasser les vieux partis moribonds". Marion Maréchal, qui a rallié le candidat et affirme sur TF1 n’avoir "aucun regret", pense déjà à l’après : "Dès lundi, huit heures, on préparera la future majorité présidentielle aux législatives".

À gauche, (essayer de) continuer la lutte

Les législatives, c’est également le rendez-vous visé par les candidats de gauche. Yannick Jadot, qui n’a pas dépassé les 5 %, regrette évidement que les enjeux vitaux aient été largement ignorés dans une "campagne confisquée". L’écologie sera absente du second tour, regrette-t-il, mais "elle ne peut pas l’être du quinquennat". Il place désormais ses espérances sur les législatives, car "le combat pour le climat continue". Delphine Batho sera à ses côtés : sur TF1, la députée des Deux-Sèvres a reconnu un échec, celui de n’avoir pas réussi à incarner l’écologie en politique. "Elle est encore perçue comme un contre-pouvoir, pas comme un parti qui pourrait effectivement l’exercer".

Jean-Luc Mélenchon, entre deux tirades sur les rayons du soleil "qui bondissaient d’une vague à l’autre sur le littoral marseillais" et le mythe de Sisyphe, a tout de même souligné sa fierté du travail accompli "sous le mépris et les insultes". Mais n’a pas cherché à être réconforté, car pour lui aussi, "la lutte continue, et il y a d’autres élections". Reste que son score et celui des autres candidats de gauche appellent à la remise en question, a averti Ségolène Royal sur TF1. L’ancienne ministre de la Transition écologique, qui avait appelé à voter pour le candidat LFI, "regrette profondément pour la France que l’on ait une candidate de l’extrême droite au second tour, de nouveau". La situation, souffle-t-elle, aurait pu être évitée si la gauche s’était unie derrière Jean-Luc Mélenchon. Les voix récoltées par Yannick Jadot, Anne Hidalgo et Fabien Roussel auraient-elles pu combler le 0,8 points qui séparent Jean-Luc Mélenchon de Marine Le Pen ? Peut-être. Quoiqu’il en soit, "ils ont la responsabilité de ce qu’il se passe".

Droite démantelée

À droite, il faudra sans doute faire le même travail d’introspection. Avec 4,8 % des votes, Valérie Pécresse doit essuyer le score le plus faible de l’histoire du parti. En décembre, elle avait déjoué tous les pronostics du congrès LR. Elle dit aujourd’hui assumer toute sa part dans la défaite, et promet de ne pas abandonner. "Mon engagement politique est intact. Je mènerai d’autres combats". Dans son propre camp, pourtant, plus personne ne semble y croire. Ou, en tout cas, croire en elle. Hier, Éric Ciotti n’a pas cherché à cacher son amertume : "La défaite est brutale, c’est une claque, une défaite historique pour la droite républicaine". Jusqu’au grand jour, pourtant, le député LR des Alpes Maritimes affichait un soutien à sa candidate. Des élus LR qui avaient choisi de rallier Zemmour ou Macron, il disait qu’ils étaient "un ramassis d’aigris, de ratés et de losers". Le 30 mars, au Figaro, il faisait de nouveau passer le message de la loyauté. Message bien vite oublié. Luc Ferry, passé par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin pendant le mandat de Jacques Chirac, ne se fait guère plus d’illusions : "Le parti gaulliste est mort, la droite est coincée entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen". Damien Abad, un poil plus optimiste, estime que "oui, on peut survivre, on a des députés, la droite compte dans notre pays". Mais le président du groupe LR à l’Assemblée nationale reste réaliste. "La France n’a jamais été aussi à droite qu’aujourd’hui, et pourtant, on n’a jamais été aussi loin du pouvoir. Il va falloir que l’on se pose des questions".

Olivia Fuentes

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