Alors que le Salon du dessin ouvre ses portes à Paris le 27 mars, Louis de Bayser, son président, décrypte un marché encore peu connu du grand public. Outre ses recommandations pour choisir une œuvre, le professionnel rappelle la nécessité de se faire conseiller pour éviter les déconvenues.

Décideurs. Quel est l’état du marché du dessin ?

Louis de Bayser. En réalité, le regain d’intérêt du public date des années 1980. C’est à partir de cette période que le dessin passe du statut de croquis préparatoire à un tableau à celui d’œuvre à part entière. En témoigne la vente de quelques dessins mythiques de grands maîtres comme Raphaël et Michel-Ange à des prix élevés. Ce type d’événement a attiré de nouveaux acheteurs et, logiquement, les prix ont grimpé. Depuis, ce succès ne s’est jamais démenti. L’adjudication d’un dessin de Raphaël pour 45 millions de dollars ou d’un Lucas van Leyden pour 10 millions de livres en sont des preuves éclatantes.

Existe-t-il des artistes ou des périodes particulièrement recherchés par les collectionneurs ?

En la matière, les goûts évoluent. Alors que la génération précédente appréciait le dessin préparatoire pour sa valeur intellectuelle en tant qu’étape dans la conception d’une œuvre, aujourd’hui l’approche est tout autre. Ce que recherchent les amateurs, c’est un dessin graphique, une spontanéité, un sujet étrange, un cadrage original ou une lumière particulière. L’aspect inachevé et instinctif plaît beaucoup. En un mot, et quelle que soit la technique ou la période considérée, ce sont les dessins qui ont une vraie présence au mur et qui retiennent le regard, qui ont la cote.

Globalement plus abordable, le dessin constitue-t-il un bon moyen pour se lancer dans une collection ?

On se lance très rarement directement dans la collection de dessins sans s’être essayé à d’autres catégories artistiques, on y arrive souvent par d’autres biais comme la peinture ou le livre. La raison est très simple : pour acheter des dessins, encore faut-il s’y connaître et donc en avoir vu. Or, ils ne sont pas toujours visibles dans les collections permanentes des musées, notamment en raison de leur fragilité. En tout cas, il n’est pas nécessaire d’investir une fortune pour se faire plaisir. Même parmi les grands noms de l’histoire de l’art, les écarts de prix sont immenses selon la qualité, la période, le sujet ou le format du dessin en cause. Les dessins de Delacroix se vendent par exemple entre 1 000 et 600 000 euros. Et que dire des artistes moins célèbres ? Il y en a donc pour tous les budgets.

 « On se lance très rarement directement dans la collection de dessins sans s’être essayé à d’autres catégories artistiques »

Quels sont les critères à prendre en compte pour bien acheter ?

La première condition est de se faire plaisir. C’est impératif. L’idée est de choisir une œuvre qui vous plaise et dont vous ne vous lasserez pas puisqu’il n’existe aucune garantie de réaliser un bon investissement au sens financier du terme. Viennent ensuite des considérations plus classiques : veiller à ne pas acheter n’importe quoi à n’importe quel prix. Pour ce faire, recueillir les conseils de marchands, d’experts ou de conservateurs peut être très utile. Il faut également se faire l’œil en fréquentant les galeries, les salles de vente, les expositions et les musées. Plus on observe, plus on affirme son goût et plus on devient courageux dans ses choix.

Le dessin est un support fragile. Nécessite-t-il une installation particulière pour être bien conservé ?

Effectivement, la conservation de dessins requiert de veiller à ce que les conditions de luminosité et d’humidité de la pièce où ils sont exposés soient optimales. Pour y parvenir, il est assez facile de s’équiper en utilisant par exemple des verres anti-reflet et anti-UV qui stoppent 85 % des rayons.

Quel est le profil-type du collectionneur de dessins ?

Il est difficile d’avoir une vision globale des collectionneurs. Pour autant, il est certain qu’ils sont très internationaux. Les États-Unis sont très bien représentés, qu’il s’agisse de collectionneurs privés, d’institutionnels ou de musées. De plus, certaines professions comme les avocats, les architectes ou les professionnels de la finance sont particulièrement friands de dessins.

Propos recueillis par Sybille Vié

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