La crise n’a pas empêché les opérateurs américains et espagnols de dévoiler leur projet de rapprocher leurs activités britanniques Virgin Media et O2 dont les offres complémentaires répondent à des besoins exacerbés par le contexte actuel.

Alors que la crise liée au coronavirus conduit à reporter la plupart des opérations, deux opérateurs s’inscrivent dans une dynamique inverse. Le 7 mai, l’américain Liberty Global et l’espagnol Telefónica ont fait part de leur intention de fusionner leurs activités britanniques respectives : le câblo-opérateur Virgin Media et la filiale de téléphonie O2. Une opération à plus de 35 milliards d’euros (dette comprise) qui leur permettra de concurrencer le leader du pays, le britannique BT positionné sur une offre mobile et fixe. Les deux maisons-mères détiendront chacune la moitié de la coentreprise.

À contre-courant

Ce deal tranche avec un début d’année sur le marché M&A marqué par une baisse sensible du nombre d’opérations : 700 milliards de dollars de fusions-acquisitions annoncés contre 1 200 milliards sur la même période en 2019, selon les données de Dealogic début mai. Comment expliquer, alors, qu’un tel mariage suive son cours ? D’abord, les packages proposés par les opérateurs – qui combinent offres internet, mobile et fixe – se révèlent généralement avantageux pour les consommateurs qui, en période de crise, pourraient regarder d’un peu plus près leurs factures.

"La demande de connectivité n’a jamais été aussi importante et critique"

Ensuite, le développement du télétravail oblige les salariés à s’équiper. Le secteur ne vit donc pas la crise de la même manière que la plupart des autres industries. Au contraire, il doit réussir à maintenir ses services dans un contexte sans précédent et malgré une demande qui ne va pas en fléchissant. « Combiner l’activité mobile du numéro 1 O2 avec le réseau à haut débit et les services de divertissement de Virgin Media va changer la donne au Royaume-Uni à un moment où la demande de connectivité n’a jamais été aussi importante et critique », déclare José María Àlvarez-Pallete, PDG de Telefónica.

Complémentarité

Dans le détail, les synergies se révéleront substantielles : près de 8 milliards d’euros d’ici à cinq ans. En effet, O2 utilisera les infrastructures fibre de Telefónica pour relier ses antennes et rester ainsi dans la course à la 5G. Tandis que Virgin Mobile, qui passe actuellement par le réseau Vodafone pour commercialiser ses offres mobiles, se servira désormais de celui d’O2. Les fiancées s’engagent à investir 10 milliards de livres sur cinq ans.

L’opération valorise O2 12,7 milliards de livres et Virgin Media 18,7 milliards. La joint-venture dégagera un chiffre d’affaires de 12 milliards de livres grâce aux 32 millions de clients mobile d’O2 et aux 3,2 millions d’abonnés mobile de Virgin Media. Selon les termes de l’accord, Telefónica recevra 5,7 milliards de livres en cash (qui comprend un paiement de péréquation de 2,5 millions de livres afin de tenir compte de la différence de valeur et de dette des deux unités). Ce qui lui permettra de réduire le poids de sa dette tout en conservant une présence au Royaume-Uni, l’un de ses marchés stratégiques avec l’Espagne ou encore l’Allemagne. Tandis que Liberty Global bénéficiera de 1,4 milliard de livres tiré du produit de la transaction. Soit après la scission des activités irlandaises de Virgin Media, qui ne seront pas comprises dans la fusion avec O2.

Un marché mouvant

« Project pink » - nom de code de la fusion – serait le énième mouvement dans le monde des opérateurs. Rien qu’en ce qui le concerne, Virgin Media comptabiliserait son quatrième changement de mains. L’opération, qui pourrait aboutir à la mi-2021, doit maintenant être validée par les autorités de la concurrence européennes, et ce, malgré le Brexit. Les analystes s’attendent à un feu vert de Bruxelles, les deux prétendantes au mariage présentant des activités complémentaires.

Olivia Vignaud

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