Avec le projet de loi Pacte présenté en Conseil des ministres en mai, le gouvernement entend redéfinir la place des entreprises dans la société en les contraignant à prendre en compte les enjeux sociaux et environnementaux de leur activité. Cette réforme - voire révolution - voit bouger les lignes et inquiète certains au Medef.

Réconcilier les Français avec l’entreprise. Un projet utopiste ? Pas pour le gouvernement qui, avec le projet de loi du « Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises » – dite loi Pacte – souhaite entièrement revoir la place de ces acteurs privés dans la société. « L’entreprise a une dimension environnementale, sociale et ne se résume pas à la réalisation de profits, a rappelé le ministre de l’Économie, Bruno Le maire, le 9 mars dernier, au moment de recevoir le rapport de Nicole Notat (présidente de Vigeo), et Jean-Dominique Senard (P-DG du groupe Michelin), intitulé « L’entreprise, objet d’intérêt collectif ». « Nous leur avons demandé comment traduire dans le droit, dans la loi, ce que représente aujourd’hui l’entreprise pour des millions de Français. Comment lui donner une nouvelle ambition », a-t-il expliqué. Chefs d’entreprise, organisations représentatives, chercheurs, ­praticiens du droit, investisseurs, ONG, élus… In fine, près de deux cents experts auront participé à cet ambitieux travail de réflexion. 

Article 1833 du Code civil

Dès les premières lignes, le ton est donné : « Le statu quo n’est plus possible, annonce le rapport qui compte une dizaine de recommandations. Il convient de consacrer dans notre droit la dynamique de la responsabilité sociale des entreprises. » ­Comment ? En ajoutant un second alinéa à ­l’article 1833 du Code civil. Une société ne devra ainsi plus seulement « avoir un objet licite et être constituée dans l‘intérêt commun des associés ». Elle devra également, selon les préconisations de Nicole Notat et Jean-Dominique Senard, « être gérée dans son intérêt propre, en considérant les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. » Un projet ambitieux qui, s’il est mené à bien, pourrait ­bouleverser la place de l’entreprise dans la société et insuffler une dynamique nouvelle dans le monde des affaires.

L’entreprise a une dimension environnementale, sociale et ne se résume pas à la réalisation de profits

Réconcilier économie de marché et intérêt général 

« Les éléments que nous ­proposons sont symboliques et envoient un message dans notre pays et au-delà », note le président du groupe Michelin à l’occasion des auditions de la commission des affaires économiques de ­l’Assemblée nationale, en mars dernier. Un projet largement salué par les syndicats de salariés. « Nous sommes favorables à une réécriture du Code civil, note de son côté la CFDT, également interrogée. (…) Cela répondrait à la demande de sens souvent exprimée par les salariés. » Parce qu’elle prévoit de réconcilier économie de ­marché et intérêt général, la réforme devrait « faire entrer l’entreprise dans le XXIe siècle », estime la CFE-CGC, saluant l’avancée notable que ­représente le rapport. Les organisations patronales, de leur côté, se montrent plus ­sceptiques. 

Conséquences juridiques 

« Inscrire ce type de principes dans le droit commun paraît très risqué, analyse Michel Guilbaud, directeur général du Medef, qui s’inquiète notamment de la portée de ces modifications. Même retenue chez Jean-Eudes du Mesnil du Buisson, secrétaire général de la CPME. « Notre préoccupation porte sur les conséquences juridiques, explique-t-il. Si les entreprises souhaitent modifier leur objet social, elles peuvent le faire, mais il faut que cela reste optionnel. » Pas de quoi déstabiliser le ministre de l’Économie, décidé à mener à bien la réforme qu’il porte. Dans une interview accordée aux échos le 9 avril, celui-ci n’a pas caché sa détermination : « Nous avons suivi les recommandations de Jean-Dominique Senard et Nicole Notat. (…) Réécrire le Code civil est un acte politique majeur. À travers ce texte, nous voulons être à la pointe de la redéfinition du ­capitalisme européen. »

Participation des salariés à la gouvernance

Et favoriser l’émergence d’un nouveau modèle de développement qui passera également par une plus grande participation des salariés à la gouvernance de leur entreprise. Le rapport préconise ainsi de renforcer le nombre des administrateurs salariés dans les conseils d’administration ou de surveillance. « Ils sont coresponsables de l’entreprise, au même titre que les actionnaires, estime la CFTC. Ils doivent donc pouvoir participer à ses grandes orientations. » La CFDT, elle, l’assure : associer les salariés à la prise de décision représente un « élément de stabilité garantissant une bonne transmission. » Une recommandation qui, comme la plupart de celles qui figurent dans le rapport, devrait être directement reprise dans le projet de loi.

Marie-Hélène Brissot et Capucine Coquand

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