Lors de la dernière édition du salon Produrable s'est tenu un talk show sur le thème "tous lobbyistes ?". L'occasion pour Marc-André Feffer (Transparency International France), Denis Bonvillain (Suez) et Véronique Fraigneau (PlasticsEUrope) de débattre sur la question de la régulation de cette pratique d'influence.

Négativement connoté, le lobbying est souvent considéré comme opaque voire antidémocratique. Nicolas Hulot le pointait du doigt il y a près d'un an : « Qui a le pouvoir, qui gouverne ? » demandait le tout frais démissionnaire. Défini par l'Encyclopédie Universalis comme « l’attitude et l’action des groupes de pression (lobbys) qui cherchent à protéger leurs intérêts face aux décisions des pouvoirs publics », le lobbying désigne toute communication directe ou indirecte avec des responsables publics afin d’influencer la décision publique en fonction d’intérêts particuliers. Il englobe également le démarchage politique et ses différentes formes : rencontre de responsables politiques afin de leur fournir l'expertise technique nécessaire à la prise de décision, participation à des auditions ou des comités d’experts...

Abus coûteux

Censé « apporter aux décideurs publics des éléments d’information et de compréhension, nécessaires pour rendre des arbitrages sur des questions de plus en plus complexes », selon la définition de Transparency, ONG de lutte contre la corruption, le lobbying n'est pas l'apanage des grands groupes industriels polluants. Les associations de défense de l'environnement constituent elles-mêmes des lobbys. Quel que soit leur domaine d’activité, si ceux-ci ne sont pas régulés, ils peuvent entraîner des abus, causant à la collectivité des coûts, économiques, environnementaux ou financiers. Le grand public a découvert que Monsanto s'est illustré en fichant des centaines de personnalités dans sept pays européens, dont la France, en fonction de leur position sur les pesticides, leur niveau de soutien à Monsanto, leurs loisirs, leurs adresses et numéros de téléphone. Le fichier mettrait en lumière 74 « cibles prioritaires », divisées en quatre groupes : les « alliés », les « potentiels alliés à recruter », « les personnalités à éduquer », ainsi que celles « à surveiller ».

Besoin de transparence

Pour tenter de ramener un peu de discipline, la loi "sur la transparence, la lutte contre la corruption, et la modernisation de la vie économique", dite Sapin II, prévoit, depuis avril 2018, un encadrement des pratiques des représentants d'intérêt, imposant aux lobbyistes un cadre juridique à travers notamment la déclaration de leurs actions via un répertoire numérique. Décriée avant même sa parution, la loi exclut en effet les élus de son champ.

Du côté de Bruxelles, véritable « nid de lobbys » puisque près de 10 000 organisations sont référencées au registre officiel, la Commission européenne s'efforce de montrer l'exemple. Son registre de transparence impose aux fonctionnaires européens de déclarer toutes leurs rencontres avec des lobbyistes. Cependant les négociations pour l'extension de ce dispositif au Parlement et au Conseil européen, entamées au 2017, semblent toujours au point mort.

Nécessaire au processus démocratique, la pratique du lobbying doit tendre vers plus de transparence pour se défaire de l'image toxique qui lui colle à la peau. Cela doit commencer par rendre véritablement publics les liens parfois étroits entre influenceurs et responsables politiques. La démocratie y gagnerait.

Boris Beltran

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