En 2014, treize grandes entreprises s’engagent à consommer uniquement de l’électricité renouvelable et créent le RE100. Aujourd’hui, l’initiative regroupe 240 entreprises. Les corporate PPA (power purchase agreements) ont pour ambition d’accélérer cette tendance. Analyse des forces et faiblesses de ces contrats long terme d’achat d’énergie entre producteur et consommateur qui se multiplient.

En juillet 2019, la SNCF a signé le plus grand PPA de France. Le contrat hors norme de part sa durée de vingt-cinq ans et son volume de 143 mégawatts, devrait fournir 3 % à 4 % de l’électricité nécessaire à la circulation des trains à partir de 2022-2023. La tendance se poursuit un an après avec la signature d’un nouveau PPA d’envergure en juillet 2020, entre Orange et Boralex. Le producteur d’énergie devrait fournir à l’opérateur téléphonique 67 GWh par an d’électricité, générée par des sources d’énergies renouvelables. Le dernier ajout à l’arsenal de promotion des énergies renouvelables semble avoir le vent en poupe : selon les analyses de BNEF (Bloomberg New Energy Finance), les entreprises membres du groupe RE100 devront acheter environ 200 TWh additionnels d’électricité renouvelable d’ici 2030 si elles veulent respecter leurs engagements de réduction de leur empreinte carbone. Si elles venaient à s’alimenter en énergie verte en contractualisant des Corporate PPAs, cela pourrait concerner 100 GW de nouvelles capacités solaires et éoliennes.

Les producteurs de plus faible envergure devront, quant à eux, passer par des agrégateurs, chargés de regrouper les productions de petits producteurs, pour pouvoir vendre directement de l’électricité à des clients importants.

Pourquoi cette montée en puissance des PPA ?

Le succès grandissant des PPA s’explique en partie par la stabilité qu’ils proposent. De fait, le prix de l’approvisionnement en électricité est fixe pour la durée du contrat. C’est ainsi une bonne façon de se prémunir contre les risques d’augmentation des prix de l’énergie. La popularité sans précédent de ce type de contrat s’explique aussi par la baisse des coûts des énergies renouvelables, directement liée aux PPA. Selon BNEF (Bloomberg New Energy Finance), "le coût des panneaux solaires a diminué de 84 % depuis 2010, celui des turbines éoliennes de 32 %".

Rappelons également qu’il est impossible de retracer l’origine de l’électricité, dans la mesure où les différentes sources d’énergie intègrent leur production d’électricité au réseau national. Il n’est donc physiquement pas possible de déterminer si une entreprise consomme de l’électricité « verte », ou provenant de combustibles fossiles. Pour endiguer ce problème, les producteurs d’électricité « verte » proposent donc des garanties d’origine (G.O), qui certifient qu’un montant précis d’électricité issu de sources renouvelables a été injecté au réseau national. Ces garanties d’origine permettent aux entreprises d’atteindre leurs objectifs RSE, en attestant de leurs investissements dans les énergies renouvelables et de la diversification de leur mix énergétique.

En Europe, une partie des signatures de PPA s’explique par la menace de l’augmentation du prix de la tonne carbone qui pèse sur les entreprises. En effet, au sein des marchés régionaux du carbone (40 pays en 2014 selon la Banque mondiale), comme le marché des quotas européen, le prix de la tonne carbone pourrait atteindre 40 euros en 2020/2021. Enfin, en assurant la viabilité financière des projets en développement, les Corporate PPAs réduisent la dépendance des projets aux subventions publiques, ce qui augmente leur compétitivité lors des appels d’offres publics.

Aucune solution n’est parfaite

Si les PPA garantissent une certaine stabilité des prix, cette dernière constitue selon l’Office franco-allemand pour la transition énergétique (OFATE) l'une de leurs principales faiblesses. Des risques de flexibilité de la production sont à prendre en compte, dans la mesure où les énergies sur lesquelles s’appuient ces contrats (éolien, solaire…) sont intermittentes. En fonction des conditions météorologiques, il y a donc un risque de surproduction ou, au contraire, de sous-production d’électricité. Le consommateur peut donc être amené à supporter l’écart entre ses besoins effectifs d’électricité et la production réelle du fournisseur d’énergie. L’OFATE souligne que les contrats de type take-and-pay engagent le consommateur final à acheter la totalité de la production à "un prix fixe par kWh consommés". Le client est, dans ce cas, contraint à revendre un éventuel surplus sur le marché, ou à s’approvisionner en cas de volume insuffisant. Dans ce cas, l’approvisionnement complémentaire se fait au prix du spot (prix du jour J pour le lendemain) "entraînant un risque de déviation du prix supplémentaire qui pèse sur le consommateur" selon le document.

D’autre part, les PPA donnent une chance aux producteurs dont les infrastructures de production n’étaient pas conformes aux exigences des obligations d’achat, de vendre directement leur électricité à des clients. Toute médaille ayant son revers, les power purchase agreements n’offrent malheureusement pas les mêmes garanties que les obligations d’achat. Ces dernières assurent au producteur que son électricité sera achetée sur une période déterminée. Sur ce même laps de temps, rien ne garantit au producteur que l’entreprise avec laquelle il aura signé un contrat de type PPA, restera en capacité d’acheter la production. De fait, il est plus difficile pour un producteur d’énergie renouvelable de financer une augmentation de ses capacités de production, avec pour garantie un PPA plutôt qu’une obligation d’achat, le premier constituant une assurance moins convaincante pour les financiers. 

Les contrats d’achat d’électricité, s’ils sont multiples, offrent néanmoins l’embarras du choix, tout en contribuant à accélérer le déploiement des infrastructures productrices d’électricité verte, dont la courbe de prix devrait croiser celle de l’électricité conventionnelle entre 2022 et 2025. 

Par Thomas Gutperle

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