Le gouvernement tunisien réussira-t-il à mettre en place un cadre réglementaire et institutionnel de production d’électricité à partir des énergies renouvelables à la fois adapté au climat d’investissement tunisien mais également aux impératifs internationaux de bancabilité afin d’atteindre l’objectif ambitieux de la transition vers les énergies renouvelables pour une production d’électricité de 30% en 2030.

Pendant les années 1970 et 1980, la Tunisie était un pays exportateur de pétrole et de gaz. Mais la baisse constante de la production pétrolière et l’augmentation rapide de la consommation nationale ont contribué au déficit énergétique national. Des considérations environnementales ont conduit la Tunisie à proposer de réduire ses émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs afin de baisserl’intensité carbone de 41 % en 2030.

L’augmentation de la capacité de production de l’électricité à partir des énergies renouvelable (ER) contribuera à diversifier son bouquet énergétique et à assurer ses besoins futurs d’une manière durable. Aujourd’hui, le potentiel de développement des ER en Tunisie est considérable avec un potentiel solaire et éolien largement inexploité. D’après le rapport Rise 2017 de la Banque mondiale, la Tunisie a un score général de 83 et un score de 73 dans le domaine des énergies renouvelables*.

Initiatives gouvernementales nombreuses

Depuis 2015, la Tunisie a déployé des efforts considérables pour encourager les investissements dans les ER par l’adoption d’un arsenal législatif et réglementaire, consolidant l’attractivité de la Tunisie.

Un cadre juridique évolutif : entre 2015 et 2017, le cadre réglementaire de base a été publié, notamment la loi N° 2015-12 ainsi que le décret N° 2016-1123 et ses arrêtés d’application publiés par le ministère chargé des ER (le ministère) approuvant des PPA type et des cahiers des charges de raccordement au réseau.

Entre octobre 2018 et mai 2020 le gouvernement a lancé une entreprise de modification progressive qui a touché tous les régimes – amélioration de la bancabilité du PPA du régime d’autorisation, autorisation de vente d’électricité entre les auto-consommateurs, en partant de son dialogue avec le secteur privé (développeurs, investisseurs locaux et étrangers, fonds d’investissement, banques locales, etc.), en particulier après le lancement des projets sous les différents régimes de production (deux rounds du régime autorisation et 68 projets sous le régime d’autoconsommation.

Un projet d’un « Code des énergies renouvelable » visant à unifier et harmoniser le cadre réglementaire des ER, est en cours de préparation par l’ANME.

Également, un nouveau Code des droits réels est en cours d’élaboration visant l’amélioration et l’harmonisation de la réglementation foncière. La mise à disposition d’un cadre réglementaire permettant l’accès à des terrains « bancables » profitera à l’amélioration du climat d’investissement dans le domaine des ER.

Cadre institutionnel défini : le développement des ER est assuré par un nombre considérable d’institutions gouvernementales, notamment, l’Agence nationale pour la maîtrise de l’énergie (ANME) dont le mandat a été progressivement élargi, la Commission technique pour la production privée d’électricité à partir des ER et l’Autorité spécialisée, le tout sous la supervision du ministère. Une autorité de régulation tunisienne devrait être créée et opérationnelle, d’après le Plan d’action. Également, le ministère créera un « Help-Desk » afin de simplifier les procédures et réduire les délais relatifs aux investissements en ER.

Politiques de soutien : depuis 2015, la production d’électricité a été partiellement libéralisée, notamment par l’adoption des textes régissant la cogénération, l’autoproduction et le raccordement au réseau national. La loi 2015-12 a ouvert la production d’électricité à partir d’ER aux investisseurs privés, jusqu’alors monopole de la STEG. Une réglementation fiscale et douanière incitative a été promulguée depuis 2016. Également, plusieurs fonds tunisiens ont été dédiés au financement de ce secteur émergeant des ER (Fonds de transition énergétique, le Fonds national pour la maîtrise de l’énergie, Fonds tunisien de l’investissement).

Cadre juridique adapté

Le nouveau cadre juridique consacre trois régimes de production d’électricité à partir de sources d’énergies renouvelables, à savoir :

Le régime d’autoconsommation permet la production d’électricité pour la consommation du producteur avec le droit au raccordement au réseau et à la vente de 30 % de l’excédent annuel de production exclusivement à la STEG. Également, l’auto-consommateur a la possibilité de constituer une société de projet pour la production d’électricité et de vendre à d’autres auto-consommateurs dont la puissance souscrite dépasse les 2 MW ;

Le régime de la consommation locale permet la vente exclusive de la production à la STEG avec un PPA type ;

Le régime de l’exportation permet l’exportation d’électricité en échange de redevances à verser à l’État tunisien, via une ligne directe connectée au réseau national.

Le ministère chargé des ER est en constante collaboration avec les bailleurs de fonds internationaux et les développeurs pour améliorer la « bancabilité » des documents de projet et contrats types (PPA, convention de concession, etc.)

Récemment, la loi n° 2019-47 sur l’amélioration du climat de l’investissement a introduit des mesures adaptant la réglementation des ER aux standards internationaux.

S’agissant des incitations financières, les investissements réalisés dans le secteur des ER bénéficient de nombreuses primes, dont une prime de l’augmentation de la valeur ajoutée et la prime de développement régional.

Démarrage progressif et prometteur

Le Plan d’action vise à la réalisation d’un objectif de 30 % de la part des ER dans la production nationale d’ER.

De même, l’Avis annuel sur la production ER adopté en 2014 par le ministre, visait la réalisation d’une capacité totale de 790MW d’ER. Actuellement, le gouvernement a atteint 2 GW dans sa pipe de projets.

En mai 2018, la STEG a lancé un appel d’offres d’un milliard de dollars pour la construction de parcs photovoltaïques et éoliens d’une capacité de 1 GW (PV et éolien).

Le 20 décembre 2019 le ministère a sélectionné trois développeurs pour la réalisation de cinq projets de 500 MW PV. En 2020 la Tunisie s’apprête à finaliser les appels d’offres relatifs aux 500 MW éolien.

Le gouvernement a également accordé des contrats de vente d’électricité (PPA) de plus de 300 MW, dans le cadre du régime d’autorisation. Le gouvernement a mis en place un plan de suppression progressive des subventions énergétiques pouvant atteindre 50 % en commençant par les industries à forte intensité énergétique (cimenteries, transformation alimentaire, etc.) 

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* Rapport sur la situation des politiques publiques dans le domaine
de l’énergie durable, 2017 « https://rise.worldbank.org/
country/tunisia »

Les points clés

- La Tunisie s’est dotée, depuis 2015, d’une législation spécifique adaptée à ce secteur émergent en consacrant trois régimes de production : autoconsommation, production locale et exportation.

- Des incitations financières et fiscales sont mises en place afin d’encourager les investissements dans ce secteur jugé stratégique.

- Des appels d’offres internationaux et plusieurs projets sont en cours pour la construction de centrales photovoltaïques et éoliennes.

- Le gouvernement adopte progressivement une politique de suppression des subventions énergétiques afin de renforcer la compétitivité de l’électricité issue des ER

Sur les auteurs : Fares Koussay El Heni, Associé-Gérant du cabinet Eversheds Sutherland El Heni à Tunis et Deputy Head Africa Group, et Nesrine El Amri, Collaboratrice, interviennent régulièrement en Afrique et en Tunisie dans le secteur des énergies renouvelables, dont le droit régulatoire, droit immobilier, ainsi que tous les aspects commerciaux et la réalisation des projets ER.

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