Le salon PharmagoraPlus, qui s’est tenu le week-end dernier, a permis de faire le point sur une évolution importante : les pharmaciens vont pouvoir réaliser des actes médicaux (1). Ce sera pour eux une nouvelle source de revenus ne reliant plus ainsi leurs développements commerciaux à la seule vente de médicaments. Les nouveaux services proposés peuvent aussi constituer une réponse aux déserts médicaux.

Cette mutation du métier de pharmacien interroge également sur son rôle dans le parcours de soin du patient et sur l’organisation de cette nouvelle prise en charge. Entre la réception de sa clientèle, la vente de médicaments et les services annexes proposés, l’évolution de ce métier dans le contexte d’une France vieillissante qui nécessite davantage d’acteurs de santé de proximité est au centre des préoccupations. Comment intervient-il aujourd'hui dans le parcours de soin du patient ?Est-ce un interlocuteur qui rassure, est-il compétent pour prendre en charge le patient qui vient le voir à l’officine et si oui, comment organiser cette prise en charge ?

Le repositionnement du métier de pharmacien : vers davantage d’accompagnement patient

La pharmacie est vouée à se transformer considérablement ces dix prochaines années. En effet, on peut pronostiquer pour le pharmacien une sortie de la « rémunération à la boîte ».

Le pharmacien bénéficie d’une confiance toute particulière de la population. En effet l’étude Avenir Pharmacie (2) réalisée auprès de pharmaciens d’officine et de patients à travers toute la France et présentée le 29 mars dernier, montre que le bon niveau de confiance dont jouissent les pharmaciens. Neuf personnes interrogées sur dix affirment avoir confiance dans cette population. Comme le montre également l’étude, « le pharmacien est considéré comme le professionnel de santé le plus facilement accessible par près de 2 patients sur 3 (63%), devant le médecin (33%) ». Le pharmacien est le premier interlocuteur santé pour le public. Par sa proximité, il est très apprécié de sa clientèle, des visiteurs de pharmacie et des patients. L’étude révèle également un fort intérêt des pharmaciens et des patients sur la possibilité de réaliser un dépistage en pharmacie.

« Si cela était autorisé et économiquement rentable, 95% des titulaires (= titulaires d’officines) proposeraient à leurs patients des dépistages santé au sein de leur officine. »

« Parmi les patients intéressés par un dépistage par le pharmacien, la majorité (56%) serait prête à payer 15€ en pharmacie si le dépistage y était réalisé en moins de 30 minutes. » « Le taux de patients intéressés par des dépistages en pharmacie est élevé et variable en fonction des troubles : cholestérol (79%), carence en fer (78%), diabète (76%), maladie de Lyme (73%), VIH/SIDA (59%). »

On constate que les patients consentiraient à réaliser leur dépistage auprès des pharmaciens et à les rémunérer pour ces nouveaux services proposés. Acteur de santé accessible et disponible, le pharmacien pourrait également réaliser des entretiens personnalisés, notamment dans le cas de réorientations vers des services d’urgence, ainsi que du renouvellement et du suivi d’ordonnances, particulièrement utiles pour les patients chroniques qui sont très attachés à la pharmacie de proximité.

Mais la grande nouveauté 2018, qui figure dans l’avenant de la Convention Pharmaceutique de 2017 validée et publiée au JO an mars dernier, réside dans les bilans de médication, plébiscités par plus de 78% des pharmaciens. Ils permettent de réaliser des bilans de santé et des évaluations cliniques, qui seraient particulièrement salutaires chez les plus de 65 ans. En effet, chez cette population, très poly-médicamentée, ils permettraient de prévenir le risque d’erreurs dans les prises de médicaments, sachant qu’on compte en France 10 000 morts par an à cause d’erreurs dans la prise de médicaments. Le pharmacien pourrait également proposer un accompagnement en sortie d’hospitalisation. On note d’ailleurs dans l’étude que « 59 % des pharmaciens ont prévu de mettre en place des bilans de médication dans les six prochains mois. » Le rôle du pharmacien est donc renforcé dans sa fonction de conseil, d’aide au bon usage du médicament, d’offre de services de soins supplémentaires et d’aide à l’éducation thérapeutique du patient.

Une solution pour pallier aux déserts médicaux

La France est touchée par une pénurie de médecins sur une partie de son territoire, principalement dans les zones les plus reculées. La fermeture de cabinets et les départs en retraite non remplacés de médecins dits « de famille » contribuent à cette insuffisance de l’offre de soins sur le territoire. Or, le maintien d’une bonne répartition des pharmacies sur le territoire et l’augmentation des champs de compétences du pharmacien pourraient contribuer à y remédier. Le pharmacien a une place essentielle en complément de celle du médecin dans notre société. Formé et compétent, il est le professionnel de santé de premier recours pour le patient. Au cœur de l’écosystème de santé, il est le point de rencontre entre l’information de santé et le patient. Lui octroyer de nouvelles compétences et élargir son offre de services pourra donc permettre d’améliorer le soin sur le territoire. On le voit bien avec l’aide à la surveillance des personnes âgées dans un contexte où l’on compte un nombre grandissant de personnes en perte d’autonomie.

En somme, le pharmacien n’est plus au point d’arrivée du parcours de soin mais au carrefour giratoire. En 2018, il devient un acteur de proximité de l’expérience du patient et on peut présager qu’en 2030, il sera un véritable coach de la santé.

La rémunération des pharmaciens pour le service rendu aux patients sera quant à elle fixée en 2019 et prendra en compte l’âge du patient et la complexité de la dispensation, c’est-à-dire le fait qu’un médicament soit à risque ou requiert une surveillance particulière. La fonction du pharmacien est ainsi transformée, valorisée et mieux encadrée par les nouvelles dispositions législatives, en vue de permettre une meilleure prise en charge des patients sur le territoire.

Alice Léger

Article publié dans Economie Matin

 

(1) Nouvelle convention pharmaceutique signée, en novembre 2017, par l’USPO, l’Assurance maladie obligatoire et complémentaire

(2) D’après l’étude Avenir Pharmacie « le pharmacien, acteur de proximité de l’expérience patient » présentée le 29 mars 2018 pour PharmagoraPlus en partenariat avec Opinion Way et Satispharma. (a été réalisée auprès de pharmaciens d’officine et de patients à travers toute la France du 21 février au 6 mars 2018.)

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