Comment les litiges civils et administratifs nés et à venir sont-ils traités durant le confinement ? Malgré un ralentissement considérable du fonctionnement de la justice, les juridictions et les institutions adoptent des mesures pour permettre la poursuite de certains contentieux.

À situation exceptionnelle, mesures exceptionnelles. Afin de lutter contre la propagation du coronavirus, une circulaire du 14 mars 2020 a fermé les portes des juridictions civiles et les a invitées à mettre en place des plans de continuité de l’activité juridictionnelle. Seules les audiences jugées essentielles – référés devant le tribunal judiciaire ou audiences auprès du juge des libertés et de la détention – sont maintenues. Des clarifications ont été apportées par la suite grâce à la loi d’urgence du 23 mars qui habilite le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance afin de prendre des mesures pouvant modifier les règles juridictionnelles d’organisation et de procédure le temps de la crise sanitaire. C’est de cette manière qu’est née l’ordonnance du 25 mars dernier adoptée en Conseil des ministres.  

Plan de continuité

Pour trancher au mieux les contentieux, l’ordonnance prévoit un transfert de compétences territoriales vers les juridictions capables de fonctionner : ainsi, il est possible pour le premier président de la cour d’appel de désigner une juridiction du ressort de la cour qui sera en mesure de connaître de l’activité d’une autre juridiction qui ne fonctionnerait pas. Inconvénient majeur : cela est susceptible de créer une situation de litispendance en application de l’article 100 du Code de procédure civile. 

Parce que les juridictions sont fermées et que les contacts physiques doivent être limités, l’ordonnance prévoit également l’échange des actes de procédure entre les parties « par tout moyen, notamment électronique » et les invite à partager leurs écritures et leurs pièces de la même manière. Ces mesures sont partagées par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui favorise la communication des décisions et des arrêts par la voie électronique. La transmission est ainsi faite sur des sites sécurisés pour les gouvernements et sur la plateforme eComms (electronic communications) pour les requérants. 

L’acte réglementaire préconise par ailleurs le recours au juge unique en première instance et en appel pour les litiges civils. Les juridictions administratives, qui suivent quant à elles une procédure écrite, poursuivent leurs activités en prenant néanmoins des mesures pour faire face à la propagation du coronavirus. Ainsi, l’ordonnance du 25 mars prolonge les délais de tout recours dont l’échéance intervient entre le 12 mars et le 23 juin 2020. Le texte permet aussi le recours aux télécommunications pour tenir les audiences et autorise le juge des référés ainsi que les cours administratives d’appel à statuer sans audience pour les procédures d’urgence. 

Gestion téléphonique des litiges 

L’utilisation de la visioconférence est plébiscitée. Le jugement rendu par le  tribunal de Nanterre ayant restreint l’activité d’Amazon est un bon exemple de son efficacité. Conformément à l’ordonnance du 25 mars dernier, le juge civil peut décider que l’audience se tiendra par visioconférence. Mais, en cas d’impossibilité technique ou matérielle, il lui est possible « d’entendre les parties et leurs avocats par tout moyen de communication électronique, y compris téléphonique ». 

Dans la même veine, le tribunal de commerce de Paris a décidé de s’organiser pour assurer la continuation de sa mission par la voie numérique. Dès l’annonce de la fermeture physique des juridictions le 16 mars, les juges volontaires se sont mobilisés pour traiter par conférence téléphonique la totalité des demandes en procédure de prévention – notamment les mandats ad hoc et les conciliations. Le tribunal de commerce de Paris a aussi mis en place un dispositif complet de procédures à destination du traitement des entreprises en difficulté et à la protection des salariés. En parallèle, la délégation générale à la prévention du tribunal reçoit les demandes d’ouverture de procédure de mandat ad hoc et de conciliation par mail et organise ses audiences par conférence téléphonique. Enfin, en matière de procédure collective, le tribunal tient ses audiences de chambre du conseil en visioconférence, avec trois juges, le procureur de la République et un greffier. 

La matière arbitrale a, quant à elle, été moins touchée par les mesures d’urgence : la plupart des cours arbitrales privilégient la transmission et l’échange des écrits par voie électronique et utilisent déjà la visioconférence, parfois même pour la cross examination. Le secrétariat de la chambre de commerce internationale (CCI) a tout de même rendu une note d’information le 9 avril dernier relative aux mesures visant à réduire les effets de la pandémie. Il y préconise de dresser une liste de règles procédurales auxquelles les tribunaux arbitraux doivent recourir pour garantir une pleine efficacité des arbitrages. 

Recours aux modes alternatifs

Le ralentissement de la justice étatique permet un développement du règlement amiable des litiges par la voie numérique, comme l’indiquent la plupart des répondants à une enquête exclusive réalisée par Décideurs Juridiques. Ainsi, 46,9 % des personnes interrogées se concentrent sur le précontentieux et les modes alternatifs de règlement des conflits (Marc). Car, s’il est impossible d’assurer un processus de médiation – judiciaire ou conventionnelle – en présentiel, son accès peut être organisé en ligne. L’outil informatique permet de faciliter le recours au médiateur sollicité par une plateforme et par une gestion dématérialisée du processus dans le cadre d’un espace privé de discussion par visioconférence. Les échanges sont sécurisés et les données personnelles protégées. Par exemple, le barreau de Paris a créé une médiation conventionnelle par visioconférence sur son site internet avec des avocats négociateurs qui s’engagent à régler des litiges en urgence en matière familiale (gestion de l’autorité parentale notamment). Mais, si la négociation en ligne permet de régler certains différends de faibles montants, elle ne s’adapte pas aux litiges de grande ampleur. Sans compter que les médiateurs ne sont pas tous formés à l’usage des outils numériques. La période de confinement incitera peut-être à l’adaptabilité de ces professionnels dans l’avenir.

Massilva Saighi

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