Comment expliquer que certaines entreprises ne se relèveront pas de l’onde de choc provoquée par le coronavirus quand d’autres parviendront à l’absorber ? Éléments de réponse au travers de la notion de « résilience organisationnelle ».

Le 25 mars dernier, Emmanuel Macron lançait, depuis l’hôpital de campagne dressé à Mulhouse, l’opération "Résilience" pour coordonner l’ensemble des interventions des militaires contre le Coronavirus. Le terme n’a pas été choisi au hasard. Les corps armés l’utilisent couramment, sur les théâtres d’opérations extérieures notamment. Mais, depuis quelques années, son emploi se généralise. La résilience franchit jusqu’aux portes des entreprises.

Méfions-nous toutefois, comme nous y invite Laurent Bibard, titulaire de la chaire Edgar Morin de la complexité à l’Essec, des effets de mode qui "épinglent de manière immobile et pétrifiée" des mot-valise comme ceux de résilience ou d’agilité. Alors, qu’est-ce que la "résilience organisationnelle" et quels leviers permettent de l’activer ?

La crise comme opportunité

Chaque crise, qu’elle soit sanitaire, économique, sociale, politique, ou tout cela à la fois, procède d’un déséquilibre qui brouille les repères et nous met mal à l’aise. La crise du coronavirus a ceci de particulier qu’"elle attaque l’évidence même de la mondialisation". "Dans sa radicalité", poursuit Laurent Bibard, "elle révèle que nous ne maîtrisons pas tout" et ce alors même que nous concevons les entreprises comme des lieux de contrôle et de prédiction, ne laissant que peu de place à la spontanéité ou à l’improvisation. Le Covid-19 met en exergue les limites de l’exercice du PCA ou de tout autre dispositif permettant aux organisations de réfléchir et d’anticiper leur capacité de résilience. Brutalement, "il nous reconnecte avec l’incertitude des choses".

Mais ne retenir que cet aspect angoissant, presque menaçant, reviendrait à en donner une représentation tronquée. La médecine hippocratique considère la "crise" comme cet instant où la maladie touche à sa résolution, pour le meilleur ou pour le pire… Face à la maladie, elle constitue un sursaut et non une faillite. Comme les individus, les entreprises sont des organismes vivants qui, au cours de leur cycle de vie, affrontent des épisodes de risques structurels pouvant aller jusqu’à compromettre leur santé ou leur existence même.

Les collectifs de travail sont appelés "à redécouvrir ce qu’ils savent déjà faire, à les expliciter pour mieux les actualiser".

À elles de faire preuve d'une capacité à absorber les chocs, à capitaliser sur des perturbations issues d’évènements inattendus et à conduire le changement. Pour Céline Legrand, professeure au sein du département management d’Audencia Business School, les entreprises résilientes se caractérisent par "leur pragmatisme, leur capacité à donner du sens et une ingéniosité" bienvenue pour "bricoler", face à l’inhabituel, de nouvelles solutions.

Or, c’est précisément cette débrouillardise que la crise actuelle remet sur le devant de la scène. "Contrairement à ce que chacun d’entre nous intériorise", se désole Laurent Bibard, "nous sommes saturés de compétences". Mais, dans notre vie professionnelle, nous les sollicitons par réflexe, oubliant par là même notre capacité à innover. Le Covid-19 nous invite, certes, à cultiver une forme de modestie face aux évènements qui nous échappent. Il appelle surtout les collectifs de travail "à redécouvrir ce qu’ils savent déjà faire, à les expliciter pour mieux les actualiser".

Agilité et empathie

La capacité d’absorption des chocs par l’entreprise dépend de celle des individus et de son mode d’organisation. « L’agilité », reconnaît Cécile Legrand, « favorise le processus individuel de résilience », à condition toutefois d’être bien dosée. L’enseignante-chercheur enjoint les organisations à devenir « ambidextres » pour disposer en permanence de deux équipes : « l’une chargée de gérer le quotidien, l’autre ce qui n’est pas de son ressort ». Un tel dédoublement de la temporalité se matérialise dans la figure du manager, garant à la fois d’une prédisposition au changement et d’une vocation à la continuité.

disposer en permanence de deux équipes : "l’une chargée de gérer le quotidien, l’autre ce qui n’est pas de son ressort"

Cependant, rien ne remplace une approche préventive des risques. « Penser à l’impensable » en préparant, informant et formant les collaborateurs sans pour autant banaliser le risque... Et en acceptant de voir les émotions surgir au sein des entreprises.  Longtemps contrôlées ou mises à distance, confirme Laurent Bibard, l’empathie et « l’écoute constitue[nt] un ressort fondamental de la résilience ». Elles permettent de construire à échelle collective un modèle mental qui laisse toute sa place au risque, à l’échec…et au rebond.

Marianne Fougère

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