Présidents ou ministres ne rechignent pas à poser aux côtés d’animaux de toutes sortes. Réel amour ou stratégie de communication bien ficelée ? Il semblerait que la seconde option l’emporte…

C’est ce qui s’appelle faire le buzz. Mi-octobre, le président nord-coréen Kim Jong un est en Une de tous les médias. La cause ? Non pas de nouveaux propos belliqueux, mais de simples photos. On y voit le dictateur, peu à l’aise, engoncé dans un manteau de fourrure, en train de chevaucher un splendide destrier blanc. Une posture idéale pour marcher dans les pas de Tongmyong, roi légendaire qui a unifié la péninsule coréenne dans l’Antiquité.

Montrer sa puissance

Si les images suscitent peut-être l’admiration en Corée du Nord, elles font rire le monde entier. Pourtant, nombreux sont les hommes politiques qui utilisent le cheval pour se mettre en scène. Vladimir Poutine n’hésite pas à se laisser photographier galopant torse nu ou en treillis, croix orthodoxe au cou, dans la steppe sibérienne. En France, lors de la campagne électorale de 2007, Nicolas Sarkozy a joué au cavalier d’un jour en Camargue, Ray-Ban sur le nez, vêtu d’un blue-jean et d’une chemise à carreaux. De quoi forger son image « d’hyperprésident ». Il faut dire que le cheval revêt un symbole important pour tous ceux qui veulent montrer leur pouvoir : « Il exprime la force, la vitesse, la fougue », explique le sémiologue Odilon Cabat. Selon lui, « maîtrisé, harnaché, cet animal confère puissance et majesté. D’ailleurs, pendant des siècles seuls les chefs pouvaient pratiquer l’équitation. » Une situation qui explique pourquoi rois et empereurs sont souvent représentés en cavaliers à travers des sculptures ou des tableaux.

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Le cheval n’est pas le seul à symboliser le pouvoir. Les animaux sauvages peuvent aussi être mobilisés. Une nouvelle fois, c’est le président russe qui est en pointe sur le sujet. Depuis son accession à la tête de la Russie en 2000, il cultive son rôle d’homme fort en posant à côté d’une véritable animalerie : tigre de Sibérie, léopard, dauphins… Face aux photographes, le maître du Kremlin joue non pas au chasseur mais au protecteur : « Celui qui aime les animaux sauvages aime symboliquement les hommes. Du pain béni pour un dirigeant qui joue au père de la nation », s’amuse Odilon Cabat. L’affection intéressée de l’ancien agent du KGB pour la faune inspire les internautes des pays occidentaux où pullulent GIF et montages tournant en dérision les postures viriles de celui qui veut redonner à son pays sa grandeur passée.

Domestiquer l’électeur

Pourtant, les dirigeants d’Amérique du Nord ou d’Europe de l’Ouest ne sont pas les derniers à instrumentaliser les animaux à des fins électorales, bien au contraire. « Dans les démocraties pluralistes, les élus nationaux doivent, eux aussi, se mettre en scène. Essentiellement pour montrer qu’ils sont proches de leurs électeurs », analyse Elisa Chelle, professeur de sciences politiques à l’université de Nanterre, qui pointe aussi dans nos sociétés actuelles l’importance accordée « au mignon, à l’émotion ». D’où le rôle du chien. Aux États-Unis, pays qui compte 90 millions de canidés, tous les présidents, sauf Donald Trump, jouent au bon père de famille avec le meilleur ami de l’homme. Les images de Barack Obama, décontracté et chic, posant avec Bo, son chien d’eau portugais, ont fait le tour du monde. Le canidé a parfois plus de portée qu’une idée. Au point d’être utilisé par les spin doctors au service de leur candidat… En 1963, le républicain Mitt Romney commet une erreur qui, selon certains sondeurs, lui a en partie coûté l’élection de 2012. Il a été photographié au volant de sa voiture, son cabot attaché sur le toit. Un cliché exhumé du passé. Dans la foulée, les communicants démocrates ont dévoilé des photos « d’Obama bon maître » et une association « Pet Lovers for Obama » a vu le jour. Ce qui a permis aux démocrates de remporter la majorité des suffrages chez les propriétaires de chiens ! Et indirectement de siéger à la Maison Blanche.

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Les Français peuvent se moquer, nous sommes du même acabit que les Américains. Tous nos présidents de la Ve République ont possédé des chiens, qui font partie de la panoplie du « parfait président ». C’est ainsi qu’Emmanuel Macron a attendu son élection pour acquérir Nemo, un croisé Labrador Griffon au pelage noir, qui est souvent mis en avant sur les réseaux sociaux. Animal qui, par ailleurs, a un air de ressemblance avec Baltique, compagnon de François Mitterrand.

Mais le chien n’est pas la seule « arme de séduction massive ». Ne négligeons pas les chats ! Pour Odilon Cabat, « il permet de mettre en avant l’affect et la tendresse ». Une aubaine pour un responsable politique qui cherche à adoucir son image. Marine Le Pen ne s’y trompe pas. Véritable femme à chats (elle possède son certificat d’éleveuse), la présidente du RN n’hésite pas à poser fréquemment avec ses petites boules de poils pour tenter de dédiaboliser son parti. Une stratégie suivie par son allié Matteo Salvini. Pour devenir la première force politique d’Italie et séduire des électeurs dans toutes les régions du pays, le populiste est prêt à tout. Y compris poser avec un chat sur les genoux.

Carnaval des animaux

Autre animal exploité par le président de la Lega : l’âne. Les animaux de la ferme servent généralement à montrer un attachement à « la terre », au « terroir ». Et, plus l’élu est issu de la bourgeoisie urbaine, plus il montre de l’enthousiasme à immortaliser ses escapades dans les basses-cours et les élevages. C’est le cas de  Matteo Salvini, fils de chef d’entreprise milanais, mais aussi de Boris Johnson. Ancien maire de Londres, rejeton de diplomate, passé par Eton et Oxford, « Bojo » n’a rien du campagnard. Dès son accession au poste de premier ministre, il pose en bottes en caoutchouc au côté d’un taureau écossais ou en participant à la tonte des moutons en bras de chemise. Des clichés symboliques, mais aussi politiques : malgré un probable Brexit, il se veut toujours du côté des agriculteurs.

Plus un dirigeant est issu de la bourgeoisie, plus il montre de l'enthousiasme à poser dans les fermes et les élevages

Énarque, haut-fonctionnaire parisien, incarnation de la France des métropoles et chantre de la start-up nation, Emmanuel Macron multiplie également les clichés pour faire évoluer son image. Poules, cochonnets, vaches, chevreaux : toute la ferme y passe. « Avec des résultats mitigés puisque l’on voit bien sur les clichés qu’il n’est pas dans son élément », observe Elisa Chelle. Mais le Président peut désormais profiter de ses séjours à Paris pour s’entraîner. Depuis mars 2018, Agathe et Marianne, deux poules bretonnes, ont pris leurs quartiers dans les jardins de l’Elysée.

Lucas Jakubowicz

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