L’obligation de non concurrence est une clause sensible du contrat de travail. Elle est encore trop souvent stipulée, sans réelle appréciation de sa pertinence au regard de la nécessité de protéger les intérêts légitimes de l’entreprise, selon le poste occupé et le secteur d’activité concerné.

L’employeur préfèrera la systématiser dans les contrats de travail « par précaution » et décider finalement d’y renoncer au moment de la rupture, selon le contexte de la fin de la relation de travail.

Or, les règles de levée de la clause de non concurrence sont complexes.

L’employeur peut se trouver piégé et devoir payer la contrepartie financière, dont doit être obligatoirement assortie la clause, alors que son intention était de libérer son salarié.

D’abord, la clause de non concurrence étant stipulée dans l’intérêt des deux parties, l’employeur ne peut y renoncer unilatéralement que si cette faculté est strictement prévue dans le contrat de travail ou les dispositions conventionnelles.

A défaut, l’accord du salarié est exigé.

Ensuite, le salarié ne pouvant être laissé trop longtemps dans l’incertitude de l’étendue de sa liberté de travailler, la renonciation à l’obligation de non-concurrence doit intervenir dans un délai encadré.

Cette condition de validité de la renonciation nourrit un contentieux toujours foisonnant dont une nouvelle précision vient d’être apportée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans son arrêt du 21 mars 2018 (n°16-21.021).

L’enjeu n’est pas neutre. En cas de non-respect de cette condition, l’employeur est tenu de verser la totalité de la contrepartie financière tant que le salarié respecte son obligation de non –concurrence.

Pour rappel, le délai de renonciation doit être contractuellement ou conventionnellement défini. A défaut, la clause doit être levée le jour de la notification de la rupture du contrat.

Dans tous les cas, la clause de non-concurrence doit être levée au plus tard le jour du départ effectif du salarié de l’entreprise et ce, nonobstant toute disposition contractuelle ou conventionnelle contraire.

Ainsi, en cas de dispense de préavis à l’initiative de l’employeur, la renonciation doit intervenir dès la notification de la rupture (Cass.soc. 21 janvier 2015 n° 13-24471).

Dans l’hypothèse du licenciement, cela impose de lever la clause dans la lettre de licenciement, quand bien-même le contrat de travail prévoit que l’employeur dispose d’un mois suivant la notification de la rupture du contrat de travail pour y renoncer.

En cas d’exécution du préavis, sauf stipulation contractuelle ou conventionnelle prévoyant un délai plus court, la clause doit être levée au plus tard le dernier jour du préavis.

Dans sa décision du 21 mars 2018, la Haute juridiction apporte une précision complémentaire.

Suite à sa démission, le salarié informe son employeur qu’il écourte son préavis sans obtenir l’accord de son employeur.

L’employeur le libère de son interdiction de concurrence après son départ effectif de l’entreprise.

Trop tard ! lui rétorque le salarié qui s’appuie sur la jurisprudence de principe qui impose que la renonciation intervienne au plus tard le dernier jour effectif de travail.

La Cour de cassation, qui confirme la position de la Cour d’appel, rejette l’argument du salarié.

L’employeur n’ayant pas donné son accord à la réduction du préavis de 3 mois, il pouvait régulièrement lever la clause postérieurement au départ non autorisé du salarié, dès lors que la renonciation est intervenue avant la fin du préavis de 3 mois.

De nombreuses autres situations appellent la vigilance de l’employeur.

Il en est ainsi en cas de licenciement pour inaptitude.

L’employeur doit veiller à lever la clause afin de ne pas devoir la contrepartie financière.

La Cour de cassation décide en effet que le fait que le salarié se trouve dans l’impossibilité d’exercer une activité concurrentielle n’affecte pas la mise en œuvre de la clause qui ne devient pas automatiquement caduque (Cass.soc. 8 octobre 1996, n°95-40405).

Lors d’une rupture conventionnelle, le délai de renonciation court à compter de la date de rupture fixée dans la convention (Cass.soc. 29 janvier 2014 n12-22116).

Dans les groupes de société, lors de la mutation d’un salarié moyennant la rupture du premier contrat de travail, la clause de non-concurrence figurant à ce premier contrat est suspendue et produit de nouveau ses effets du jour où le nouveau contrat de travail chez le second employeur est rompu, quand bien-même cet autre contrat comporterait une clause de non-concurrence.

Par conséquent, il faut lever, lors de la rupture du dernier contrat de travail, toutes les clauses de non-concurrence figurant dans les précédant contrats au sein du groupe (Cass.soc.24 janvier 2014, n° 12-22116).

En cas de résiliation judiciaire du contrat de travail, la levée doit être demandée lors du contentieux au jour du jugement ou l’employeur pourra exercer son droit de renonciation dans le délai imparti qui courra à compter de la date du jugement (Cass.soc.6 mai 2009 n°07-44692).

En conclusion, la renonciation à l’interdiction de concurrence est semée d’embûches.

Le sujet est d’importance. Cette question doit être prise en compte, avec sérieux, dès la formation du contrat de travail, sans attendre sa rupture, au même titre que la pertinence même de l’insertion d’une telle clause dans le contrat.

Elodie Darricau , Avocat, Capstan Avocats

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