Agriculteurs, chefs d’entreprise, avocats, médecins, sage-femme ou encore mathématicien ont fait leur rentrée officielle au Palais-Bourbon il y a quelques semaines. Exit les professionnels de la politique. Exit aussi les élus vieillissants. Rajeunie de six ans, l’Assemblée nationale s’offre cette année une véritable cure de jouvence. Exit enfin les partis traditionnels. La droite et la gauche républicaines, plus affaiblies que jamais, ne disposent dorénavant que de 160 sièges, contre plus de 500 en 2011.

Retrouvez cet article dans le Magazine Décideurs de juillet/août

La populaire : Caroline Fiat

➜ La France insoumise

Comme un grand nombre de députés fraîchement élus, Caroline Fiat est totalement novice en politique. Cette aide-soignante de profession, mère de quatre enfants et originaire de Nancy, l’a emporté face au candidat FN avec 61,63 % des voix, devenant ainsi députée de la sixième circonscription de Meurthe-et-Moselle.

Diversité sociale et culturelle

À ceux qui pourraient moquer son manque d’expérience, Caroline Fiat a une réponse toute trouvée : « Je serai entourée de gens chevronnés », a-t-elle confié à plusieurs médias. Car ce n’est pas en tant qu’experte que cette femme de 40 ans rejoint les bancs du Palais-Bourbon, mais plutôt en qualité d’ambassadrice des « petites gens ». Son objectif : faire remonter au niveau national les réalités de sa circonscription. Une députée qui devrait représenter une diversité à la fois sociale et culturelle.

 

Le connecté: Bastien Lachaud

➜ La France insoumise

Sa discrétion n’empêche pas Bastien Lachaud d’être un militant engagé. Ce professeur d’histoire, passionné par les nouvelles technologies et les explorations spatiales qui l’a emporté dans la 6e circonscription de Seine-Saint-Denis avait été l’un des acteurs stratégiques de la campagne de Jean-Luc Mélenchon lors de la présidentielle.

Redonner le pouvoir au peuple

Responsable du numérique et figure de proue des « cybermilitants » de la France insoumise, l’enseignant aura largement contribué au succès du parti d’extrême gauche auprès du jeune public. Il faut dire qu’à seulement 35 ans, Bastien Lachaud est déjà un politicien expérimenté. Dès 18 ans, l’homme rejoint le PS, famille politique qu’il quitte en 2008 pour rejoindre le parti de gauche dont il sera nommé secrétaire général. Convaincu qu’il est aujourd’hui nécessaire de redonner le pouvoir au peuple, Bastien Lachaud, qui s’est largement opposé à la loi El Khomri en 2016, milite dorénavant activement pour l’institution d’une VIe République. L’auteur de La République nous appelle ! Histoire d’un humanisme populaire et émancipateur, (éd. Bruno Leprince, 2013), défendra le programme de la France insoumise aux côtés des seize députés élus, eux aussi, sous l’étiquette du parti fondé par Jean-Luc Mélenchon.

 

La forte tête : Brigitte Kuster

➜ Les Républicains

Avec 36,4 % des voix recueillies au premier tour des législatives, la maire du XVIIe arrondissement de Paris a su inverser la tendance pour l’emporter face à la candidate macroniste (46 % au premier tour) en obtenant 51,5 % des voix contre 48,5 %. Une véritable « remontada » qui permet à la conseillère de Paris en poste depuis 2001 d’obtenir son ticket d’entrée pour l’Assemblée nationale.

Une farouche opposante

Ancienne journaliste d’Europe 1, réputée tenace, Brigitte Kuster devrait rester fidèle à ses convictions en soutenant uniquement des projets d’intérêt général. Rare rescapée des Républicains à Paris, elle s’est déjà dite opposée aux mesures envisagées en matière fiscale par le président de la République, comme la hausse de l’impôt sur la fortune ou de la contribution sociale généralisée. Très engagée, elle a également affirmé être hostile au laxisme en matière pénale et à toute forme de remise en cause de certains « piliers de notre société » tels que la famille.

 

Le conciliateur : Pierre-Yves Bournazel

➜ Les Républicains

53,6 % des voix. C’est le score qui aura permis à Pierre-Yves Bournazel d’arracher la 18e circonscription de Paris au Parti socialiste (PS) face à l’ancienne ministre du Travail, Myriam El Khomri (46,4 %). Un petit exploit pour cet Auvergnat de 39 ans, fils d’assureur, qui s’est lancé dans la politique parisienne il y a déjà dix ans. Occupant tour à tour les postes de conseiller de Paris (2008) et d’Île-de-France (2012), il est choisi par Alain Juppé en novembre 2016 comme porte-parole lors de la primaire de la droite et du centre. Quelques mois plus tard, il reçoit le soutien d’édouard Philippe à l’occasion des législatives.

Un homme prêt à faire des concessions

En tant que député, le Républicain Pierre-Yves Bournazel s’est déjà dit prêt à faire prévaloir l’intérêt national. Et pour cause, même s’il est engagé à droite, cet ancien étudiant de Sciences-Po a régulièrement soutenu des décisions en opposition avec son camp. C’est le cas en 2008 lorsqu’il prend parti en faveur du droit de vote des étrangers. Désireux de répondre à la main tendue d’Emmanuel Macron, son nom avait circulé comme possible ministrable. Au sein de l’Hémicycle, il pourrait ainsi jouer un rôle de conciliateur.

 

Le soldat : Rémy Rebeyrotte

➜ La République en marche

C’est un nouveau défi qui se présente pour Rémy Rebeyrotte. Sorti victorieux du second tour, avec 55,4 % des suffrages, il a été élu député de la troisième circonscription de Saône-et-Loire, succédant ainsi à Philippe Baumel, député PS écarté dès le premier tour. Âgé de 51 ans, il est le maire de la ville d’Autun (depuis 2001) après avoir porté les couleurs du Parti socialiste et l’étiquette de « divers gauche ». C’est désormais sous la bannière de La République en marche qu’il intègre les rangs de l’Hémicycle.

Un homme de terrain

Élu conseiller général entre 1994 et 2015, il s’inscrit comme un défenseur du non-cumul des mandats. Très impliqué au niveau local, cet homme de terrain devrait servir au plus près la cause d’Emmanuel Macron au sein de l’Assemblée. L’ancien professeur d’économie à l’université et au lycée s’est d’ailleurs félicité des premières semaines du chef de l’exécutif, le jugeant « apte à redonner du crédit à la fonction présidentielle ».

 

L’autochtone : Christophe Naegelen

➜ Divers droite

Il a été élu avec une large avance dans la 3e circonscription des Vosges (60,7 %) face au candidat LREM Claude Thirard. Novice de la politique, Christophe Naegelen a, sous l’étiquette divers droite, bénéficié du retrait du candidat investi LR, Patrick Lagarde, non remplacé dans une circonscription traditionnellement ancrée à droite. Contrairement à une partie de sa famille politique, il affirme vouloir travailler aux côtés du gouvernement et dépasser les clivages. Pour autant, le boxeur de 35 ans affiche surtout une ambition claire pour sa circonscription.

Une détermination à travailler localement

Car le natif de Saint-Maurice-Sur-Moselle entend moderniser son territoire. Notamment inspiré par les « marcheurs » d’Emmanuel Macron, Christophe Naegelen a mené campagne au plus près du terrain, organisant une réunion publique dans presque chaque village de sa circonscription. Fondateur d’une société d’ameublement, le Vosgien promeut la formation professionnelle et ambitionne de créer le premier incubateur de start-up de la région, tout en y combattant la fracture numérique qu’il voit comme l’une des causes principales d’enclavement. À la fois fier de son territoire et exigeant dans ce qu’il en attend, Christophe Naegelen incarne ces nouveaux profils partisans d’une ruralité moderne, une expression qui sonne trop souvent comme un oxymore au cœur de l’Hémicycle.

 

La surprise : Josiane Corneloup

Les Républicains

Au vu des résultats du premier tour, voir Josiane Corneloup, candidate Les Républicains de la 2e circonscription de Saône-et-Loire, remporter l’élection était très improbable. Menée de sept points au soir du premier tour face au candidat LREM Vincent Chauvet, elle est finalement élue au second tour avec 51 % des suffrages exprimés. Le scénario illustre la détermination de la nouvelle députée, pourtant pessimiste à l’issue du premier tour : « Je n’avais pas préparé de discours, ou plutôt juste celui de la défaite », a-t-elle même déclaré lors de l’officialisation des résultats.

Une sommité de la santé

Élue conseillère municipale en 1986, Josiane Corneloup devient conseillère régionale en 2011 puis maire en 2014. Sa mission parlementaire reposera donc sur ces assises solides. Viennent s’y ajouter la présidence d’une société patrimoniale et une trentaine d’années d’expérience en tant que pharmacienne, qui font d’elle une proche du secteur public autant que du privé. Pour autant, son domaine de prédilection demeure la santé. Elle en fait sa mission principale à l’Assemblée, avec des propositions d’avenir comme l’instauration d’un numerus clausus régionalisé pour les étudiants en médecine. Elle a par ailleurs déjà ouvert une maison de la santé en 2006 afin de lutter contre les déserts médicaux. Josiane Corneloup, qui « ne conçoit pas la politique autrement qu’enracinée dans le réel », se revendique relais de l’action locale à Paris.

 

Le bulldozer : Olivia Grégoire

➜ La République en marche

Si beaucoup la donnaient perdante dans la 12e circonscription de Paris, fief de la droite, Olivia Grégoire, 38 ans, n’a jamais douté. C’est justement parce que la mission était difficile que le parti du nouveau Président a pensé à elle. « Je suis un bulldozer. Je ne lâche jamais », affirme-t-elle fièrement. Cette consultante en communication qui a monté sa société il y a dix ans, a surtout su appliquer les conseils qu’elle prodiguait à ses clients chefs d’entreprise. « J’ai dit à mon équipe que je ne voulais pas une heure de libre jusqu’à l’élection », raconte-t-elle.

Pas si novice que ça

Alors qu’elle lance sa campagne le week-end de l’Ascension, elle participe à toutes les messes du quartier. En multipliant ses déplacements, cette diplômée de Sciences-Po réussit à surfer sur la vague Macron qui avait permis au candidat de passer devant Fillon au premier tour des élections présidentielles. Elle fait même mieux que le « maître » en affichant dix-sept points d’avance le soir du 11 juin. Pour coller au renouveau porté par En marche !, elle soigne son image de novice. Pourtant, cette ancienne militante de Démocratie libérale a déjà travaillé au Service d’information générale sous Raffarin et au cabinet du ministre de la Santé Xavier Bertrand. « Mais je n’avais jamais considéré la politique comme un métier », nuance-t-elle. Dès sa victoire, Olivia Grégoire annonçait fermer sa société. Elle espère désormais jouer un rôle déterminant à l’Assemblée en participant à la commission des finances.

 

L’agricultrice : Sandrine Le Feur

➜ La République en marche

Pour Sandrine Le Feur, 26 ans, tout est allé très vite. Alors qu’elle ne s’est engagée en politique qu’en janvier dernier, cette passionnée d’économie solidaire vient d’être élue députée de Morlaix. Si certains de ses adversaires la jugent opportuniste, elle assure avoir rejoint le mouvement En Marche ! par conviction : « J’ai été séduite par le programme d’Emmanuel Macron qui fait disparaître les barrières. » Cette ancienne électrice de la gauche ne se reconnaissait plus dans les mesures prises par le gouvernement Hollande.

De l’eau dans son vin

À la tête d’une exploitation agricole bio avec son compagnon, Sandrine Le Feur lutte pour promouvoir un nouveau modèle de consommation. En 2014, cette mère d’un enfant de deux ans ouvre ainsi dans son village un magasin qui distribue en direct les produits de 25 agriculteurs de la région. Pour autant, elle a su s’adapter pour séduire son électorat. Empruntant au nouveau Président la voie du milieu, elle reconnaît qu’« il y a de la place pour toutes les agricultures ». Cette ancienne adhérente de la Confédération paysanne semble donc avoir mis de l’eau dans son vin. Un atout certain pour réussir sa reconversion politique. Sandrine Le Feur devra faire face aux critiques naissantes. Depuis son élection, un montage vidéo reprenant ses bourdes et hésitations prononcées lors de la campagne a été visionné plusieurs centaines de milliers de fois.

 

Le challenger : Buon Tan

➜ La République en marche

Encore une figure qui illustre la pluralité des parcours au sein de la galaxie En Marche !. Originaire de Phnom Pehn, capitale du Cambodge, Buon Tan et sa famille ont dû fuir le régime des Khmers rouges en 1975. Ils rejoignent le sud-est parisien dans lequel ils assistent à la création des premiers commerces asiatiques du quartier. Buon Tan aide son père à monter son commerce de thé et lui succède en 2001. Jamais vraiment comblé par son travail, il croit à l’ascenseur social et aux bienfaits de la « libération des énergies » promus par la France. Porté par ces valeurs, il s’engage comme élu et devient rapidement une figure locale.

Exemplaire ?

En 2014, Buon Tan devient adjoint au maire PS du 13e arrondissement, Jérôme Coumet, pour qui il se charge de l’attractivité économique et du tourisme. Une décennie plus tard, il vire de bord politique et se présente en faveur de l’actuelle majorité présidentielle. Également chef d’entreprise et élu au Conseil de Paris depuis trois ans, Buon Tan incarne parfaitement le modèle hybride de coordination des secteurs publics et privés loué par LREM. Une image exemplaire ternie par les plaintes récentes d’une ancienne collègue du Conseil représentatif des associations asiatiques de France (Craaf) pour détournement de fonds et un recours de son rival d’EELV pour des affiches électorales placardées dans plusieurs magasins.

Lire Les nouveaux visages de l'Assemblée nationale (1/2)

Caroline Castest, Capucine Coquand, Quentin Lepoutre, Vincent Paes, Gatien Pierre-Charles, Augustin Robert

Newsletter Flash

Pour recevoir la newsletter du Magazine Décideurs, merci de renseigner votre mail